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 Le Fils de la Montagne [Nasica & Helvia]



POMPEII, TERRA DEORUM ₪ :: Villa Scaevola
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Patricien
Jeu 11 Déc - 22:22
Le Fils de la Montagne [Nasica & Helvia]   




Helvia Claudia Scaevola
₪ Arrivée à Pompéi : 26/05/2013
₪ Ecrits : 2157
₪ Sesterces : 60
₪ Âge : 41 ans
₪ Fonction & Métier : Reine des Vipères et femme d'affaires

Cogito ergo sum ₪
₪ Citation: Chaque miette de vie doit servir à conquérir la dignité.
₪ Moi en quelques mots:
₪ Côté Coeur: Veuve et amante de Publicola
Helvia Claudia Scaevola
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Le fils de la montagne



Villa Scaevola ~ Mai 725 AUC





Pompéi était bien étrange depuis quelques semaines, et sa maladie ne semblait pas sur la voie de la guérison. Les ruelles étaient sombres, les foules silencieuses. Seuls quelques murmures inquiets résonnaient entre les échoppes et les bordels et donnaient à la ville cette atmosphère pesante qui ne semblait pas vouloir quitter ses murs. Dans chaque taverne, dans chaque villa, s’immisçaient ce frisson d’anxiété, ces chuchotement à la dérobée, ces prémices d’un malheur funeste que quelques colporteurs s’étaient plu à divulguer. Et Pompéi était bien étrange, rongée par une peur sourde, par une inquiétude sifflante, qui rampait dans l’ombre, attendant son heure.

Seule dans sa chambre, assise face à sa coiffeuse, Helvia observait avec détachement son reflet dans le miroir en métal. Comme toute la cité, elle avait entendu parler de cet insecte et de son essaim maudit, de cet esclave et de sa horde de loups qui venaient infester la Campanie et étaient, selon les plus pessimistes, déjà aux portes de Pompéi. Comme la plupart des citoyens romains qui baignaient dans la supériorité patricienne, la veuve n’avait donné que peu d’intérêts à ces rumeurs dont les racines prenaient sans doute naissance chez une vieille folle à l’esprit embrumé par l’opium ou dans le fond d’une taverne bien trop alcoolisé. Une révolte d’esclaves ? Au cœur du grand empire de Rome ? Balivernes ! Son armée était trop puissante, son pouvoir trop étendu. Si révolte il y avait eu, elle avait été matée dans l’instant et seuls les quelques survivants du courroux romain tentaient encore d’effrayer la populace car là était la seule arme qui leur restait. Aucun esclave ne viendrait envahir Pompéi et si révolte il y avait eu, elle n’était plus depuis longtemps…

Pourtant, les bruits continuaient d’imprégner la ville de leurs menaces sanglantes et leur subsistance inquiétait davantage la gauchère que leur simple existence. Les rumeurs étaient en effet choses bien communes, mais elles restaient bien souvent aussi acerbes qu’éphémères. Celle-ci pourtant s’agrippait avec rage aux murs de la cité et ne semblait plus vouloir lâcher prise. Chaque jour, on entendait soit disant des nouvelles de ce chef esclave que certains avaient surnommé le « File de l’Etna ». Quelle valeur pouvait-on avoir pour nécessiter pareil titre pour laisser dans son sillage ce souffle d’épouvante ? Non. Cet homme n’était qu’un mythe, une fable contée par quelques vagabonds pour s’octroyer un peu d’intérêt et peut-être même quelques deniers. Helvia en était convaincue, ou du moins tentait-elle de l’être.

Un bruit de pas se fit alors entendre, une démarche que la patricienne reconnaitrait sans la moindre hésitation.

- Nasica, appela-t-elle doucement.

Dans le reflet du miroir, elle aperçut la silhouette de sa suivante se dessiner dans l’embrasure de la porte. Un sourire se dessina imperceptiblement sur les lèvres de la veuve. Doucement, elle s’empara d’une brosse à cheveux posée négligemment sur la coiffeuse et la leva en direction de l’esclave.

- Viens par ici, dit-elle simplement.

Nul n’était besoin d’ajouter quoi que ce fût. Nasica connaissait sa domina depuis si longtemps. La patricienne aimait à se faire coiffer, pendant de longues heures. Elle disait que cela l’aidait à réfléchir et lui faisait oublier ce qui devait l’être. La veuve attendit que sa suivante s’installe et débute son ouvrage. Le silence se fit quelques instants, puis elle le brisa.

- Y crois-tu ? demanda-t-elle.

Elle avait posé cette question presque sans y penser, de la manière la plus naturelle qui soit.

- Ce « Fils de l’Etna », que penses-tu de ces chants qui content ses exploits et des menaces qu'ils profèrent ?

Depuis tant d’années, Nasica avait toujours été de bon conseil et d’une aide précieuse. Quand le doute envahissait son esprit, Helvia n’hésitait donc plus à venir quérir son opinion. Et malgré toutes ses certitudes patriciennes, ce « Fils de l’Etna » semblait digne de cette curiosité.



lumos maxima


Dernière édition par Helvia Claudia Scaevola le Mar 3 Fév - 15:23, édité 1 fois
Lun 15 Déc - 22:52
Re: Le Fils de la Montagne [Nasica & Helvia]   




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La villa était calme. Rien ne semblait bouger. La sérénité qui y régnait contrastait avec l'atmosphère pesante de la ville. Il était étrange de voir la foule si silencieuse dans une si grande cité, qui à son habitude, respirait la joie de vivre et l'animation. Pompéi vivait des heures de doutes et sa population avait peur. Moi je n'avais pas peur. Je n'avais plus peur depuis des années. La seule chose qui pouvait m'effrayer dans ce vaste monde était de mourir... dans d'atroces souffrances, loin du monde, seule, sans la société et sans identité.

Je vivais ici, j'avais fait ma vie ici. Cette ville et cette société représentaient tout ce que j'avais. Cette maison également. Les autres esclaves, ma Domina, jamais je n'aurais pu construire mon identité sans tout cela. Ma vie était dédiée à ma maîtresse et je ne la voyais pas autrement, refuser cette voie (même si au fond je n'avais pas eu le choix à la base) c'était refuser d'être moi-même. Un simple refus de soit pouvait conduire au rejet, à la folie. C'était une philosophie que je m'étais toujours efforcée de suivre afin d'être heureuse, d'être complète. Sans ma Domina je n'étais plus rien en fin de compte, cette maison... c'était chez moi, j'étais en compagnie de ma famille. Un entourage finalement que je ne pouvais renier.

Je marchais dans les couloirs de la villa Scaevola, plongée dans mes pensées. Les rumeurs avaient fini par faire naître le doute en moi. Cette histoire était-elle vraie ? Je ne pouvais pas y croire, ou peut-être ne voulais-je pas accorder une quelconque crédibilité à ces rumeurs, car, après tout, c'était ce qu'elles étaient, de simples ragots, sans fondement ni preuve. Pourtant ils étaient nombreux ceux qui semblaient y croire... Il était étrange de voir comment des mots, des histoires pouvaient effrayer toute une population. Il suffisait d'observer les Pompéiens pour s'en rendre compte. Ils avaient peur, ils angoissaient à l'idée de voir ce Fils de L'Etna prendre le pouvoir, mener cette supposée rébellion.

Au fond je savais tout ceci ne pouvait pas être vrai, parce que c'était trop gros. Un soulèvement d'esclaves ne pouvait survivre à l'armée romaine ! Alors la rébellion ne pouvait pas atteindre Pompéi, elle serait forcément matée avant. Pourtant, j'avais quelques doutes, peut-être parce que la peur des autres citoyens était contagieuse, elle pénétrait en moi doucement, mais sans vraiment semer le chaos... juste assez profondément pour me faire douter. Si tant de personnes avaient peur c'était qu'il devait bien avoir une raison ? Non c'était stupide de croire en ces rumeurs ! Si ces esclaves s'étaient rebellés, ils étaient franchement stupides ! Un esclave en fuite ne pouvait pas trouver sa place dans une société où il était recherché... il risquait la mort.

Certains esclaves préféraient d'ailleurs peut-être la mort au mauvais traitement. Moi je n'avais à me plaindre de mauvais traitement, au contraire... j'aimais ma vie comme elle était et me rebeller ne m'avait effleuré l'esprit ! J'étais fidèle et la relation que j'entretenais avec ma Domina était basé sur la confiance et l'affection, je ne pouvais pas tout gâcher, elle était devenue ma famille et on ne trahissait pas sa famille.

Plongée dans mes réflexions je n'avais même pas remarqué que j'approchais d'ailleurs de la chambre de ma maîtresse, alors que mes pensées se tournaient vers notre relation. Quel étrange hasard. Je savais qu'elle m'avait entendue, aussi je ne fus pas surprise de l'entendre m'appeler

- Nasica

Je m'approchais donc de la porte de la chambre de ma domina. Elle était devant sa coiffeuse, elle avait l'air d'avoir longtemps été plongée dans ses pensées, tout comme moi quelques instants auparavant. Elle se saisit de la brosse à cheveux. Je n'avais pas besoin de plus de précision pour comprendre. C'était ainsi. Souvent je savais même anticiper les ordres de ma maîtresse. Cela faisait tellement longtemps que j'étais à son service et cela n'allait s'arrêter qu'à ma mort... ou la sienne.

J'entrais donc dans la chambre, sans mot dire et pris la brosse des mains de ma Domina et commençai ma tâche, doucement, laissant glisser les dents de l'objet dans cette longue chevelure qui demandait beaucoup d'entretien. Une femme de haut rang se devait d'avoir des cheveux parfaits.

Le silence régnait, mais il n'était pas gênant, ni pesant, il était plutôt apaisant au contraire. Il fut néanmoins interrompu et la question qu'elle me posa me laissa tout d'abord sans comprendre et puis une fois les précisions apportées je souris. Une chance que j'avais eu les minutes précédentes pour y songer pleinement.
Je n'interrompais pas ma tâche pour autant et répondis après quelques instants de réflexions afin de penser mes mots.

"Non je n'y crois pas." dis-je tout d'abord. "Pour moi il ne s'agit que d'une rumeur créée pour effrayer les populations. Elle est sans doute fondée sur une part de vérité, mais, si révolte d'esclaves il y a eu, elle a été maté immédiatement."

Les probabilités que l'armée romaine puisse être défaite par de simples esclaves étaient minimes.

"Et puis nombreuses sont les personnes qui aiment colporter ce genre de... légende... en plus de les effrayer... ça leur plaît. Tout le monde je pense éprouve, je pense une sorte de fascination pour les exploits qu'ils soient l'oeuvre d'un esclave ou d'un roi."

Et lorsqu'elle pouvait faire peur à la majorité, c'était encore mieux. Et d'ailleurs même si je croyais, à présent. ce que je disais, ces rumeurs m'avait, moi aussi, quelques peu effrayée.
Patricien
Sam 20 Déc - 17:48
Re: Le Fils de la Montagne [Nasica & Helvia]   




Helvia Claudia Scaevola
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Le fils de la montagne



Villa Scaevola ~ Mai 725 AUC


Helvia fermait les yeux, se concentrant sur la sensation des dents de la brosse qui frôlaient son crâne. Tous ces muscles se détendaient lentement, se sachant entre de bonnes mains. La villa était d’un calme effrayant que la veuve avait appris à apprécier. Beaucoup préfèrent l’agitation d’une maison pleine de vie, mais la patricienne aimait garder ces ambiances vivifiantes pour le dehors. Chez elle, dans son antre, elle aimait bien davantage le silence et le calme qui s’alliaient si bien à la réflexion et au repos et permettait peut-être aussi d’entendre arriver les menaces sournoises.

