es murmures s’élèvent entre les colonnades de la palestre autour de la natatio, bafouant le silence d’un deuil dessiné de la lame d’un couteau. Les derniers cris déchirent encore la nuit noire qui imprègne de son ombre glaciale les thermes de Stabies. Les regards fixent impuissants l’eau du bassin s’empourprer, admirant l’inéluctable : la sœur du laniste est morte.
Lucretia Ilithyia n’est plus.
Bientôt, un homme s’approche et tous s’écartent. Même les grands patriciens s’effacent lorsque s’avance le patriarche. Le vieux Scapula ne s’arrête qu’une fois face à l’horreur, à l’ignominie la plus infâme venue s’immiscer jusque dans sa maison. Sur son dos voûté semble peser tout le poids de la vieillesse, alors que ses mains blanches tremblent dans son dos, plus encore qu’à l’accoutumée. Lentement, les Pompéiens se taisent. Chacun attend les ordres du pater familias. Et Scapula regarde la pauvre Ilithyia en silence, comme s’il formulait une prière.
Soudain, sa voix rauque appelle ses fils et ses quatre enfants le rejoignent, légèrement hésitants. Ses yeux bleus parcourent l’assistance jusqu’à croiser le regard de sa nièce, Cicurina, à laquelle il fait signe d’approcher. L’homme parle bas, de sorte que seule sa famille puisse l’entendre.
- Que l’on enferme les esclaves dans le praefurnium. Tous, sans exception.
Sa voix gronde comme une sentence : tous connaissent la menace de cette révolte servile et le nom de ce chef barbare qui se dit enfanté du feu même d’un volcan. Cette folie servile aurait-elle osé entrer jusque dans les thermes de Stabies ? Ses thermes ? L’œil sombre, le patriarche jete un regard à sa benjamine.
- Je pars chercher le legatus avec Pulchra. Vous quatre, mettez nos invités à l’abri. Séparez-les. Si le monstre est parmi eux, je refuse que sa folie puisse s’abattre sur tous. Ainsi, la plupart seront en sécurité. Que chacun emmène un groupe avec lui et l’enferme dans une pièce à l’écart des autres. Vous n’ouvrirez qu’à moi. Est-ce clair ?
Les Oppii acquiescent, aucun ne défie l’autorité du père. Face à de telles crises, c’est encore vers lui que l’on se tourne, et après un dernier regard entre frères et cousins, tous se séparent pour accomplir leur tâche.
₪ ₪ ₪
Les poings serrés, alors que des dizaines de regards l’observent, terrorisés, Oppia Musca lutte contre la peur qui lui enserre l’estomac. Il n’est plus de place pour l’incertitude, plus de place pour la couardise. Elle est une fille de Publius Oppius Scapula. Elle porte le nom des Oppii. Ce rôle est le sien, et la jeune Musca ne peut reculer. Son inspiration est tremblante, mais sa voix parvient alors aux oreilles des invités entièrement offerts à sa seule volonté, et son ton ne vibre que d’une assurance forte dont elle ne se savait peut-être pas capable. Dans le chaos ambiant, Musca se révèle et assume son rôle de guide. Tous la suivront au tepidarium qui renferme les bassins d’eau tiède, et ils y attendront le retour de Scapula qui viendra accompagné du legatus. Le pater familias ne faillit jamais. Elle ne faillira pas non plus.
Emboitant ses pas, les invités se hâtent à sa suite dans un ordre vacillant. Les hommes se bousculent, les sandales se piétinent, et les Pompéiens ne remarquent même pas la présence du duumvir à leurs côtés tant le besoin de se sentir à l’abri se fait pressant. Redevenu simple citoyen dans la confusion commune, Lucius Pompeius Publicola ne peut que suivre les mouvements saccadés de cette marée humaine, priant pour que le périple soit court. Dans la panique, une jeune fille trébuche alors devant lui et le premier magistrat de la cité attrape son bras pour l’aider à se relever sans même avoir reconnu la fille aînée de son Némésis. L’air perdu, les traits tirés par la peur, Licinia Domitia lève un regard à la bonne âme qui l’aide alors à marcher jusqu’au tepidarium et reconnaît alors celui dont elle a scellé l’alliance en lui offrant la fleur de sa suivante. Il semblerait que leurs chemins se croisent toujours lorsque Pompéi se fait plus sombre…
Lorsque le dernier citoyen du groupe entre dans la salle, Musca referme les portes dont le grincement résonne comme une complainte. Fière et digne, la fille de Scapula se veut rassurante alors qu’elle combat ses propres démons, et les regards la fixent avec une intensité désarmante. Au milieu de cette foule, la belle Oppia devient une suspecte comme les autres. Pourtant, si les hommes aiment à se méfier des femmes, elle ne se sent pas la plus visée par ces regards accusateurs. Cachée dans la pénombre, dans un recoin de la pièce, la maquerelle semble une coupable bien plus probable que la douce Musca et les murmures autour d’elle s’intensifient à chaque seconde. Julia Felix tremblerait-elle à l’idée d’ôter une vie ? Beaucoup en doutent et le pouvoir de l’argent peut supplanter bien des faiblesses des femmes…
Mais quelles intuitions croire lorsque la nuit est si sombre ?
