Flavia Pompeia Lupida ~ La louve de Pompéi

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Flavia Pompeia Lupida incarnée par Diane Kruger Ave, étranger! Je suis Flavia Pompeia Lupida, fille de Numerius Flavius. Née à Pompéi, il y a 38 ans, je suis d'origine romaine. La déesse Fortune a fait de moi une patricienne et j'ai pour famille mon époux Lucius Pompeius Publicola, ma belle-sœur Pompeia Praedita, ma sœur Flavia Albina, mes enfants Marcus, Pompeia Aurea, Pompeia Virginia ainsi que le petit Flavius, officiellement. Plus de 2000 ans plus tard, c'est Penelope qui m'incarne. Qui es-tu? Vaste question ! Je suis une Parisienne de 21 ans (bientôt 22, c'est le début de la fin ), étudiante en histoire/histoire de l'art, grande latiniste devant l'éternel (si si grande, mes dix ans de latin m'ont traumatisée à vie, et tant pis si mes anciens profs ne sont pas d'accord), et rpgiste depuis une éternité (ou presque). Je connais ce forum depuis ses débuts que j'ai suivi sur PRD et étant donné que je suis une passionnée de forums historiques ainsi que de la période des débuts de l'Empire, j'ai longtemps hésité à vous rejoindre. L'une d'entre vous m'ayant alléchée avec cette Lupida qui allait se libérer (la vile, elle sait que je ne peux résister à des pvs comme ça !), me voilà enfin parmi vous ! Si je venais malheureusement à quitter le forum, j'accepte [X] que mon personnage soit laissé dans les pvs

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→ Ce que je pense de Pompéi
« Parfois, lorsque décline le soleil, du loin de la villa des Mystères, isolée entre les plants de vigne, les arbres fruitiers et les rochers battus violemment par les vagues, je laisse mon regard se poser sur les premières maisons de la ville et je me prends à songer que c'est là l'une des cités les plus raffinées et les plus agréables de notre République. J'ai beau être allée à de nombreuses reprises à Rome lors de ma jeunesse pour servir les volontés politiques de mon père, je considère que le train de vie que l'on peut mener à Pompéi n'est à nul autre pareil. C'est dans ce berceau de prospérité que je suis née, que j'ai grandi, et j'en connais chaque visage, chaque demeure patricienne, chacun des secrets et des jalousies qui grandissent dans ses ruelles les plus sombres et éclatent sur le forum public. Derrière ses façades respectables, le luxe de ses jardins et de ses parements, Pompéi, petite  sœur de Rome mais d'apparence plus agréable, dissimule autant d'intrigues que d'ambitions. Et pour m'être forgée à ses murs, je suis à son image, moi qui, en tant qu'épouse du duumvir de la cité et du petit-neveu de son fondateur, protectrice de sa populace que j'étourdis de dons, estime être dans mon droit d'y régner sans partage ».

→ Ce que je pense de la politique
« Il y a très longtemps désormais, lorsque j'étais encore une enfant prompte à échapper à la surveillance de ma nourrice pour aller écouter les conversations de mon père avec ses invités, j'ai été surprise derrière une porte par un esclave qui me conduisit jusqu'aux pieds de Numerius Flavius pour qu'il me fouettât de ma désobéissance. Je me souviendrais toujours de ses paroles alors, quand je lui demandais pourquoi ni ma mère ni moi-même n'étions acceptées dans ces mystérieuses discussions, puisqu'il me répondit que la politique n'était pas affaire de femmes. Mais il avait échoué dans sa démonstration : je venais de comprendre que la politique ne se faisait pas uniquement sur la place du forum ou par les beaux discours du Sénat, elle n'était en réalité qu'affaires d'alcôves et de secrets de couloirs. Là où nous avions toute notre place. Tout n'était alors que question d'apparence. Depuis, je suis mariée à un homme puissant et plein d'ambition et chaque jour qui passe, je le dédie à servir nos intérêts en commun, à manœuvrer dans l'ombre, à faire basculer les jeux des alliances. Sous mon visage de matrone respectable, pleine de vertus et de bonté, se dissimule une intrigante prête à tout pour parvenir à ses objectifs. La politique n'est pas un loisir, elle est une raison de vivre qui me ronge, une passion qui me dévore ».