Alors qu’elle venait de poser sa question, un doux silence s’installait entre les deux femmes. Nasica était quelqu’un de réfléchi et sa sagesse était bien sûr la raison de sa place en tant qu’esclave personnelle de la domina. La gauchère appréciait ses conseils et avait pris pour habitude de la solliciter pour de nombreuses affaires, y compris les plus complexes et les plus compromettantes. Nasica était un soutien et une aide précieuse auxquels Helvia tenait énormément. Voilà vingt-quatre ans qu’elle était présente, vingt-quatre ans que la belle Epirote demeurait dévouée, attentive et loyale, vingt-quatre ans qu’elle gardait cette place d’alliée infaillible et rare. Bien peu de Romains pouvaient se vanter d’avoir pareille épaule sur laquelle se reposer, et la patricienne était bien consciente de sa chance.

La voix de la servante d’éleva alors doucement et Helvia prit soin de ne pas l’interrompre. Une rumeur. Une légende. Une fascination pour les exploits. Un discret sourire étira les lèvres de la veuve.

- Tu as certainement raison, murmura-t-elle après quelques secondes de silence. Les légendes, les mythes… Les Romains les apprécient certainement autant que les peuples conquis. L’humanité aime les histoires.

La brosse continuait de se frayer un chemin dans sa chevelure, répétant inlassablement le même mouvement.

- Pourtant, voilà plusieurs semaines qu’elle perdure et qu’elle se transmet. Les voyageurs ne sont plus les seuls à colporter ces nouvelles sur les avancées de ce chef esclave. Ces rumeurs ont envahi le forum depuis plusieurs jours maintenant et les Romains eux-mêmes se mettent à entretenir le mythe du Fils de l’Etna… Il m’arrive de ne plus savoir quoi en penser.

La patricienne laissa échapper un soupir presque imperceptible.

- Et si jamais… ?

La phrase était sortie comme un souffle inconscient, une inquiétude qui venait des idées les plus sombres de son esprit. Etait-ce la terrible manie des puissants de ce monde de toujours se préparer à la pire des éventualités ? Nul doute qu’elle était une des raisons pour lesquelles ils demeuraient sur leur piédestal, quasiment intouchables dans cette société scrupuleusement organisée. Helvia cultivait cette prudence permanente, elle lui avait maintes fois rendu service. Alors si cette rumeur du Fils de l’Etna refusait de s’étouffer d’elle-même, elle ne pouvait s’empêcher de la prendre au sérieux, toute proportion gardée.

- Et si jamais cet homme, ce… « Fils de l’Etna » existait vraiment. Si, par un miracle invraisemblable ou un caprice divin, il était parvenu à monter cette armée d’esclaves dont on compte les exploits…

Les mots étaient douloureux à prononcer. Pourtant, la patricienne n’avait pas peur des mots.

- Nous serions tous morts, n’est-ce pas ?

lumos maxima
Sam 3 Jan - 15:38
Re: Le Fils de la Montagne [Nasica & Helvia]   




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La brosse à cheveux continuait son chemin dans la chevelure de ma maîtresse. Ce geste était tellement habituel que je le faisais presque sans réfléchir. Je l'avais fait tellement de fois. Et je devais avouer que j'aimais ces moments privilégiés avec ma Domina. Parce que c'était des instants assez reposants, nous parlions de tout et de rien de choses sérieuses ou de banalités. Je savais que je pouvais m'exprimer librement. Je n'avais pas peur et je savais que les esclaves battus par leur maître devaient m'envier et me jalouser. J'étais consciente de ma chance et reconnaissante envers ma Domina.

Jamais je n'avais eu à essuyer de correction physique et cela c'était quelque chose pour laquelle je respectais ma maîtresse. Elle savait qu'inspirer la crainte ne faisait que renforcer la haine qu'un esclave pouvait éprouver pour son maître. Bien sûr nous n'aimions pas la décevoir parce que nous n'aimions pas la voir en colère, pas parce que nous en avions peur, mais parce que nous avions du respect pour elle. En tous les cas moi j'avais beaucoup trop de respect pour la trahir ou la décevoir. C'était un fait qui ne m'avait jamais traversé l'esprit, peut-être aussi parce que j'avais été une esclave jeune et que j'avais appris à être servile.

Cette histoire de rébellion ne me concernait donc pas, parce que je ne comptais pas rejoindre ces esclaves en fuite. Ils étaient stupides de croire qu'ils allaient pouvoir s'en sortir. Certes si jamais ils existaient et réussissaient leur coup, ces rebelles marqueraient l'histoire, mais seraient vite écraser. Une rébellion ne pouvait pas venir à bout de l'empire. Comment pouvais-je en être sûre ? Il suffisait de regarder l'armée romaine pour comprendre qu'elle était invincible.
Mais de toutes façons il ne s'agissait que de rumeurs et donc il n'y avait pas de rébellion, cela ne pouvait pas être possible. Peut-être qu'il y en avait eu une, mais à l'heure qu'il était elle avait été sûrement matée.

Néanmoins j'étais rassurée de voir que ma Domina partageait mon avis, non pas parce que j'avais peur qu'elle ne soit pas d'accord avec moi, mais parce que le fait d'entendre quelqu'un dire que cela ne pouvait pas être possible, me confortait également dans cette idée.

Alors quand ma maîtresse émit un doute. Il me fallut beaucoup de volonté pour ne pas arrêter ma tâche, néanmoins la brosse s'arrêta une fraction de seconde dans la chevelure. Révélant un léger nœud que je démêla doucement afin d'éviter que cela ne soit trop douloureux. Oui je ne savais plus non plus quoi penser à propos de cette rumeurs, mais je ne voulais pas laisser le doute s'insinuer dans mon esprit.

"Il m'arrive parfois de douter du fait que cette rumeur ne soit qu'un récit pour effrayer les populations. Mais j'essaie de ne pas y penser. Je me dis que c'est trop gros pour être vrai."

"Et si jamais ?"... Et bien oui... nous serions tous morts. Elle avait raison. Et cette déclaration me fit froid dans le dos. D'autant plus qu'ils seraient sûrement capables de tuer ceux qui ne rejoignaient pas leur stupide combat. Et je ne comptais pas les rejoindre. Je frissonnai, j'avais peur de la mort. Que ce soit de la mienne ou de celle des personnes qui m'étaient proches. Et encore j'avais plus de chance de survivre que ma Domina, mais cela bien sûr je n'avais pas besoin de le dire, je savais qu'elle s'en doutait, elle était une patricienne, elle possédait des esclaves, elle était donc une cible de choix. Moi, à leurs yeux je n'étais qu'une victime.

"... Je le crains. Les esclaves auraient toujours une chance de s'en sortir, ils seraient peut-être épargnés. Mais après, il est toujours possible de modifier une identité. Se cacher parmi eux, se faire passer pour un rebelle ou prendre la fuite. Mais combien de temps pourrions-nous rester en vie."

Si jamais cette rebellion pénétraient dans nos murs je pouvais toujours sauver ma Domina, en la faisant passer pour une esclave, mais je n'étais pas sûre de la voir accepter cette idée. Ou alors...

"Je pourrais me faire passer pour vous le temps que vous preniez la fuite. Mais je ne suis pas sûre de les voir débattre sur "qui épargner et qui tuer". Je pense qu'ils ne sont que barbares assoiffés de sang... d'esclaves ou de citoyens. N'importe."

Donc oui, nous serions tous morts et cela était effrayant. L'atmosphère était devenue pesante dans la pièce, tant d'idées pessimistes et images effrayantes assaillaient mon esprit et c'était sûrement le cas pour ma maîtresse également. Le Silence était pesant cette fois-ci.

"Mais bien sûr tout ceci n'est que supposition. Personnellement je refuse de me prononcer sans preuve ! Et si jamais ce Fils de L’Etna existe et croise ma route je lui dirais ma façon de penser."

Mais il n'existait pas... du moins je l'espérais fortement.
Patricien
Lun 19 Jan - 17:53
Re: Le Fils de la Montagne [Nasica & Helvia]   




Helvia Claudia Scaevola
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Le fils de la montagne



Villa Scaevola ~ Mai 725 AUC


Helvia se noya dans ses pensées, concentrée sur la sensation des dents de la brosse qui frôlaient son crâne. Une rébellion d’esclaves, la menace d’une mort dans le sang… Tant de choses qui paraissaient si lointaines lorsque l’on baignait dans le monde des patriciens, et qui aujourd’hui semblait se profiler pourtant. Tout cela était si étrange. Dans les mains de Nasica, la veuve se trouvait sereine. Mais pouvait-on véritablement l’être dans celles d’une esclave ? La patricienne ne put s’empêcher d’y penser, et une terrible culpabilité s’empara d’elle alors. Non. Comment pouvait-elle douter de la loyauté de sa servante, de celle qui la suivait depuis vingt-quatre ans maintenant, toujours attentive, toujours avenante, toujours docile… ? Pouvait-elle légitimement craindre sa trahison ? La peur faisait naître les pires incertitudes. Mais la gauchère ne voulait pas douter de Nasica. Elle n’en avait pas le droit. Son esclave avait trop souvent montré son respect pour son statut et pour sa domina. Leur relation dépassait le seul lien unissant la maîtresse à son esclave. Quelle folie pourrait la pousser à commettre pareille trahison ?

L’appel de la liberté ? …

La veuve soupira légèrement. Voilà où se cachait peut-être sa plus grande peur. Cette armée d’esclave, ce « Fils de l’Etna », toute cette fable était difficile à croire. Mais tous les mythes résonnent dans les esprits des populations qui souffrent. Ils font naître l’envie, la colère… L’espoir. Là se cachait toute la menace de cette révolte, qu’elle soit fondée ou non. Son message se transmettait d’esclave en esclave et réveillait des désirs enfouis en eux depuis des années, des décennies peut-être. Combien de serviteurs s’étaient mis à haïr leur condition depuis que les légendes du Fils de l’Etna avaient atteint Pompéi ? Et si Nasica elle-même s’était mise à douter, à envier cette vie loin des entraves de Rome, loin d’elle. La peur de la mort ou la peur de la trahison… De ces deux hantises, Helvia craignait davantage la plus probable, et penser l’armée romaine déroutée par une bande d’esclaves en guenilles était bien plus qu’improbable.

La voix de son esclave gronda doucement à ses oreilles. Cette menace de la mort existait, même si son pouvoir se trouvait bien restreint. Aussi, comme Helvia et son esclave avaient appris à ne plus avoir peur des mots, évoquer cette possibilité était une chose qu’elles avaient le courage de faire.