Cogito ergo sum ₪ ₪ Citation: . ₪ Moi en quelques mots: ₪ Côté Coeur: who needs a heart when a heart can be broken ?
Licinia Domitia
Dans L'Apodyterium
Du sang. Il y avait du sang partout.
Voilà les seuls mots que son esprit semblait en mesure de formuler depuis que des cris avaient attiré le regard de la jeune femme sur la scène horrible à seulement une vingtaine de pas de là où elle se tenait. Et si un cri de terreur échappait des lèvres de son amie, celles de Domitia restaient scellées. Elle ne voyait ni le corps qui flottait dans l'eau, ni réalisait-elle qu'il s'agissait de son amie qui flottait là ou remarquait-elle les mouvements autour d'elle. Comme hypnotisée, elle continuait à fixer le bassin dont l'eau avait désormais prise une couleur rouge. Elle aurait aimé pouvoir détourner son regard de cette scène sordide, mais elle en était comme hypnotisée.
Du sang.
Lentement, la jeune patricienne sentit ses jambes se dérober sous son corps, et ce n'était qu'avec justesse qu'elle ne parvient à se rattraper à une des colonnes qui encerclaient la pièce, luttant de toute force pour rester consciente. Elle ne devait pas montrer une telle faiblesse. Et encore moins en publique. Mais ce malaise face à la vue du sang n'était rien de nouveau pour Domitia, ni l'était cette sensation de malaise qui l'envahissait en ce moment précis : car si la jolie brune détournait le regard lors de chaque mise à mort en amphithéâtre, ce n'était nullement par bienséance ou pour se donner un air de femme douce et fragile, mais tout simplement parce que cette vision lui faisait perdre tous ces moyens. Une faiblesse qui avait jadis bien amusée son demi-frère Tiberius qui n'avait cessé de se moquer d'elle après qu'elle ne se soit évanouie en assistant à une mise à mort... La première et la dernière dans sa vie. D'ailleurs, en parlant de son demi-frère : pourquoi ne pouvait-il donc jamais être là lorsqu'on avait besoin de lui ? A ce moment précis, Domitia aurait donné bien des choses pour entendre la voix rassurante de Tiberius, ou pour que ce dernier l'emmène loin de cette soirée qui s'était transformée en cauchemar. Mais il n'était pas là. Aucun membre de la gens Licinia ne semblait l'être. Elle était seule.
Et il y avait du sang partout.
Arrachant avec peine son regard de la mare de sang, la jeune patricienne se mit tant bien que mal à suivre le flot de personnes. Au fur et à mesure qu'elle s'éloignait du lieu de "l'incident", ses pensées commençaient à redevenir plus claires, mais ses jambes tremblantes avaient toujours autant du mal à porter le poids de la jeune femme. Et c'était à peine qu'elle avait parcouru quelques mètres qu'elle perdit une fois de plus son équilibre. Heureusement pour la jeune femme, un main vient saisir son bras, lui évitant ainsi de tomber et sans doute d'être piétinée par une foule angoissée.
"Publicola... Mer... merci"
Visiblement, elle pourrait toujours compter sur le duumvir pour lui venir en aide, et ce pas seulement lorsqu'il s'agissait de manœuvrer pour la chute de leur ennemi commun... A moins qu'avec sa perruque et son masque, il ne l'avait pas reconnu, et ce geste n'était qu'une preuve de gentillesse qu'il aurait étendu à toute personne présente dans la salle, ne serait-ce que pour faire honneur à son surnom ? Mais à ce moment précis, cela n'avait finalement que peu d'importance aux yeux de la jeune femme qui refusait désormais de lâcher le bras du duumvir de peur de tomber si elle devait marcher seule.