→ Ce que je pense des jeux
« Les jeux n'évoquent pour moi que les cris d'un peuple assoiffé de sang, encourageant ses champions un jour puis demandant leur mort le lendemain, les amusements barbares de ceux auxquels il suffit d'offrir un spectacle pour qu'ils en oublient leurs préoccupations. Je n'éprouve aucun intérêt pour le cirque ou les gladiateurs, seulement du mépris mais je sais bien qu'ils sont nécessaires à la bonne marche de notre cité. C'est là que le peuple assouvit ses passions funestes et peut laisser libre cours à ses pulsions meurtrières. C'est là aussi un moyen pour nous d'être aimés, car nous les jetons souvent en pâture aux Pompéiens, comme des dieux accorderaient un présent à un mortel sans espoir, combien même ce cadeau n'est qu'illusoire. Cependant, même si je ne peux l'avouer, j'éprouve également une sorte de fascination pour ces jeux. Ils sont comme le revers de la médaille de la vie que nous menons, comme un écho déformé de nos luttes politiques où règnent cruauté et inflexibilité, où celui qui est à terre ne peut espérer se relever car il ne sera achevé que dans le sang. Comme des gladiateurs, nous sommes pris au piège et n'avons d'autre choix que de vaincre ou de mourir ».

→ Mes souhaits, mes rêves, mes ambitions
« On a coutume de dire que l'ambition est sans limite, que lorsque l'on touche un objet, on en désire encore un autre, que lorsque l'on possède une chose, on en désire toujours davantage. Les écrits de nos sévères ancêtres et même ceux des amis de mon père comme ce Marcus Tullius Cicero ont beau dire que pour être heureux, il faut savoir se contenter de ce qu'on l'on a, j'en suis incapable. Mes désirs de puissance sont infinis et le seul qui puisse me comprendre, parce qu'il les partage, c'est mon époux dont je suis l'indéfectible complice. Tous les moyens sont bons pour parvenir à nos objectifs et tous les moyens sont à notre disposition. Mais je suis avant tout une mère et si j'accomplis tout cela, c'est aussi pour mettre ma progéniture à l'abri du besoin, de la protéger de mes griffes de louve car je ne veux que le meilleur pour chacun de mes enfants qui ne peuvent que briller de tout l'éclat de l'amour et des espoirs que j'ai placés en eux ».

→ Ma pire crainte
« Je n'ai pas peur des batailles ni de la mort qui m'attend au loin, je n'ai pas peur de la haine qui pourrait suivre mes pas ou de la jalousie qui pourrait s'abattre sur moi. Ma seule et unique crainte, c'est de perdre tout ce que j'ai construit et tout ce à quoi je tiens, de voir s'effacer ma place à Pompéi au fur et à mesure que les rides parcheminent mon visage et effacent ma beauté et davantage encore, de subir les fissures de mon cœur si je venais à voir se décomposer ma famille. C'est pour elle que je multiplie les offrandes aux dieux, c'est pour elle que je prends les armes et lutte chaque jour, pour son prestige et sa gloire, c'est pour elle que je suis capable de sortir crocs et griffes. Rien ne pourrait davantage me faire souffrir que de perdre la confiance de mon époux, raison pour laquelle je dissimule mes noirs secrets, ou l'amour de mes enfants, et j'ai coutume de penser que seuls eux sont capables de me détruire. Si notre position paraît assurée à l'heure actuelle, des ombres planent avec l'arrivée au pouvoir du petit-neveu de César et le retour de Murena dans la cité, mais la louve de Pompéi est prête à tout pour protéger ceux qui lui sont chers ».