- ... Je le crains. Les esclaves auraient toujours une chance de s'en sortir, ils seraient peut-être épargnés. Mais après, il est toujours possible de modifier une identité. Se cacher parmi eux, se faire passer pour un rebelle ou prendre la fuite. Mais combien de temps pourrions-nous rester en vie.

La patricienne fronça légèrement les sourcils, curieuse de savoir si elle avait bien compris ce qu’elle venait d’entendre. Se cacher ? Baisser les yeux face à des esclaves ? L’idée n’était pas pour enchanter la veuve, baignée dans la fierté patricienne depuis trop longtemps. Pour autant, elle ne coupa pas sa servante et la laissa continuer.

- Je pourrais me faire passer pour vous le temps que vous preniez la fuite. Mais je ne suis pas sûre de les voir débattre sur "qui épargner et qui tuer". Je pense qu'ils ne sont que barbares assoiffés de sang... d'esclaves ou de citoyens. N'importe.

Mais bien sûr tout ceci n'est que supposition. Personnellement je refuse de me prononcer sans preuve ! Et si jamais ce Fils de L’Etna existe et croise ma route je lui dirais ma façon de penser.


La veuve ne répondit pas tout de suite, se laissant le temps de réfléchir. La dernière phrase de Nasica l’avait fait légèrement sourire malgré tout, ce qui en de telles circonstances relevait presque du miracle. Son humeur, pourtant, demeurait bien sombre, assez sombre pour nécessiter un peu d’aide.

Des petits pas résonnèrent dans le couloir et une silhouette frêle apparut dans l’entrée de la pièce.

- Catulus, appela la gauchère.

Le jeune garçon se retourna, soudain impressionné. Ce jeune esclave était si timide que les gens de la domus avaient pris pour habitude de l'appeler ainsi "le chiot".

- Oui, domina ?, dit-il d'une voix tremblante.

- Apporte du vin…

L’esclave d’apprêta à partir dans l’instant quand la voix de sa maîtresse lui fit relever les yeux vers elle.

- Deux coupes.

₪ ₪ ₪

La veuve prit une nouvelle gorgée de vin, profitant de la chaleur délicieuse que diffusait la boisson dans son corps. Il lui arrivait quelques fois de partager ces moments intimes avec Nasica. Aujourd’hui était un de ces moments.

Les deux femmes demeuraient dans la même position, Helvia légèrement plus en avant, face à sa coiffeuse, et Nasica derrière elle. Pourtant, l’esclave ne la coiffait plus et avait à la main une coupe identique à celle de sa domina plutôt que la brosse en ivoire. Le silence s’était immiscé entre elles depuis quelques instants désormais, un silence de circonstance, certes, mais tout aussi lourd, pourtant. Aussi, la veuve finit par le briser d’une voix calme et posée, comme elle en avait tant l’habitude.

- Est-ce la fierté des Romains inculquée par ma famille qui me fait te répondre ceci, Nasica ? Je ne saurais te le dire. Mais, si jamais toute cette fable s’avère plus vraie que nous ne l’aurions jamais cru, et si cet esclave et sa horde frappaient finalement à notre porte, je ne pense pas que j’accepterai de fuir ainsi dans la rue… Abandonner cette villa, mon honneur… Mon cognomen est synonyme de force ou de crainte chez de nombreux Pompéiens depuis qu’ils ont appris à me connaître. Que deviendra-t-il lorsque l’on contera au forum comment Helvia Claudia Scaevola a fui comme une catin devant des esclaves ? Non, Nasica… Trop de choses dépendent de nos réputations dans ce monde, je ne peux risquer la mienne. Surtout si cette révolte ne peut vaincre l’armée romaine.

Bravoure, inconscience ou caprice risible de patricienne trop sûre d’elle ? Chacun interprèterait ses dires comme bon lui semblerait, et Helvia ne demandait pas à son esclave de se risquer à répondre à une telle décision. Sa position serait plus qu’inconfortable et la veuve ne lui en demandait pas tant.

Une autre question, pourtant, se répétait dans l’esprit de la gauchère. Une interrogation lancinante, douloureuse, car la patricienne craignait la réponse que pourrait lui donner son esclave. Pourtant, elle ne pouvait se résoudre à la passer sous silence et à accepter l’ignorance confortable plutôt que la confrontation. Telle n’était pas sa nature. Elle prit donc une grande inspiration, comme pour se convaincre une dernière fois de prononcer ces mots. Et enfin, elle demanda à Nasica :

- Comprends-tu ce désir qui les anime ?

Elle but une dernière gorgée de vin pour s’octroyer une pause salvatrice.

- Toi qui est esclave depuis ta naissance et qui n’a jamais connu cette liberté qu’ils revendiquent… As-tu pensé, ne serait-ce qu’une seule fois, à embrasser leur cause ? T’arrive-t-il de penser que cette révolte pourrait être ta chance ?

Helvia fixa un coin de la pièce sans le regarder vraiment, concentrée sur la voix de son esclave qui ne tarderait pas à revenir à elle. Elle n’osa pas se retourner pour croiser son regard. La question était trop dangereuse. La réponse bien pire encore. Mais la veuve désirait savoir. Elle désirait toujours savoir, même lorsque cela impliquait la pire des blessures.
lumos maxima
Dim 25 Jan - 13:35
Re: Le Fils de la Montagne [Nasica & Helvia]   




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J'étais soulagée d'avoir fait sourire ma Domina, heureuse de voir, que malgré la gravité de la conversation, j'avais réussi à détendre légèrement l'atmosphère. Mais la fatalité pesait étrangement sur nous. Ce fils de l'Etna... qu'il exista ou nous, réussissait son coup et finalement nous effrayait. Il étant étrange n'est-il pas ? Que je sois effrayée par un esclave qui semblait œuvrer pour nos libertés. Mais moi je ne voulais pas de cela. La violence, je la haissais, parce que je l'avais trop vue. Les seuls qui méritaient la mort selon moi, étaient les marchands d'esclaves qui avaient pendu ma mère. Et d'ailleurs peut-être étaient-ils déjà morts ? Mais qui étais-je pour souhaiter une telle violence ?

Des pas raisonnèrent dans le couloir. Et Catulus pénétra dans la pièce alors que ma maîtresse l'appelait. Je souris à l'esclave le plus timide que j'avais jamais connu. Il était souvent mal à l'aise devant les gens. Ce qui devait constituer un sérieux désavantage quant à sa situation. Il répondit d'ailleurs d'une voix tremblante.

Ah du vin ? Je fronçais les sourcils. Boire lorsque l'humeur n'était pas joyeuse était fort peu recommandé. Ceci dit je ne dis rien. Et je n'en eu de toutes façons pas le temps : Deux coupes ? Ah en fin de compte je n'étais pas contre. Catulus me jeta un petit regard, peut-être s'attendait-il à ce que je réponde quelque chose. Mais je lui fis signe que je n'avais pas d'objection à boire un verre. Et puis nous n'avions pas à discuter les demande de notre Domina.

...

Le vin était bon. Cela je ne pouvais pas le contester. Je n'étais pas forcément adepte de ce genre de breuvage qui donnait le tournis, mais je devais admettre que c'était divin. Personnellement ces boissons là me rendaient malade lorsque j'en abusais, aussi je me contentai de boire de petites gorgées. Un verre me faisait déjà tourner la tête. Alors je n'avais pris qu'une petite quantité de vin.

Mais j'étais heureuse de partager un instant de repos avec ma maîtresse. Je m'en accordais peu, néanmoins je ne m'en plaignais pas, j'étais quelqu'un de travailleur, comme beaucoup d'esclave d'ailleurs, nous étions loin d'être des fainéants. Certains travaillaient moins que d'autres. Ceux que je plaignais étaient les gladiateurs. Personnellement j'avais peur de mourir. Me battre et risquer ma vie pour une liberté dont je n'étais pas sûr de voir l'ombre était inconcevable. Alors j'admirais le courage de ces combattants, parce qu'ils risquaient leur peau. Cela valait-il le coup réellement ? Mieux valait être vivant et prisonnier que libre et mort ! Parce qu'une fois mort on ne pouvait plus revenir en arrière... enfin... après tout je n'en savais rien. Il y avait bien quelques magies capables de ramener les cadavres à la vie qui sait ? Mais en tous les cas lorsqu'on était mort... et bien on l'était pour le reste de notre existence et prisonnier des enfers, donc se battre pour sa liberté était une quête courageuse, mais vaine.

Je jetai un regard à ma Domina alors que cheminaient mes pensées. Le silence installé entre nous était pesant, lourd. Je savais que des idées noires semblaient planer dans la pièce. La conversation avait assombri nos cœurs et notre moral. Et ainsi était l'atmosphère dans la maison et dans la ville de Pompéi ces temps-ci. Les rumeurs, les nouvelles... rendaient le peuple inquiet et tendu. Il n'y avait pas un seul endroit dans la cité où on ne sentait pas la peur et l'angoisse d'une révolte d'esclave et j'imaginais que chez les populations des serviteurs, l'humeur devait également être électrique. Certains devaient même déjà penser à se rebeller.

La voix de ma maîtresse s'éleva du silence, me faisant à nouveau poser mon regard sur elle, alors qu'elle répondait à la remarque que j'avais soulevée, précédemment.

Je n'étais pas surprise par ses propos, même si pour dire vrai, il en fallait beaucoup pour que je sois étonnée par ma maîtresse. Je la connaissais assez maintenant pour prévoir parfois ses demandes avant même qu'elle ne les formule.
Oui, elle avait trop d'honneur pour se rabaisser au rang d'esclave, je ne comprenais pas cette notion, peut-être parce que moi, en tant qu'esclave je ne pouvais pas tomber plus bas, donc je n'étais pas spécialement gênée par le fait de m'agenouiller devant d'autres. Alors elle préférait mourir plutôt que de fuir et vivre. C'était courageux. Certains auraient pu penser que c'était pur folie mais en réalité il fallait de la témérité pour faire face à la mort dignement.

Je ne répondis rien. Parce qu'il n'y avait rien à dire. De plus ma Domina ne demandait pas spécialement à ce que je réponde. Mais au fond j'admirais sa volonté. Elle ne reculait devant rien et n'avait pas peur des conséquences de certains actes. Bref une espèce d'inconscience qui restait calculée.

Le silence s'imposait de nouveau. Et je bu une nouvelle gorgée de vin fixant le vide. Le liquide réchauffait ma gorge, cette sensation était plutôt agréable. Même si je savais qu'il fallait que je me désaltère doucement pour ne pas me rendre malade, j'avais envie de finir la coupe immédiatement. Ce breuvage était une tentation divine... quelque chose de mauvais, mais tellement agréable sur la langue.

La question arriva bien vite. Finalement, il fallait qu'elle soit posée. Je sentais l'angoisse dans la voix de ma maîtresse. Oui je pouvais comprendre que les rumeurs de cette révolte la fasse de douter de notre fidélité, de ma fidélité. Mais est-ce que je pouvais comprendre leur désir de liberté ? Je ne savais pas... je comprenais que certains puisse avoir envie d'être libres... mais moi ce n'était pas mon cas. Parce que c'était mentir sur ce que j'étais.
Il me fallait rassurer ma Domina. J'allais répondre franchement, parce que je savais que j'en avais le droit et la réponse, je l'espérai, allait apaiser les maux de sa conscience. Et pour montrer que j'étais sincère, je me postai devant elle, afin de la regarder, parce que le regard ne mentait jamais.