Ce n'était qu'une fois que les lourdes portes du tepidarium s'étaient fermés derrière eux qu'elle finit par lâcher son emprise pour aller s'appuyer contre une colonne un peu plus loin. Lentement, elle commençait à réaliser ce qui s'était passé. Ilithyia s'était fait assassiner. Il y avait un assassin parmi les invités. Un assassin dont tout le monde ignorait l'identité. Il pouvait être n'importe qui. Sans dire un seul mot, la jolie brune se laissa glisser le long de la colonne jusqu'à être assise par terre. Son instinct lui dictait de tenter de rejoindre coûte que coûte les membres de sa gens, mais son corps semblait avoir décidé autrement....
Mar 7 Juil - 22:22
Re: Intrigue ₪ Dans le tépidarium...
₪ Arrivée à Pompéi : 29/04/2014 ₪ Ecrits : 319 ₪ Sesterces : 189 ₪ Âge : 40 ans ₪ Fonction & Métier : Business woman
Julia Felix
Dans L'Apodyterium
Je ne l’oublierai pas. Le bruit de ce corps qui s’affaisse dans l’eau et éclabousse soudain d’horreur ce qui n’était jusque là qu’ivresse et volupté. Ni le cri de ma voisine qui m’a soudain déchiré les tympans. Ni la vision des boucles blondes de la jeune enfant flottant au gré de l’onde qu’elle a elle-même causé.
Je ne l’ai pas vu tout de suite. Le sang. Je me suis précipitée dans l’eau pour la relever. Pauvre petite, je savais sa santé fragile depuis des années… Je ne l’oublierai pas non plus, cette plaie, béante et suintante de vie, déchirant son cou de part en part. Lorsque je l’ai tourné vers moi, son visage était déjà exsangue et son corps, inanimé.
L’incrédulité d’abord. Puis l’incompréhension, la douleur, et enfin la terreur. Je me suis laissée emmener avec les autres, sans opposer aucune résistance. A peine ais-je eu la force et la présence d’esprit de laisser échapper un râle de protestation lorsque j’ai vu mes filles embarquées, sans bien moins de ménagement que moi, manu militari, comme des coupable en puissance. Enfermées avec tout ce que Pompéi compte comme esclaves bien moins raffinés que les miennes, je crains qu’il ne leur arrive malheur.
A présent, enfermée avec les autres dans le tepidarium, au milieu des sanglots, des murmures paniqués et des protestations qui se font de plus en plus nombreuses contre notre sort, je demeure silencieuse. J’ai rarement eu d’occasions dans ma vie de tenir une jeune femme égorgée dans mes bras. Mon reflet dans le bassin d’eau tiède me ramène à la réalité : mon visage est moucheté du sang, à présent sec, d’Ilithyia et ma tenue ainsi que mes mains sont rougies par mon incursion dans le bassin qui lui a servi de linceul. Le brusque dégoût du contact de cette matière avec ma peau m’envahit et mettant ma main en coupe, je la plonge dans l’eau du bassin afin de m’en débarbouiller, ne faisant que peu cas, pour l’heure, des dégâts supplémentaires infligés à mon maquillage du soir.
Tandis que je purifie mes mains de la souillure du sang, j’entends des murmures s’élever dans mon dos. Des murmures auxquels je ne prête pas garde tout d’abord, jusqu’à ce que j’y décèle la trace du soupçon. Un coup d’œil par-dessus mon épaule suffit à valider mon ressenti : on me regarde, on m’épie, on me scrute, on me juge.
On me soupçonne.
Irritée, outrée, je reprends des couleurs et me relève, tout en essuyant mes mains sur le tissus de ma stola :
- Qu’il parle à haute et claire voix celui qui a quelque chose à dire…
Une femme fait le premier pas. Une femme de foulon qui me toise de haut en bas d’un regard que je n’aime guère.
- Il ne serait pas étonnant de voir que les mauvaises mœurs de ta maison t’aient suivi jusqu’ici, maquerelle… Chacun connait les conflits qui t’opposaient avec les Lucretii et tes accointances avec ce marchand de carne de Naevius…
La harpie suspend sa phrase dans un sous-entendu lourd de sens. Je ravale mon aigreur et le fiel que je crève de cracher au visage de cette mégère. Eussions-nous été dans d’autres circonstances, jamais elle ne se serait permis de me parler de la sorte. Nombreuses sont celles qui me méprisent, me dédaignent ou me craignent, mais toujours en silence, jamais de front. Du regard, j’embrasse la foule qui s’attroupe maintenant autour de nous et la prend à témoin. Si Tiberius était là, j’ose croire qu’il prendrait la défense de mon honneur et, à vrai dire, j’espère qu’une âme honorable le fera à sa place avant que je n’ai à le faire moi-même avec possible perte ou fracas. Si je ne suis coupable d’aucun meurtre ce soir, jusqu’à présent, je ne jure pas qu’il en sera ainsi jusqu’au petit matin…
Jeu 23 Juil - 4:06
Re: Intrigue ₪ Dans le tépidarium...