→ Heureusement, les Dieux veillent sur moi.
« Les dieux sont des êtres jaloux et orgueilleux qu'il convient de satisfaire car leur vengeance est souvent bien terrible, comme nombre de leurs bienfaits. Je veille avec une minutie rigoureuse à ce que le culte aux Lares de notre foyer soit rendu et j'y emploie une attention soutenue car le feu sacré doit toujours brûler pour la sauvegarde de notre famille. J'apaise également les Mânes des ancêtres de mon époux avec des offrandes régulières, afin que leurs spectres ne puissent venir nous hanter. Mais de manière personnelle, je dédie un culte plus particulier à la déesse Vénus qui est la protectrice de notre cité ainsi que du peuple romain, je suis attachée à elle depuis ma plus jeune enfance lorsque je ne portais que le surnom de « Pulchra » car j'avais le sentiment qu'elle veillait sur moi et je lui suis encore plus dévouée sous sa forme de « Genitrix » qui la représente sous les traits d'une mère féconde et prospère. J'ai déjà fait plusieurs fois partie du collège de prêtresses pour assister aux offrandes et aux libations en son honneur et je suis reconnue pour être une grande donatrice pour son temple à Pompéi. De mauvaises langues racontent également que des cultes à mystère se déroulent sur mes ordres dans notre villa à l'écart de la ville, rumeurs auxquelles je ne réponds que par un sourire ».

D'un geste, je dénoue mes longs cheveux blonds qui retombent en cascade sur mes épaules seulement recouvertes d'un voilage et viennent me caresser la nuque, m'étourdissant d'une forte odeur de fleur. Une mèche taquine se promène sur ma joue et je lève ma paume pour la replacer sagement derrière mon oreille, le regard perdu sur une ligne d'horizon bleutée et floue, brillante sous l'éclat d'un soleil puissant, mais je ne détourne mes yeux d'un bleu aussi profond que cette mer qui vient sans cesse affronter les rochers sur lesquels notre villa a été bâtie il y a de cela des années par les ancêtres au nom glorieux de mon époux, comme si elle cherchait à nous renverser sans comprendre qu'elle ne pouvait rien faire contre la force de la pierre. Un vent sec vient doucement se glisser dans ma chevelure, effleure ma peau comme autant de caresses d'un homme attentionné, m'arrachant un frisson. On m'a souvent dit que j'étais belle. C'est une formule qui naît sur toutes les lèvres de ceux qui m'ont un jour rencontrée, qui m'a fait gagner mon surnom de « pulchra » quand je n'étais encore qu'une enfant aux boucles blondes, aux grands yeux bleus interrogateurs et au sourire innocent avant que la louve ne finisse par sortir ses griffes et faire de moi la « lupida », et qui m'a valu la réputation d'être l'une des plus belles femmes de la République. Mais je ne suis pas certaine qu'il s'agisse d'un véritable compliment. La beauté fait peur parce qu'elle n'est pas humaine. Elle fait peur parce qu'elle ne semble que tromperie et mensonge, parce qu'elle est une malédiction des dieux et parce qu'elle peut déclencher des guerres, comme aime à le rappeler mon esclave grec, le savant Narcisse lorsqu'il conte les batailles de Troie. Mais moi je sais que la beauté est avant tout une arme, c'est là un secret que je partage avec la déesse qui veille sur ma destinée, Vénus la protectrice, la mère et la redoutable, qui tient sa pomme d'or et esquisse un sourire dans sa figure de marbre, là, dans le jardin de la villa.