"Quelle chance y-a-t'il à devenir quelqu'un que je ne suis pas ? Je n'ai pas connu cette liberté qu'ils revendiquent, donc je ne peux pas la vouloir. Ce serait rejeter mon identité."

Je n'étais pas faite pour être libre, non. Ma place était ici et elle me convenait.

"Je comprends ce qui les anime, j'imagine que certains d'entre eux ont dû vivre de mauvais traitement. Mais cela n'a jamais été mon cas, alors je n'ai jamais pensé à embrasser leur cause. Non, elle me fait même peur... parce que leur cause amène la violence et la mort. Jamais je ne vous trahirai, parce que vous faites partie de ma vie et cette vie je vous la dois. Avant de venir ici, avant d'avoir des maîtres, j'avais peur de ce que j'allais découvrir. "

Cette fois je m'étais retournée, parce que je ne voulais pas que ma Domina voit la douleur dans mes yeux.

"Les marchands d'esclaves ne sont pas tendres et donne des coups souvent sans raison particulière. Ceux qui me transportaient ont tué ma mère... l'ont frappée et l'ont pendue, parce qu'à cause de leurs coups, elle ne servaient plus à rien. Mais en arrivant à votre service, j'ai appris que tout le monde n'était pas ainsi... vous m'avez sauvée d'une mort certaine. J'ai conscience de ma chance et je vous en serais à jamais redevable."

Ma mère m'avait toujours dit d'être heureuse de ce que j'avais parce que cela aurait toujours pu être pire. Mais là, j'étais heureuse parce que c'était le mieux que je pouvais trouver.
Patricien
Mar 3 Fév - 15:25
Re: Le Fils de la Montagne [Nasica & Helvia]   




Helvia Claudia Scaevola
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Helvia Claudia Scaevola
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Le fils de la montagne



Villa Scaevola ~ Mai 725 AUC


Le vin avait toujours eu un effet consolateur sur la gauchère, comme la caresse d’un vieil ami venu lui prêter main forte dans ses heures sombres. Aujourd’hui, alors que l’angoisse s’était emparée de son cœur de fière patricienne, Helvia appréciait la chaleur qui se dégageait de cette boisson plus encore. Et la partager avec sa suivante était un moment aussi rare que précieux. L’intimité qui s’était ainsi mise créée entre les deux femmes était loin de définir la plupart des liens unissant une esclave à sa domina. Avec Nasica, la veuve se sentait comme en présence d’une amie, une amie sincère, solide, assez attentive pour comprendre sa maîtresse avant même que celle-ci n’ait prononcé la moindre parole et assez intelligente pour conserver en toute circonstance cette distance qu’imposait néanmoins son statut d’esclave. Ce statut qu’aujourd’hui, une bande de sauvage en déroute voulait lui enlever.

Cette question toute simple qu’Helvia avait formulée résonna longtemps dans son esprit. Chaque occurrence semblait lui murmurer toute la légitimité de sa crainte, siffler avec félonie : « Mais que crois-tu, Scaevola ? Comment peux-tu croire qu’une esclave refuse une liberté ainsi offerte ? Qu’as-tu à lui proposer en échange de son existence de servitude ? Penses-tu sa fidélité si facilement acquise ? Assez puissante pour refuser l’offre de cet enfant de la montagne ? Allons, Scaevola… Soyons sérieux… » Pourtant, la veuve se risquait à y croire. Elle ne pouvait que se forcer à y croire. Comment pouvait-elle faire autrement après vingt-quatre ans passés auprès de Nasica ? Comment ne pouvait-elle pas espérer parvenir croire en sa loyauté la plus complète ?

Doucement, la patricienne entendit son esclave se lever dans son dos et bouger lentement jusqu’à venir se placer juste devant elle. Helvia hésita un instant avant d’oser croiser le regard de sa suivante car ce simple regard suffirait à lui fournir la réponse qu’elle souhaitait. Pourtant, la veuve n’avait jamais reculé face à l’adversité et elle relèverait cette épreuve comme toutes les autres, respectant la promesse qu’elle s’était faite à la mort de son mari.

Elle leva les yeux alors et, imperceptiblement, une profonde vague de soulagement emplit son cœur. Ce qu’elle vit dans le regard de son esclave était indescriptible. Mais bon. Infiniment bon. Doucement, avec ce regard tendre que la gauchère trouvait chez si peu de ses connaissances, Nasica lui murmura :

- Quelle chance y-a-t'il à devenir quelqu'un que je ne suis pas ? Je n'ai pas connu cette liberté qu'ils revendiquent, donc je ne peux pas la vouloir. Ce serait rejeter mon identité. Je comprends ce qui les anime, j'imagine que certains d'entre eux ont dû vivre de mauvais traitements. Mais cela n'a jamais été mon cas, alors je n'ai jamais pensé à embrasser leur cause. Non, elle me fait même peur... parce que leur cause amène la violence et la mort. Jamais je ne vous trahirai, parce que vous faites partie de ma vie et cette vie je vous la dois. Avant de venir ici, avant d'avoir des maîtres, j'avais peur de ce que j'allais découvrir.

La belle Epirote se retourna et Helvia refusa le moindre mouvement de peur de la déranger. Elle comprenait aisément quels souvenirs revenaient à l’esprit de sa suivante.

- Les marchands d'esclaves ne sont pas tendres et donnent des coups souvent sans raison particulière. Ceux qui me transportaient ont tué ma mère... l'ont frappée et l'ont pendue, parce qu'à cause de leurs coups, elle ne servait plus à rien. Mais en arrivant à votre service, j'ai appris que tout le monde n'était pas ainsi... vous m'avez sauvée d'une mort certaine. J'ai conscience de ma chance et je vous en serais à jamais redevable.

Helvia regarda son esclave en silence un instant. Mais son mutisme ne dura qu’un temps bien court. Doucement, la patricienne se leva pour sa rapprocher de Nasica. Toujours sans la quitter des yeux, elle lui prit délicatement les mains et lui dit alors, un tremblement ému lui ayant pris la voix :

- Qu’ai-je fait pour mériter pareille amie ?

Oui, la veuve n’avait plus peur de la considérer comme tel, plus maintenant, plus après toutes ces épreuves et toutes ces attentions qui forment les véritables amitiés entre une esclave et une femme romaine.

- Je sais ce que tu as traversé enfant, même si je mentirais en te disant que je comprends quelle douleur a été la tienne. Je sais aussi ce que mon peuple peut faire subir aux vaincus lorsque l’aveuglement du pouvoir le conduit aux pires de ses travers. Mais je sais quelle femme de Rome je veux être et quels alliés véritables je compte à mes côtés. Cette place dans cette domus et dans ma vie, tu l’as obtenue de tes propres mains. Je t’ai connue enfant, alors que tu n’avais jamais subi que les abus des marchands d’esclaves. Tu n’as reçu de ma part que le traitement que tu as mérité, par ton dévouement, ton respect et ton application. Si par ton statut tu pourrais prétendre à rejoindre les rangs du Fils de l’Etna, sache que tu resteras avec moi une femme bien plus libre que dans la vie de fugitive que te promettent ces barbares, car jamais je ne pourrais changer la manière que j’ai de te considérer, et je te considère comme une femme digne du plus grand respect et de la plus grande loyauté.

Helvia se permit de la regarder en silence quelques secondes, puis reprit.

- Si tu me promets ainsi ta loyauté, Nasica, je te promets la mienne. Tant que je serais là, je te promets que tu seras traitée avec toute l’attention qui te revient car jamais femme de Rome n’a su jouir d’un soutien comme le tien au sein de sa domus.

Elle posa une main maternelle sur la joue de son esclave et lui sourit.

- Je ferai le nécessaire pour que tu sois traitée comme tu le mérites si jamais… cette rumeur s’avérait plus vraie que nous ne l’espérions.

Depuis quelques années déjà, la veuve pensait à rédiger un testament officiel, un bout de papier insignifiant pour celui dont les lettres ne restaient que d’obscures symboles, mais le don de tout un héritage pour celui qui savait déchiffrer dans ces sobres caractères tout l’attachement qui l’unissait au rédacteur d’une telle missive. Ainsi, si le Fils de l’Etna parvenait réellement jusqu’à la villa Scaevola et si Nasica vivait alors que sa domina périssait sous le fer des révoltés, elle ne serait pas perdue et oubliée par l’Empire qui l’avait enchainée et serait conduite chez un maître qui, comme Helvia, savait traiter les esclaves qui avaient su se faire de précieux alliés de Rome.

L’attention pouvait sembler bien légère pour celui qui n’avait jamais senti la morsure du fouet. Mais pour un esclave respectueux de sa condition et qui connaissait la souffrance d’être attaché à une maison violente, se savoir entre des mains aimantes était un cadeau certainement plus précieux que la promesse d’une révolte maculée de sang.

lumos maxima
Mar 3 Mar - 18:06
Re: Le Fils de la Montagne [Nasica & Helvia]   




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Les souvenirs refaisaient surface. Je voyais le nœuds coulant, je pouvais presque entendre les hurlements de douleurs et de désespoir de ma mère qui tendait la main vers moi. Je n'avais jamais compris ce qu'elle avait crié ce jour là, mais en voyant ses larmes de détresse, j'avais su que c'était la peur qui avait animé son regard. Nous avons beau dire : je n'ai pas peur de la mort. Au fond elle nous angoisse et nous fait paniquer le moment venu. Était-ce parce qu'elle n'avait pas voulu me quitter ? Ou bien parce qu'elle voulait que je l'aide ? Je n'avais jamais su ce que cette main tendue avait pu signifier. Mais ce dont j'étais certaine c'était qu'elle m'avait aimée. Tous les souvenirs que je gardais d'elle étaient bons et heureux.

Je savais à présent que la mort de ma mère m'avait permis de mûrir beaucoup plus vite. Je n'avais eu que les marchands d'esclaves pour me servir de guides.  Alors j'avais appris seule, il avait fallu que je me comporte bien si je voulais trouver un maître et me sortir de là. C'est comme cela que je m'étais retrouvé au service d'Helvia au final. Sa maison avait fini par devenir la mienne, et ses problèmes les miens.

Alors que mes yeux fixaient l'horizon, je sentis les mains de ma Domina prendre les miennes. Je la regardai de nouveau dans les yeux et je vis son émotion qu'elle avait du mal à contenir.

Qu'avait-elle fait pour mériter pareille amie ?... elle m'avait traitée comme telle, cela avait été suffisant. Nous étions loin d'être égales sur le plan sociale, mais au fond nous nous considérions beaucoup. Cela, jamais nous ne l'avions nié et c'était ce qui animait aussi ma fidélité. Qui étais-je donc si je me mettais à trahir mon amie ? Ce n'était plus une question de loyauté, c'était simplement une question de respect et d'amitié. Le fait qu'elle me désigne comme une amie le prouvait bien.