₪ Arrivée à Pompéi : 03/02/2015 ₪ Ecrits : 113 ₪ Sesterces : 157 ₪ Âge : 21 ans ₪ Fonction & Métier : Masseuse
L'incompréhension et l'effroi voilà les deux sentiments qui se bousculent dans l'esprit de Musca face à cette scène d'horreur. Comment est-ce possible ? Comment une telle chose a pu avoir lieu au sein des thermes ? La brune est sous le choc, toute l'assemblée est sous le choc, comment ne pas l'être ? Elle est comme paralysée, incapable de faire le moindre mouvement, une main contre sa gorge, comme pour étouffer les sanglots qui semblent se précipiter à ses lèvres, Musca reste là, pétrifiée. Les thermes ont toujours été pour elle synonyme de sécurité et de protection, seulement tout vient de s'effondre avec la chute de ce corps inerte, il n'a fallut que quelques secondes, à peine un battement de cils. Peu à peu ses pensées se troublent, tout comme l'eau du bassin qui devient rouge de ce sang versé.
C'est la voix de Scapula qui l'a fait sortir de sa contemplation morbide. Docile, elle ne tarde pas à rejoindre son père, l'esprit toujours embrumé par ce qu'il vient de se passer. Serait-ce une mauvaise blague ? Au vue du sérieux de Scapula, elle en doute fortement. Étrangement, le ton froid et autoritaire du patriarche la rassure, il sait ce qu'il fait et maintenant qu'il a prit les choses en mains rien ne peut plus arriver. Du moins elle essaye de s'en convaincre. Elle se doit de garder la tête froide. Elle doit gérer la situation si elle ne veut pas que ce chaos perdure plus longtemps. Elle prend une grande inspiration et s'assure que la fratrie Oppii est intacte. Apparemment, il n'y a rien à signaler chez eux. Un poids se lève ainsi de sa poitrine, elle n'aurait certainement pas réussie à se relever si c'était le sang de l'un de ses frères qui avait coloré cette eau. Elle secoue la tête, non, elle ne préfère même pas y penser. Elle doit garder la tête froide.
D'autres voix s'élèvent et la brune reprend contenance. Elle ne doit pas oublier qu'il y a du monde autour d'elle et qu'elle fait parti des Oppii. C'est à elle de gérer les choses en l'absence de son père. Ses frères ont déjà l'air bien occupés et elle ne peut pas laisser les choses s'envenimer. Ses yeux se posent sur Julia Felix qui a l'air d'être victime des foudres d'une autre de ses convives. Forcément, les gens commencent à devenir soupçonneux et c'est souvent là que les conflits fleurissent. Julia est une amie des Oppii, Musca le sait très bien et elle ne peut pas la laisser se faire insulter sous leur toit, au risque de perdre une alliée précieuse. Elle décide donc de s'interposer, prête à calmer les esprits.
- Mesdames, calmez-vous. L'heure n'est pas aux disputes.
La brune s'approche de Julia Felix, l'invitant à la suivre d'un sourire doux. Elle se doit d'apaiser les tensions. Lucanus lui en voudrait s'il apprenait qu'elle avait laissé Julia se faire insulter dans leurs thermes.
- Si vous voulez bien me suivre, nous devons nous rendre au Tépidarium.
Tous les invités doivent se regrouper, malgré que tous le monde soupçonne tous le monde. Musca doit faire avec et rester sur ses gardes. On ne sait jamais, le meurtriers peut être n'importe où.
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Du sang. Il y avait du sang partout. 
Je ne l’oublierai pas. Le bruit de ce corps qui s’affaisse dans l’eau et éclabousse soudain d’horreur ce qui n’était jusque là qu’ivresse et volupté. Ni le cri de ma voisine qui m’a soudain déchiré les tympans. Ni la vision des boucles blondes de la jeune enfant flottant au gré de l’onde qu’elle a elle-même causé.