- Maman ! S'écrie une petite voix.
Arrachée à mes pensées, je me retourne à temps pour voir se précipiter vers moi le jeune Flavius que j'accueille dans mes bras en laissant échapper un rire. Il se serre contre moi avec toute la vitalité de son jeune âge, me narrant avec excitation tout ce qu'il a fait avec son précepteur. Avec tendresse, je ne peux m'empêcher de caresser sa joue ronde de bambin mais me sentant observée, je relève les yeux sans qu'il ne s'aperçoive de rien. Ma sœur est là, non loin de notre autel lapidaire, s'apprêtant sans doute à me rejoindre mais elle s'est arrêtée et nous fixe, la mine grave. Une seconde, nos regards se croisent et nous restons toutes deux immobiles, liées par un secret terrible, par la promesse que nous avons échangées des années auparavant et que Flavia Albina semble avoir de plus en plus de mal à accepter. C'était pourtant elle qui m'avait suppliée de garder l'enfant qu'elle venait de mettre au monde alors que nous avions prévu de l'abandonner car il n'avait pas de père. J'avais fini par céder sous ses insistances mais pour éviter le déshonneur, nous devions faire passer l'enfant comme le mien et celui de Lucius. Par cette demande, Flavia s'était condamnée à la plus terrible des tortures, à voir son fils appeler une autre « maman », à lui faire porter un nom qui n'était pas le sien, à se faire choyer par une famille qui n'était pas totalement la sienne, restant à l'écart, comme une étrangère. C'est à moi qu'elle en veut, je le sais. Je la connais depuis son plus jeune âge, c'est moi qui l'ai vue faire ses premiers pas, qui lui ai donné son éducation, qui l'ai serrée dans mes bras pendant que notre père Numerius Flavius gravissait le cursus honorum à Rome et que notre mère Tertulla s'enfonçait dans une vie de plaisirs et de futilités. Je sais très bien que l'injustice fait souffrir son cœur, qu'elle se déteste de me jalouser alors que j'ai été celle qui l'ai toujours soutenue dans son enfance ou dans son mariage, ignorant que j'avais insisté pour qu'elle épouse cet homme qu'elle ne pouvait aimer, persuadée alors que c'était dans son intérêt mais j'ai également conscience qu'elle ne sait pas le pire. Le pire, c'est que je me suis attachée à cet enfant et que j'en viens à réellement considérer qu'il est le mien. Que je l'aime comme tel.

Albina a pourtant longtemps été ma seule compagne, quand nos parents nous avaient abandonnées aux mains des esclaves et de Narcisse, le précepteur que mon père avait acheté pour moi pour m'apprendre les lettres car, et c'est là sans doute la seule raison pour laquelle je peux lui être reconnaissante, il considérait que ses filles devaient pouvoir soutenir une conversation. Si ma mère semblait ne pas avoir remarqué notre existence, il nous ne voyait, lui, que comme des pions dans un immense jeu sur lequel il combattait ses adversaires, lui le proche de Pompée à la carrière politique pleine d'espoir, et j'étais pour lui une pièce maîtresse, sa fille dont on louait la beauté, la grâce et l'intelligence. J'ignore quelle attitude était la moins détestable mais s'il dut m'inculquer une chose, ce père que je détestais car il maniait plus le fouet que les paroles aimables, ce fut une haute opinion de moi-même et de ma gens. Les Flavii avaient fait la fierté de la République, depuis toujours leurs voix résonnaient dans la Curie et leurs noms s'illustraient sur les champs de bataille. J'étais destinée à un magnifique mariage, à régner sur une immense domus et à ne me contenter que du meilleur. Pourtant après m'avoir exhibée à Rome quand il lui en prenait l'envie, mon père me renvoyait dans ma demeure natale à Pompéi, auprès de ma petite sœur, comme une quantité négligeable, et je me retrouvais alors seule à veiller sur une enfant avec laquelle on ne pouvait avoir de conversation. Seule, terriblement seule. Avec le recul, je dois reconnaître que ce n'était pas tout à fait vrai, cependant. J'ai toujours été quelqu'un d'ouvert, d'agréable et de chaleureux et l'un de mes amis d'enfance parvenait à me distraire assez pour me faire rire et m'apporter un peu de réconfort. Je crois que j'ai espéré épouser Caius Licinius, que je me suis plu à m'imaginer comme la femme sur laquelle il veillerait et je n'avais pas encore quatorze ans quand j'ai cherché du réconfort dans ses bras, juste après qu'il ait pris la toge virile. La jeune fille que j'étais encore s'étourdissait sous ses caresses, pour la première fois de son existence, elle avait l'impression de se sentir aimée et désirée et bien que consciente des dangers et du déshonneur auquel elle se vouait, elle s'était donnée à Caius, persuadée qu'il ne pouvait la trahir. À l'époque, je ne connaissais pas encore Lucius, je pensais qu'il s'agissait de passion et je savourais chaque instant que je passais avec lui, fermant les paupières quand son souffle dans mon cou murmurait que j'étais belle. Il n'était pas bien différent des autres en réalité, il a fini par partir précipitamment de Pompéi sans un mot, sans une promesse. Mais sans me laisser seule car je ne mis pas longtemps à me rendre compte que j'attendais un enfant. Et malgré le goût amer de la trahison, je me suis surprise à aimer ce bébé dès les premiers mouvements qu'il fit en mon sein, dès qu'il transforma mon corps d'enfant pour faire de moi une femme. De la Belle à la Louve.