J'écoutai ses propos sans l'interrompre. Oui, elle pouvait m'avoir comme alliée fidèle cela c'était certain ! Je ne comptais pas rendre ce rôle. J'avais certes mérité ce traitement, mais certains Dominus n'étaient pas du même avis. Nombreux étaient les esclaves battus.
Je retins un sursaut de mécontentement lorsqu'elle émit l'hypothèse de me voir rejoindre les rangs du fils de l'Ethna. Non je ne comptais pas le faire. C'était impensable ! Néanmoins  elle savait je pense, que je ne l'abandonnerais jamais que j'allais rester jusqu'au bout à ses côtés, même si cela signifiait mourir... j'avais peur de la mort, mais j'avais encore plus peur du décès des gens de mon entourage.  Si ma Domina venait à disparaître je perdrais tout... alors autant disparaître avec elle. Mon rôle était de la servir et aussi de la conseiller lorsqu'elle me le demandait.

Et en échange elle me traitait bien. C'était un pacte... un pacte silencieux que jamais nous avions eu besoin d'aborder, car il avait toujours été là, clair, limpide, sans que nous nous en rendions vraiment compte. Et pourtant les termes de ce contrat, de cette amitié au fond, étaient acquis pour nous.
Alors elle savait que oui, elle aurait mon soutien et ma loyauté jusqu'au bout.

Sa main se posa sur ma joue. Ce geste à apporta du réconfort à mon cœur qui avait été quelque peu chamboulé par la survenance soudaine d'anciens souvenirs malheureux. J'avais perdu ma mère, mais j'avais trouvé quelqu'un de bon avec moi en ma Domina. La vie était donc une sorte de fil tendu sur lequel on marchait et nos rencontres tirant d'un côté et de l'autre nous faisaient garder l'équilibre.
Ainsi j'avais trouvé presque une mère en la personne d'Helvia Claudia Scaevola, même si je la voyais plus comme une amie que comme une mère et même elle restait ma Domina. Je n'étais pas obligé de suivre les ordres d'une amie, là était la différence. Différence qui ne me dérangeait aucunement. Il m'arrivait de ne pas être d'accord avec le décision de ma maîtresse, je lui faisais savoir, mais obéissais sans broncher.

Si jamais cette rumeur n'en était pas une... la question ne se poserait pas, je mourrais également ! Pas seulement parce que je comptais suivre ma maîtresse jusqu'au bout, mais aussi et surtout parce que les révoltés, n'allait pas avoir d'autres choix que de me tuer, parce que je ne comptais pas rejoindre leur rébellion tout simplement. Mais je lui en étais reconnaissante de penser à mon avenir. C'était un présent considérable pour une esclave, peu d'entre nous avaient la chance d'avoir une Domina aussi consciencieuse du bien être de ses serviteurs. Je ne savais pas quoi dire, tant ce cadeau qu'elle me faisait était précieux pour moi et m'empêchait de trouver mes mots. Alors ce fut un simple :

"Merci Domina" qui sorti de ma bouche.

Bien sûr quelqu'un qui n'avait jamais subi de violences de la part de ses maîtres (incluant les marchands d'esclaves) ne pouvait pas comprendre la valeur de cette offre, de cette opportunité que l'on me donnait si généreusement. Moi non plus je n'avais pas mérité un tel traitement au fond.

Mais de toutes façons je ne changerais jamais de Dominus, il ne nous fallait pas penser de façon aussi négative, cette révolte même si elle existait n'arriverait jamais jusqu'à nous.

"Mais je pense que nous n'aurons pas besoin d'en arriver là. Cette révolte sera sûrement matée avant d'arriver jusqu'à nous... et si jamais elle parvient aux portes de la ville. Nous nous en sortirons, j'ai confiance en nous pour cela. Vous êtes la personne la plus têtue et la plus battante que j'ai jamais rencontrée" Dis-je en un sourire

C'était la vérité. Ma Domina n'avait jamais baissé la tête face à l'adversité, ne s'était jamais agenouillé devant quiconque et s'était toujours battu pour être reconnue et respectée. Cela n'allait pas changer de si tôt.

Spoiler:
Patricien
Sam 21 Mar - 1:34
Re: Le Fils de la Montagne [Nasica & Helvia]   




Helvia Claudia Scaevola
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Helvia eut un sourire las. Oui, certainement n’auraient-elles jamais à aller aussi loin. Du moins, pouvaient-elles l’espérer. Mais la menace grondait : les frissons de l’espoir avaient déjà conduit plusieurs esclaves isolés à se rebeller contre leurs maîtres. Les légendes parlaient toujours aux cœurs des hommes, pourquoi pas au cœur des esclaves ? Chaque affaire avait été minutieusement étouffée pour qu’elle n’inspire aucun mouvement de plus grande ampleur. Mais les patriciens murmuraient entre eux, exorcisaient leur crainte en la partageant avec le reste de l’élite, avec les alliés sûrs. On les rassurait alors : « Qui pourrait penser que ces bêtes se soulèveraient réellement face à Rome ? Certainement pas vous, mon ami. Allons, quittez cette morosité qui vous assombrit l’humeur. Des chiens fidèles mordent leurs maîtres tous les jours… » Il n’y avait que peu de limites à la confiance des Romains. Ce Fils de l’Etna ne semblait guère en être une.

Mais, si Helvia appréciait l’impossible, elle craignait l’improbable. Bien de grands chefs, Romains ou étrangers, étaient tombés pour avoir sous-estimé une menace. César lui-même n’avait-il pas été assassiné par sa propre confiance en son pouvoir ? Priam, roi de Troie, n’avait-il pas surestimé la puissance de ses murailles au point de faire lui-même entrer la mort dans sa cité ? Helvia ne serait pas à l’origine de sa propre chute. Toute sa vie depuis la mort de son époux avait été dictée par la prudence. Ce jour-là n’échapperait pas à la règle.

- Nous ne pouvons pas prendre de risque, n’est-ce pas ? dit-elle d’une voix pensive.

Ses pouces caressèrent une dernière fois les mains de Nasica, puis elle se leva et se dirigea vers la fenêtre. Elle garda le silence quelques secondes, réfléchissant à ce qu’elle comptait faire. Mais rapidement, la nécessité de renforcer les défenses de la domus se fit sentir. S’il devait y avoir une attaque, les murs de la villa Scaevola seraient leurs seuls remparts.

- Je veux que l’on double la garde aux portes. Surtout à celle à l’arrière de la domus ; une attaque vient rarement depuis l’entrée principale.

Son regard se perdit sur Pompéi à ses pieds.

- Pars au marché dès aujourd’hui avec tous les bras que tu estimeras nécessaires. continua-t-elle. Prends des céréales, de la viande séchée, des amphores d’huile… Tout ce qui se conserve assez longtemps pour que nous puissions tenir ici si jamais nos portes devaient rester closes plusieurs jours durant. Ne regarde pas à la dépense. Je ne crains pas le trop, mais le manque.

Elle se tut un instant, toujours face à l’horizon. Toutes ces mesures ne seraient peut-être qu’autant d’excès face à une rumeur simplement trop tenace. Mais existait-t-il des abus de prudence avec les asservis ? La veuve savait que non. Bien des révoltes et des émeutes avaient marqué le passé de Rome. Peut-être la prochaine prendrait-elle racines dans les terres fertiles de Pompéi. Alors qu’une dernière idée germa dans l’esprit de la gauchère, celle-ci fronça les sourcils, ne sachant pas si elle pouvait ou non se le permettre.

- Peut-être devrions nous demander à Valerius de rester ici le temps que cette tension disparaisse… finit-elle par dire.

Elle se tourna alors vers Nasica, cherchant à lire sur son visage ce qu’elle en pensait. Depuis trois ans, Appius Maenius Valerius avait recouvré la liberté d’utiliser son glaive sur ceux qu’il désirait, et non sur ceux qu’on lui imposait. Et depuis trois ans, il était devenu le gant de fer de la patricienne, les crochets de la vipère. Helvia avait confiance en lui et, en de telles circonstances, sa présence à ses côtés serait des plus rassurantes. Néanmoins, Valerius était libre, décidait seul des chemins qu’il arpentait chaque jour. L’argent payait la fidélité des mercenaires, mais pas l’allégeance sincère. Peut-être lui en demanderait-elle trop cette fois-ci ?

- Demande-lui s’il accepte de loger ici quelques jours. Veille à lui donner une chambre au rez-de-chaussée, ni la plus riche, ni la plus pauvre. J’aimerais qu’il soit là en attendant la fin de l’orage. Il est la seule lame dans cette ville en qui j’ai réellement confiance. dit-elle malgré tout.

Elle se tourna de nouveau vers sa chère servante, plongea son regard dans le sien, avec cette anxiété sourde qui refusait de quitter son esprit depuis que les rumeurs d’une attaque dans une ferme de Campanie avaient atteint la cité. Il était des jours où l’on regrettait d’être une femme. Mais c’était en période de guerre que cette déception était la plus vive.

- Penses-tu qu’il acceptera ? demanda-t-elle, un désagréable frisson lui parcourant déjà l’échine à l’idée qu’il les laisse seules.

Pas face à ces esclaves. Non. Pas aujourd’hui.
lumos maxima
Lun 6 Avr - 22:48
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Bien sûr, je ne pensais pas que nous avions toutes les chances de nous en sortir si jamais cette rumeur n'en était pas une. Imaginer une issue totalement positive à la situation était quelque chose de complètement utopique. De même, penser au fond que c'était histoire n'étaient que calomnies était stupide, il y avait bien quelque chose à l'origine de la peur qui tiraillait nos entrailles. Cette révolte avait bien existé un jour, même si elle avait pu être matée par l'armée romaine... mais on ne pouvait jamais vraiment savoir. C'était cela finalement qui effrayait les populations : l'incertitude, qui nous faisait nous sentir impuissants, hésitants. Et dans cet état nous devenions vulnérables et Pompéi avec nous. Nous ne devions pas prendre cela à la légère, mieux valait prévenir que guérir.

Aussi, quand ma domina confirma mes pensées je hochai la tête, répond positivement à sa question, non nous ne devions pas prendre de risque, en effet. Elle lâcha mes mains pour se diriger vers la fenêtre, je pouvais presque l'entendre penser. Je savais qu'elle songeait à sécuriser la domus. C'était quelque de primordiale si nous voulions survivre... Mais allions-nous survivre à une attaque ? Ou en tous les cas combien de temps tiendrons-nous avant la mort ? Cette idée m'effraya et m'arracha un frisson. Je fermai les yeux une fraction de seconde, tentant de chasser ces pensées biens noires de mon esprit. Non je ne devais pas être défaitiste, pas maintenant ! Au contraire je devais avoir le courage, parce que cette qualité faisait toute la différence durant une bataille. Le nombre d'hommes, de soldats, n'était pas le seul facteur garantissant une victoire. Et je ne devais avoir confiance en ma maîtresse et en ses plans pour défendre la villa. Après tout, elle n'était jamais tombée, n'avait jamais faillis face à un ennemi. Mais je savais que les rebelles, s'ils existaient, finiraient pas pénétrer à l'intérieur et ces esclaves seraient sans pitié envers ceux qui les auront défiés et la mort nous attendrait ensuite. Il nous resterait alors qu'une seule alternative : la fuite. Néanmoins, je doutais que ma Domina serait encline à prendre la fuite. Peut-être mourrait-elle avec honneur et dans ces cas là je mourrais avec elle. Je ne voulais l'abandonner à son sort, pour moi, c'était impensable. Et lâche, hors, lâche, je ne l'étais pas.