La Louve dépose le petit Flavius à terre, il souhaite raconter son histoire que j'ai à peine écoutée à son père. Dès qu'il s'éloigne, un silence accueillant m'enveloppe à nouveau, ma sœur a tourné les talons. Il est uniquement rompu par le bruit des artisans au loin, ceux qui travaillent sur une nouvelle fresque dans notre villa que l'on surnomme villa des Mystères à Pompéi car nul ne sait exactement ce qui se déroule dans cette vaste propriété à l'écart de la ville. Ils doivent décorer tout le mur d'une salle de réception d'architectures feintes et d'une forêt emplie d'oiseaux et j'aime parfois à les voir œuvrer à faire naître la nature sur des murs d'une blancheur immaculée. Parfois lorsque c'est réellement réussi, je suis certaine que l'on peut entendre pépier les oiseaux comme on peut assister sans fin à l'initiation de la jeune fille aux cultes dionysiaques dans la salle à manger. J'ai toujours été admirative des arts, autant de la peinture, de la musique, des belles-lettres ou du théâtre, m'y intéressant encore davantage après mon mariage, même si mes intentions ne sont plus aussi pures qu'auparavant, car je ne vois en eux désormais que des manières de glorifier notre nom et proclamer notre prestige. C'est dans cette villa des Mystères, la villa dont je suis la maîtresse et dont, au bout de vingt-quatre ans, je connais tous les recoins, que je me suis installée après mon mariage et avec mon secret bien gardé. C'est là que j'ai donné la vie à Marcus, là aussi où je l'ai vu grandir, s'étoffer au fil des années bientôt rejoint par deux sœurs, là également que j'ai tremblé qu'il ne ressemblât à Caius et qu'il ne vienne lui-même déjouer mes mensonges. Mais alors qu'il me ressemblait toujours davantage, je sentais le poids de ma faute, le sentiment de honte qui m'étreignait s'adoucir et j'ai œuvré, comme un bon artisan, à le modeler en parfait fils de son véritable père, celui qui lui a donné son éducation et son affection. Cet homme, je ne l'ai pas choisi moi-même, je le connaissais même peu avant de devoir me livrer à lui mais à l'époque, une seule idée me martelait le crâne : il allait me sauver. Un mariage rapide devait en effet lui faire penser que j'étais tombée enceinte peu de temps après nos noces et mon secret serait à jamais dissimulé dans les tréfonds de ma mémoire. Avec le recul, je me dis que s'il fallait que je sois une nouvelle fois reconnaissante à mon père, ce serait pour le choix qu'il avait fait pour moi : les vingt-quatre années que nous avons passées ensemble m'ont montré que Lucius Pompeius Publicola était l'époux qu'il me fallait. Mais il est plus que cela encore. Il est tout.