Après quelques instants de silence ma Domina reprit la parole. J'écoutai attentivement ses instructions, m'apprêtant à les suivre à la lettre, comme à chaque fois. Elle avait raison, les attaques ne surviendraient pas par la porte principale, ou alors pour créer une diversion. A moins que ces esclaves rebelles ne fussent dotés d'aucune intelligence, mais s'ils étaient capables de défaire l'armée romaine, j'en doutais fortement. Le Fils de l'Etna était sûrement un stratège et loin d'être stupide. C'était ce qui en faisait un homme dangereux, du moins, s'il existait. Mais mieux valait penser cela. Je hochai la tête, la garde aux portes serait doublée, je comptais y veiller personnellement. Il nous faudrait sûrement tenir un siège. D'où la nécessité d'acheter des provisions. Ne pas regarder à la dépense était risqué, mais en même temps, si nous étions attaqués, nous ne le regretterions pas.

« Oui Domina, Ce sera fait »

J'allais devoir amener d'autres esclaves avec moi, parce que je n'allais pas réussir à tout porter toute seule, cela allait faire beaucoup de provisions. Je prendrais deux ou trois garçons bien battis pour cette tâche, c'était toujours utile.

Il y eut un instant de silence. Je ne disais rien. Ne voulant interrompre ma Domina dans ses pensées. J'avais confiance en ses plans et ses idées, elle avait toujours été prudente et elle nous avait menés à la prospérité ou tout du moins, l'avait gardée. Pourtant ce n'était pas les obstacles ou les ennemis qui avaient manqué. Alors ma confiance en elle était à toute épreuve.

Nous avions besoin d'une lame pour nous défendre et Appius lui était fort utile. Cela ne me surpris d'ailleurs pas lorsqu'elle me soumit l'idée de lui demander protection. J'étais on ne peut plus d'accord. Et accueillir Appius chez nous quelques temps m'enchantait. Je retins un sourire qui trahissait mes pensées.

« Je pense que c'est une bonne idée, sa lame nous serait forte utile »

De plus Appius était quelqu'un de serviable et il accepterait sûrement à moins que quelqu'un lui eut déjà proposé. Je hochai la tête, en écoutant les ordres de ma Domina. Oui, Il était la seule lame en qui j'avais confiance également. D'autant plus qu'il m'avait déjà sauvée la mise. C'était quelqu'un de fiable et lui demander de venir nous aider, ne me dérangeait aucunement. J'étais heureuse d'aller le trouver moi même. J'allais pouvoir lui parler un peu. Cela me convenait.

Je croisai le regard de ma maîtresse traduisant son anxiété. La question dont la réponse l'effrayait franchit alors ses lèvres. Il accepterait, je le savais. Il n'était pas seulement un combattant mais aussi un homme d'hnneur et quelqu'un qui protégeait ses amis, il n'allait pas nous laisser en détresse, derrière lui. J'étais certaine de sa loyauté et de surtout de son amitié. Il ne nous abandonnerait pas... jamais. Un sourire mélancolique flottai sur mon visage alors que je racontai l'anecdote sur notre amitié. La fois où il m'avait sauvée la vie.

« Il m'a une fois sauvée la mise » Commençai-je « Alors que j'étais en train de récolter quelques herbes, un serpent s'était dressé, prêt à me mordre. Il l'a tranché en deux. Il n'était pas obligé et pourtant il l'a fait et m'a sauvée la vie. Appius n'est pas seulement un homme d'honneur, il a aussi beaucoup de courage et est sensible au sort de ses proches. Sa force, c'est sa gentillesse et non son appât du gain ou de la récompense »

J'avais dressé, sans vraiment m'en apercevoir, ce portrait élogieux. Mon sourire s'était fait plus tendre. Penser à Appius Valerius réchauffait mon cœur et m'emplissait de joie. Je n'avais même pas remarqué que je souriais toute seule, le regard dans le vide. Et le portrait que j'en avais fait était sans doute peu objectif. Mais je m'en contre fichais.

Je repris un peu contenance et regardai ma Domina dans les yeux.

« Oui il acceptera »

Cela en revanche était objectif et j'en étais sûre, aussi sûre de mes sentiments pour lui et ces sentiments là n'altéraient pas ma certitude quant à sa loyauté. Il ne nous laisserait pas seules.
Patricien
Jeu 9 Avr - 0:53
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Le fils de la montagne



Villa Scaevola ~ Mai 725 AUC

Hésitations, ignorance, incertitude… Quoi d’autre pouvait bien envahir les esprits en des temps si troublés ? Comment une simple veuve, une femme patricienne de Rome, pouvait-elle aspirer à autre chose qu’à cette anxiété qui la rongeait depuis plusieurs jours désormais ? Dehors, les paysans rapportaient des récits tous plus noirs et teintés d’épouvantes les uns que les autres, craignaient pour leurs femmes, leurs fils et leurs terres. Le Fils de l’Etna, disait-on, détruisait les fermes les unes après les autres, rasait des petits villages entiers, assassinant chaque homme qu’il pensait de sang romain, violant les femmes, pendant les enfants. En ville, toutes ces menaces résonnaient en écho dans chaque ruelle, sur chaque place, répétées par chaque citoyen, qu’il soit de haute ou de basse naissance. Les histoires sur ce héros libérateur d’esclaves se murmuraient sur toutes les lèvres, passant du marché au temple, du forum au théâtre, de la curie aux arènes. Et Helvia se tenait là, à observer Pompéi silencieuse, Pompéi terrorisée par cette menace sourde, sournoise, qui refusait de se montrer à elle une bonne fois pour toutes et préférait laisser à la population cette torture du doute qui faisait se coucher chaque Pompéien avec la même question à l’esprit que celle qui l’avait éveillé au matin.

La vie de la vipère n’avait été faite que de déceptions et de soumission pendant les premières années de sa vie, de bataille et de rébellion depuis la mort de son mari. Comme tout citoyen assez sage pour ne jamais prendre une menace entièrement à la légère, elle écoutait sa prudence, préférant mille fois gâcher des centaines de sesterces en dépenses finalement inutiles que faire reposer sa vie sur une foi en sa propre fortune, sur un élément qui échappait et échapperait toujours à son contrôle. Telle était la ligne de conduite qu’elle s’efforçait de suivre à chaque moment de sa vie depuis le corps monstrueux de Marcus Claudius Celsus avait rendu son dernier râle agonisant. Si attaque d’esclaves il devait finalement y avoir, la villa Scaevola ne serait pas la première à tomber, Helvia s’en fit le serment.

Alors qu’elle donnait ses premières directives, Nasica acquiesça sans attendre. La patricienne ne prit ni la peine de répéter quoi que ce fût, ni celle de détailler avec minutie ce qu’elle voulait voir entreposé dans sa cave. Jamais aucun citoyen de la grande Rome n’avait connu servante aussi fidèle et vive d’esprit, la vipère en avait la certitude. Nasica savait quoi faire et le ferait bien, comme elle le faisait toujours. Ce fut sur un tout autre sujet que la veuve lui demanda conseil, au sujet d’un homme qu’elle estimait beaucoup et qu’elle espérait compter à ses côtés face à ces temps houleux.

Alors que le nom d’Appius Maenius Valerius franchit la barrière des lèvres de la veuve, cette dernière remarqua l’ombre éphémère d’un sourire se dessiner sur le doux visage de son esclave. La patricienne fronça les sourcils l’espace d’un instant, cherchant à savoir si cela n’était que le résultat de son imagination ou la réaction distraite de sa chère suivante happée un instant par une pensée bien moins sombre que celles qu’elles ressassaient jusqu’à présent. Pourtant, Helvia se garda bien de lui faire remarquer ce changement soudain d’attitude et préféra lui exposer les quelques idées qu’elle avait. Nasica ne fit que les soutenir avec la discrétion qui lui était commune. Mais quelque chose sur son visage transpirait la nostalgie, ou tout du moins une certaine errance de l’esprit dans de doux souvenirs. Gardant le silence, Helvia l’observa avec un intérêt qu’elle ne cherchait plus à dissimuler. Alors, avec ce sourire attendrissant qui continuait d’illuminer son visage, Nasica se mit à lui conter une courte histoire.

- Il m'a une fois sauvé la mise. Alors que j'étais en train de récolter quelques herbes, un serpent s'était dressé, prêt à me mordre. Il l'a tranché en deux. Il n'était pas obligé et pourtant il l'a fait et m'a sauvée la vie. Appius n'est pas seulement un homme d'honneur, il a aussi beaucoup de courage et est sensible au sort de ses proches. Sa force, c'est sa gentillesse et non son appât du gain ou de la récompense.

Un sourire en coin étira discrètement les lèvres de la gauchère alors qu’elle ne quittait pas sa suivante des yeux. Alors qu’elle la regardait ainsi, bercée dans ses souvenirs, elle se refusait de l’interrompre dans un moment aussi tendre au milieu de cette violence qu’on leur rapportait du dehors. Ce ne fut qu’après plusieurs secondes de silence que Nasica releva enfin les yeux vers sa maîtresse et qu’elle lui dit d’une voix sûre :

- Oui, il acceptera.

Le sourire de Helvia se fit plus appuyé, rendu plus serein par cette certitude qui transparaissait dans la voix de son esclave et par l’espérance qu’elle emmenait avec elle. Un doux silence s’installa entre elles quelques secondes avant que la veuve ne se permettre de le troubler d’une voix attendrie par les mots de sa suivante.

- Tu sembles avoir pour lui beaucoup d’estime, lui dit-elle.

Lentement, elle vint croiser ses bras, sans quitter Nasica des yeux.

- Jamais tu ne m’avais raconté cette histoire avec Appius. Etait-ce il y a longtemps de cela ?

Helvia se trouvait bien incapable de contraindre sa curiosité au silence tant les réactions de Nasica étaient pour elle inattendues. En vingt-quatre ans, la veuve ne se souvint pas avoir jamais vu dans le regard de son esclave cette étincelle particulière, aussi légère qu’éphémère. Non pas que Nasica ait toujours été dépourvue d’affection envers son entourage, ou envers des hommes, mais jamais elle n’avait fait un tel éloge à propos de l’un d’eux.

Soudain, une idée germa dans l’esprit de la veuve, une idée qu’elle n’avait pour ainsi dire jamais eu véritablement et qu’elle ne pensait surtout pas avoir en de telles circonstances, alors que les deux femmes se préparaient à l’attaque éventuelle d’une horde d’esclaves venus faire payer leurs anciens maîtres pour leurs chaînes enfin brisées. Nasica avait trente-deux ans désormais, et n’avait encore jamais fait vœux de se voir unie à un homme. A son âge, Helvia était déjà mariée depuis des années et avait déjà connu plusieurs hommes, bien que sa condition l’en aurait normalement empêché si les dieux lui avaient accordé le pouvoir de mettre au monde un fils. Toutes ces années au service de sa maîtresse, Nasica n’avait que si peu demandé de faveurs à sa maîtresse… La gauchère le savait. Et, alors qu’elle regardait le visage toujours attendri de sa servante, elle ne put s’empêcher de lui demander :

- Depuis toutes ces années, Nasica, n’as-tu jamais désiré entrer en concubinage avec un homme ?

La patricienne plongea son regard dans les prunelles de son esclave. Il n’était alors plus question d’une discussion d’esclave à domina. C’était devenu une conversation de femme à femme.
lumos maxima
Mar 21 Avr - 17:19
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Il était étrange de constater le pouvoir de l'affection, il semblait qu'il balayait tous les autres mauvais sentiments et soucis que nous pouvions avoir. Quelques instants auparavant j'étais dans un état d'inquiétude face à la possibilité d'une armée d'esclaves franchissant les murs de Pompéi, mais à présent mon coeur était rempli d'une allégresse certaine qui avait su apaiser mes doutes et angoisses en une fraction de seconde. Oui cela était un peu mystique lorsqu'on y pensait. Mais je ne devais pas m'en plaindre, au contraire, c'était même agréable. L'amour rendait niais c'était certain, néanmoins c'était un noble sentiment que je m'efforçais de suivre, il valait mieux vivre de cette manière là, qui rendait heureuse, plutôt que de focaliser sur les moments les plus sombres de la vie. 

Plongée dans mes pensées tendres, je n'avais pas tout de suite remarqué le sourire qu'arborait ma Domina. Était-ce parce qu'elle était rassuré par ma réponse ? Ou bien était-ce autre chose ? Ou peut-être un peu de tout. J'avais sans doute été un peu trop expressive de mes sentiments lorsque j'avais parlé d'Appius, je ne m'en était pas rendu compte jusqu'alors, mais cela m'était égal, il méritait cet éloge en tous les cas qu'il eut été fait par moi ou par quelqu'un d'autre. C'était quelqu'un de bien et de fidèle et j'étais heureuse qu'il soit au service de ma maîtresse, cela me permettait de le croiser plus souvent. Même si, bien sûr, ses tâches étaient souvent violentes et je devais avouer que parfois... souvent... à chaque fois même, j'avais peur qu'il ne revienne pas. J'avais confiance en ses capacités de guerrier, ce n'était pas le problème, mais la plupart du temps ses adversaires étaient nombreux et rusés, ils n'hésitaient pas à faire du mal à leurs ennemis. Mais Appius semblait s'en sortir, il faut dire que sa carrure devait en intimider plus d'un. Moi, elle n'intimidait pas, non, mais j'étais fascinée.

Ma Domina me fit remarquer mon attachement pour lui. Je souris, c'était le cas, j'avais énormément d'estime pour lui... peut-être un peu trop d'ailleurs. Sans doute cela troublait mon jugement à son égard, qui était tout sauf objectif. L'affection et l'amour rendaient aveugles c'était bien connu. Mais non, Appius était forcément une bonne personne qui méritait notre estime et pas seulement la mienne. Alors oui je l'estimais beaucoup et de façon plus tendre que je ne voulais bien l'admettre. Je ne niais pas mes sentiments à son égard, mais ne voulait pas les exprimer pour autant.

« En effet, je l'apprécie beaucoup »

Quel bel euphémisme ! Mais c'était vrai, je l'appréciais tellement que mes sentiments avaient vite évoluer vers quelque chose de plus fort, sans que je puis le contrôler ou bien même m'en rendre compte d'en l'immédiat. Oh bien sûr je m'en étais vite douté au fond, mais j'avais tout fait pour refouler l'évidence, alors que je savais bien que le refoulement ne ferait qu'accroître ma tendresse pour lui, elle ne pouvait disparaître alors se renforçait forcément. Cela avait été indéniable et le jour où je m'étais rendu compte de mon affection plus qu'amical pour Appius, je m'étais juré de ne rien lui dire.

C'était drôle, cela avait juste commencé par cette histoire de serpent dans les hautes herbes. Un souvenir qui aurait pu ne pas en devenir un et aurait été le moment de la fin de ma vie s'il n'avait pas été là. Pourtant cet instant si bref et peu joyeux, parce que j'avais eu très peur, s'était transformé, il était devenu le début de tout. Le commencement d'une relation nouvelle entre nous, qui avait été jusqu'alors un simple salut lorsque nous nous croisions. En même temps, nous ne nous connaissions que depuis peu de temps à cet époque alors nos rapports n'étaient pas encore aussi bons, justes banals.

Je regardai ma domina avec ce sourire nostalgique que j'avais eu quelques instants auparavant et qui revenait se poser sur mes lèvres.

« Cela commence à faire, Appius venait de commencer à travailler pour vous. Nous nous connaissions peu à l'époque et cela nous a rapproché et je l'ai vite considéré comme un frère »

A présent, il était devenu plus qu'un frère, comme quoi tout pouvait partir de rien. Et j'étais bien placée pour le savoir, j'avais été une esclave sans perspective d'avenir heureux et pourtant je connaissais un présent qui me convenait et était loin d'être malheureux, et Appius apportait une touche de tendresse dans mon cœur, que je n'avais jamais encore ressenti pour aucun homme, du moins pas à ce point là. C'était la première fois que j'avais vraiment des sentiments purs pour un ami et je voulais que cette amitié évolue, néanmoins je savais que c'était impossible, parce que je n'oserais jamais avouer ce que je ressentais pour lui.

Entrer en concubinage avec un homme ? Voulait-elle dire avec Appius Valerius ?! Sûrement, le sous-endait-elle. Non, je ne pouvais pas lui demander cela ! J'avais bien trop peur de gâcher notre amitié et s'il refusait, notre relation ne serait plus jamais la même. Je n'étais pas du genre à être timide en face d'un homme, ce n'était pas le problème, mais je ne voulais pas perdre son affection en ne pensant qu'à moi. Lui avouer mes sentiments serait quelque peu égoïste de ma part.

J'émis un sourire en regardant ma Domina qui attendait une réponse. Et je ne savais pas quoi lui dire, parce que je ne savais pas moi même ce que je voulais. Certes il était hors de question que je perde l'amitié d'Appius en agissant de la sorte, surtout s'il ne ressentait pas la même chose, mais en même temps, l'idée soulevée par ma maîtresse me plaisait... au fond oui c'était cela... quand le cœur et la raison entraient en conflit cela n'était jamais bon et était source de conflit intérieur.

Je ris.

« Avec Appius ?!... Je n'en sais rien... Je ne lui ai rien avoué de ce que je ressentais, je ne veux pas gâcher la relation que j'ai déjà réussie à établir entre nous deux et qui est déjà si parfaite. Au moins j'existe pour lui, c'est déjà un bon point. »

Je savais me contenter de ce que j'avais... je n'étais pas du genre à agir sans réfléchir aux conséquences. Et j'avais peur de ces conséquences là.

« Son cœur est peut-être déjà pris, donc je ne veux pas le mettre dans l'embarras »

Il y avait cette possibilité à laquelle je pensais constamment, je ne savais rien de la vie amoureuse d'Appius et je ne voulais pas risquer de dévoiler mon ressenti en lui posant des questions. Je ne pensais que rarement à moi même, c'était un des avantages à être esclave... nous n'avions pas le temps d'être égoïste et je trouvais que c'était une bonne chose, cela me permettait d'être plus posée concernant certaines décisions... celle-ci notamment. Je ne devais pas penser qu'à moi, mais à Appius.

« Et puis je trouve que je suis bien toute seule ! Avoir quelqu'un m'empêcherait sûrement d'accomplir parfaitement mes devoirs envers vous Domina, mon esprit serait toujours porté sur lui, comme ceux qui ne pensent qu'à la carafe de vin à longueur de journée. »

Une addiction que je n'avais jamais eue d'ailleurs. Et je voulais pas qu'Appius me devienne indispensable, je pouvais encore me passer de son amour et c'était un avantage. En revanche de son amitié, j'en étais ivre et ne pouvait m'en détacher... parce que c'était la seule chose que je pouvais obtenir de lui.
Mais au fond, ces arguments que j'exposais à ma Domina, n'étaient que prétextes... je n'osais pas tout simplement parler sérieusement de cela à Appius. J'étais du genre à cacher ce que je ressentais et à refouler certaines émotions qui me compliquaient la vie.
Patricien
Dim 24 Mai - 23:39
Re: Le Fils de la Montagne [Nasica & Helvia]   




Helvia Claudia Scaevola
₪ Arrivée à Pompéi : 26/05/2013
₪ Ecrits : 2157
₪ Sesterces : 60
₪ Âge : 41 ans
₪ Fonction & Métier : Reine des Vipères et femme d'affaires

Cogito ergo sum ₪
₪ Citation: Chaque miette de vie doit servir à conquérir la dignité.
₪ Moi en quelques mots:
₪ Côté Coeur: Veuve et amante de Publicola
Helvia Claudia Scaevola
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Le fils de la montagne



Villa Scaevola ~ Mai 725 AUC
L’estime est un joyau que les amitiés franches savent rendre éternel. Alors que la vipère laissait les battements de son cœur ralentir, heureuse de pouvoir compter sur cet allié de taille qu’était Appius, elle réalisait l’attachement de son esclave pour ce Romain dont elle ne pouvait que louer la valeur. La veuve vivait depuis assez longtemps désormais pour savoir combien les hommes pouvaient conquérir le cœur des femmes. Sa chère Nasica parlait d’Appius comme d’un « frère », mais la gauchère semblait déceler dans ses mots et ses sourires des sentiments plus profonds encore. Plus dangereux également.

Il n’était nul besoin de montrer Helvia en exemple : quelle légitimité pouvait avoir cette pauvre Scaevola, veuve depuis trop longtemps et amoureuse de l’homme le plus inaccessible et interdit de la cité ? Quelle leçon pouvait donner la vipère de Pompéi alors qu’elle-même n’avait su résister à son désir pour celui que la plèbe se plaisait à surnommer « Publicola », le « vertueux » ? Quel reproche pouvait émaner de la bouche de l’amante du duumvir, celle qui n’hésitait pas à bafouer les lois de son propre peuple pour l’amour d’un homme marié ? Néanmoins, si Helvia connaissait la passion qui naissait de tels sentiments, elle en connaissait aussi les revers, et ceux-ci étaient nombreux. Le secret. La crainte. La honte. Le danger. Tel était le quotidien des fous qui ne savaient se résoudre à la tempérance face à la promesse de l’exaltation. Tel était le fardeau des amours interdites.

Nasican bien que de loin aussi magnifique de corps et d’esprit que les plus riches femmes romaines, subissait le sort d’être née esclave, et telle était sa malédiction, car cela l’empêcherait à jamais de se voir unie à un Romain, du moins, tant que sa liberté lui était refusée. Il était étrange de savoir que cette idée ne traversa pas même instant l’esprit de sa maîtresse tant celle-ci demeurait avant toute autre chose une membre émérite de la grande élite de Rome. Quelle Romaine de son rang penserait sérieusement faire affranchir une servante, même de la qualité de Nasica, pour la simple affection qu’elle lui inspirait ? Non. Helvia Claudia Scaevola était une domina, une femme née, baignée et façonnée dans la pure tradition romaine, une enfant de l’aigle de Rome et une dame de poigne pour qui les esclaves faisaient partie d’un tout aussi immense que fragile qui les dépassait et qu’ils ne pouvaient ainsi pas comprendre. Telle était la raison des révoltes et des mutineries. Telle était également la raison pour laquelle ces dernières devaient toutes être matées sans exception, car l’empire de Rome ne pouvait briller que si chaque élément se trouvait bien à sa place et fonctionnait sans accrochage. Qu’il soit perdu dans un champ, jeté au centre d’une arène ou envoyé dans les cuisines d’une villa, chaque esclave servait cette bête prodigieuse qui les nourrissait de ses lourdes mamelles : Rome comptait des millions d’enfants, qu’ils soient en toges ou en guenilles, et chacun se devait de la servir pour qu’elle perdure. Tel était le rôle des esclaves comme des maîtres. Mais il était du rôle des maîtres que de le rappeler aux esclaves.