C'est pour lui que je garde farouchement mon secret car jamais je ne voudrais le décevoir, que je lutte obstinément dans nos intérêts, que j'arbore ce visage de matrone respectable qui donne des fêtes flamboyantes dans sa demeure et de multiples offrandes aux dieux et cadeaux au peuple. Nous nous sommes immédiatement compris, nous avions les mêmes ambitions, nous poursuivions les mêmes rêves. En épousant un Pompeius, je portais également ce nom et je désirais tout autant le voir briller. Dans sa lutte pour le pouvoir, je suis son plus fervent soutien, sa complice et son bras droit. Avec une habileté que je ne dois qu'à moi-même, je parviens à le conseiller et à l'influencer sans pour autant chercher à outrepasser le respect que je lui voue. Il sait que je serais toujours là pour lui, quoiqu'il puisse arriver. Et même s'il donne son corps depuis plusieurs années à une autre femme, croyant que je l'ignore, je demeure présente et fidèle, pierre angulaire dans une maisonnée parfois ballottée par bien des drames et des cris. Rien ne peut faire flancher la Louve et je défends, crocs dehors, tout ceux qui osent s'attaquer à ma famille ou à mes enfants. Lucius m'a donné deux magnifiques jeunes filles, aux longs cheveux blonds, et je suis prête à tout pour les protéger. Si elles ont quitté la maisonnée, l'une pour se marier, l'autre pour se faire vestale, je crois parfois toujours entendre le rire d'Aurea pendant des jeux avec sa sœur, celui-là même que l'on n'a plus guère l'occasion d'apprécier, ou les petits bruits de pas de Minor, devenue Virginia, lorsqu'elle me suivait partout en ouvrant de grands yeux bleus innocents quand je la surprenais en faisant mine de me fâcher. Je vois bien les jalousies devant nos succès, ces regards envieux qui nous souhaitent peut-être la fin de quelque Pompée ou César, car du loin de Pompéi nous avons échappé aux proscriptions qui ont ensanglanté Rome, mais je ne peux m'empêcher de songer qu'ils ne savent pas la vérité, qu'ils ne savent pas à quel point notre maisonnée est déchirée, entre un père et un fils qui ne se comprennent plus, des filles pleines de rancœur. Mais tant que je serai là pour les adorer, notre foyer tiendra debout, la flamme continuera de brûler dans l'autel laraire, et nous resterons une famille unie dans le même but, tendue vers le même objectif, le pouvoir que nous atteindrons grâce à notre or et à nos intrigues. Et les apparences seront sauves.

D'un geste, je lève la main pour caresser de mes doigts les quelques rides qui apparaissent au coin de mes yeux et un sourire narquois naît sur mes lèvres. La beauté est une arme dangereuse, elle permet de dissimuler les secrets les plus noirs, les ambitions les plus douteuses et les intrigues les plus cruelles. Elle endort la méfiance, éblouit les incrédules. Que reste-t-il lorsqu'elle s'efface ? Ne demeure-t-il plus que ce qui s'animait sous le masque ? L'aimable, la chaleureuse et accueillante Flavia laissera-t-elle définitivement place à l'intrigante et à la manipulatrice ? Finirai-je comme ma mère Tertulla, flétrie par ses débauches, dégoûtée de ses plaisirs ? De cela, il n'en est pas encore question, en cette année 725, il me semble que je suis au sommet de la gloire et mon époux accède aux plus hautes fonctions. Pourtant, nos ennemis n'ont pas désarmé et leurs ombres funestes pèsent de plus en plus sur nous. Alors qu'à Rome, Octave a accédé au pouvoir et qu'il détruit avec acharnement les fondements de notre république, poursuivant de sa détestation implacable ceux qui lui ont un jour été opposés, Pompeii comme Flavii, il nous a envoyé un légat. Caius Licinius est revenu à Pompéi, marié cette fois-ci et affublé du surnom de la Murène. Cette arrivée me semble de fort mauvaise augure et je sais fort bien que la seule chose qu'il désire, c'est perdre mon époux. Mais que nos ennemis affûtent donc leurs glaives car ils ne pourront nous attaquer de dos, nous les combattrons de face, et la tête haute.
Non, de ma fin, il n'en est pas encore question car parfois, Lucius me murmure encore que je suis belle. Et le souffle du vent, apportant l'odeur de la mer avec lui, semble comme l'approuver.