Alors qu’elle lui avait soufflé l’idée d’un concubinage, Helvia ne pensait pas que les sentiments qui semblaient envahir le cœur de sa suivante prendraient le pas sur son bon sens. A vrai dire, après plus de vingt ans passés en compagnie de la belle Epirote, la patricienne ne l’avait encore jamais vu avoir un seul moment de faiblesse de ce type et Nasica avait toujours conservé une merveilleuse lucidité en tout instant. Mais qu’exiger d’une femme lorsque l’amour prend toute la place ? Entrer en concubinage avec un Romain était évidemment chose impossible pour une esclave. Du moins, leur union ne pouvait jamais être reconnue. Non. Helvia ne pensait pas à Appius. Comment l’aurait-elle pu.

Alors que Nasica finissait de lui assurer qu’elle se plaisait malgré tout dans le célibat, certaine que cette condition lui permettait une meilleure efficacité dans son travail auprès de sa maîtresse, la gauchère laissa les mots s’entrechoquer douloureusement dans le fond de sa gorge un instant, confuse. Jamais elle n’avait jamais voulu blesser sa suivante, et aurait par-dessus tout voulu éviter cette méprise. Ce fut donc le cœur lourd qu’elle lui annonça :

- Oh, ma chère… Je suis navrée de t’avoir ainsi induite en erreur. Mais tu sais bien la dureté de la loi romaine à cet égard et, qu’importe mes volontés ou les tiennes, il t’aurait été impossible de prétendre à t’unir à Appius. Les esclaves ne peuvent aspirer à pareille situation.

La veuve massait nerveusement les doigts de sa main droite sans quitter sa servante des yeux. Elle s’en voulait soudainement d’être naïvement allée sur ce terrain, comme si les mots pouvaient blesser aussi profondément que des lames.

- Je pensais davantage à un homme de ta condition si jamais… tu avais eu le désir de partager ainsi ta vie avec un homme.

La vérité était que la veuve se sentait terriblement mal à l’aise, comme si leur discussion devenait déplacée. Chacun de ses mots lui paraissait douloureux à prononcer comme à entendre, et Nasica était une des rares personnes sur cette terre que Helvia détestait faire souffrir. Profondément désolée au fond d’elle-même, décontenancée par sa propre incapacité à répondre de ses propres insuffisances, la gauchère finit alors par murmurer d’une voix grave :

- Peut-être n’est-ce pas le moment pour évoquer cela… Tu sais ce que tu as à faire. Tu peux disposer si tu le souhaites.

La patricienne n’avait pas donné d’ordre. Elle n’avait pas non plus prononcé cette phrase comme un conseil. La vipère n’avait fait qu’ouvrir une porte et laissé à sa servante le choix de rester et de reprendre cette conversation malgré les déceptions qu’elle avait pu engendrer, ou de partir et de mettre fin à cette discussion devenue malheureusement plus triste. Helvia n’attendait de sa suivante ni l’une ni l’autre de ces réactions. Seulement celle qui lui tiendrait le plus à cœur, comme elle lui avait appris à le faire depuis toutes ces années passées ensemble.

lumos maxima


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Jeu 4 Juin - 0:39
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Je ne m'étais jamais plainte de mon statut d'esclave, parce que cela aurait pu être pire. Il fallait se contenter de ce que l'on avait et ne pas souhaiter une autre vie, car nous risquions de la passer malheureux. Néanmoins je n'avais jamais prétendu que ma vie était facile, j'avais énormément de tâches à accomplir, mais ce n'était pas le plus dur. Travailler pour ma Domina ne me dérangeait pas, parce que finalement c'était comme rendre service à une amie et cette villa je la connaissais par cœur, me voir offrir autre chose  serait un bouleversement dans ma vie. Je connaissais ce que j'avais à faire et cela me convenait, je n'aimais pas les imprévus. Non ce que je ne comprenais pas et que je comprendrais jamais, c'était pourquoi les Romains n'autorisaient pas le mariage entre un esclave et un Romain, pas un de la fortune non, je l'entendais bien. Mais suivre les désirs de son cœur n'était-elle pas l'une des plus belles choses à faire ?

J'avais oublié que je ne pouvais rester avec Appius, tant je trouvais cette lois stupide. Cela dit, songeai-je, ceux qui se voyaient mariés pour l'argent n'étaient pas mieux lotis. Au moins je ne me mettrais pas en concubinage avec un homme je n'aimais pas. Je ne pouvais pas m'en plaindre. Cette loi donc dont faisait mention ma maîtresse m'était complètement sortie de l'esprit. L'amour rendait idiot, je ne l'avais alors, jamais expérimenté jusqu'à présent, mais c'était bien la vérité. Ma Domina semblait gênée de me montrer mon erreur, mais il n'y avait pas de quoi, après tout, ce n'était pas de sa faute, si j'avais oublié et si certaines lois étaient complètement saugrenue.

Je ne pouvais pas m'unir à Romain, parce qu'on ne mélangeait pas les chiffons avec les vêtements de soie. Je ne m'en offusquais pas, lorsqu'on était née esclave comme moi, on ne prenait plus la mouche pour ce genre d'idéaux, c'était devenu une habitude et même notre mode de vie. Alors je ne fus pas triste non, parce que je n'avais pas prévu de toute façon de me marier avec Appius, que je l'avais dit, je voulais conserver notre amitié intacte.

Alors je souris à ma Domina, un pauvre sourire peut-être, mais au moins il fut sincère.

« Ce n'est pas vous qui m'avait induite en erreur, c'est la bêtise de l'amour qui l'a fait. » Je tenais à la rassurer tout de même un peu, je n'aimais pas la savoir mal à l'aise et il était d'ailleurs assez rare de la voir dans cet état « Mais je ne voulais pas m'unir à Appius de toutes façons, il est tellement grand, j'aurais eu l'air d'un petit être minuscule à côté de lui » ajoutai-je avec un brin d'humour.

Certes cela me faisait un peu mal. Cette loi romaine n'aurait jamais dû être faite, mais c'était ainsi et je n'avais pas le choix alors il ne me servait à rien de me morfondre et puis j'avais encore du temps devant moi pour penser à ce genre de chose, sauf si bien sûr ces rumeurs sur le Fils de L'Etna étaient vraies et fondées, alors là je ne vivrais pas assez longtemps pour pouvoir penser à m'unir à quelqu'un.

Si bien sûr, tout ceci n'était que fables, alors j'aurais d'autres occasions et oui je m'unirais à quelqu'un de ma condition, mais pour le moment je ne pensais pas à ce genre de choses. Pour dire vrai, avant que ma Domina ne m'en fasse mention, je n'avais plus penser au concubinage, il faut dire que j'avais l'esprit occupé. Je hochai la tête, oui j’épouserai quelqu'un de mon rang, forcément, je ne devrais pas l'oublier... Dommage pour Appius, j'avais du mal à l'admettre mais je ressentais comme un pincement au cœur, tout d'abord parce qu'il ne ressentait pas du tout les mêmes choses que moi, cela j'en étais certaine et ensuite... cette fichue loi Romaine !

« Je vous rassure, je compte m'unir à personne pour le moment... mais si l'envie me prenait un jour, je n'hésiterai pas à vous en informer et vous en faire la demande. »

Elle m'avait un peu prise au dépourvue en me posant une telle question, le mariage ne m'avait jamais vraiment effleuré l'esprit. C'était étrange d'ailleurs, parce que ce n'était pas les beaux esclaves qui manquaient, mais je n'étais pas du genre à parler de mes sentiments et à les dévoiler comme cela. Je n'aimais certes pas l'hypocrisie, mais je n'étais pas du genre à dire brutalement ce que je pensais.

Ma Domina se sentait mal d'avoir aborder le sujet et je pouvais le comprendre. J'arborai de nouveau un sourire qui se voulait rassurant, je voulais qu'elle comprenne que je n'étais pas blessée par la situation, et qu'il n'y avait aucune raison pour qu'elle le soit. J'avais le choix, je pouvais partir et laisser la discussion en suspens, mais quitter la pièce maintenant signifiait laisser ma maîtresse mal à l'aise et cela je ne le voulais pas.

« Si ce n'est pas le moment aujourd'hui, alors ce ne le sera jamais.  » Je la regardai alors dans les yeux. « De toute façon, je ne me sens pas prête à m'engager dans ce genre d'union, c'est quelque chose qui m'effraie je l'avoue... lorsque je vois les mariages des Romains, j'ai l'impression que beaucoup ne sont pas sincères, je veux dire... ils sont peu dirigés par le cœur mais par le pouvoir et l'argent, peut-être parce qu'il est difficile de trouver véritablement un conjoint qui nous correspond on prend le premier qui vient, celui qui arrange tout le monde. »

Mais je n'étais pas une Romaine, alors peut-être allais-je trouver celui qui me correspondrait... mais ce n'était pas ce qu'il me faisait peur... ce qui m'effrayait, c'était la possibilité d'avoir des enfants et de les voir entamer une vie de servitude. Je ne me plaignais pas de mon statut d'esclave, je me considérais comme chanceuse mais quelle mère serais-je si je souhaitais cela pour la chaire de ma chaire.

« Si je m'unis à un homme, je devrais avoir des enfants... et je n'en veux pas... » Fis-je en détournant le regard

Je n'osai pas soumettre mes véritables craintes, parce que j'avais peur qu'en les énonçant à voix haute , elles se concrétisent. Mais éviter une vie de servitude à ma descendance n'était pas la seule raison qui me poussait à redouter une union, non, un enfant représenterait un trop gros travail en plus de celui que j'avais déjà à faire je ne pouvais pas me le permettre et donc devais éviter une union pour le moment.

« Je dois avouer que je n'avais jamais vraiment pensé à une telle union peut-être aura t-elle lieu un jour je ne sais pas. Il vaut mieux laisser les choses se faire. » J'inclinai légèrement la tête « Je vous remercie en tous les cas d'avoir posé la question, car c'est un sujet qui ne m'avait pas effleuré l'esprit et je suis heureuse d'avoir eut cette conversation. »


J'espérai l'avoir rassurée, il n'était pas question d'Appius puisque toutes façons je ne comptais pas m'unir à un homme dans l'immédiat et donc cela ne posait pas vraiment de problème, mes craintes et inquiétudes étaient toutes autres et je les lui avais soumises. J'avais fini de parler, j'attendais sa réaction, si je devais me retirer, je le ferais ensuite.

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