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 Always a choice [Serena]



POMPEII, TERRA DEORUM ₪ :: Ludus Naevius :: Caserne des gladiateurs
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Dim 25 Jan - 17:00
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La rumeur s'est vite propagée. Tellement vite... J'ai bien tenté de l'ignorer mais il y a tant de murmures autour de moi que je ne peux pas prétendre ne pas être au courant : le fils de l'Etna. C'est ainsi qu'il se fait appeler, celui qui a engendré un vent de révoltes. On entend parler de centaines d'hommes et de femmes, certains disent que ces rebelles se compte par milliers mais où est la vérité ? Sont-ils 2015 peut-être ? Et ce fils de l'Etna, cet homme existe-t-il réellement et si c'est le cas, que veut-il vraiment ? La liberté ? Mais dans quelles mesures exactement et à quel prix ? Je ne peux nier rêver de liberté pour moi, pour Serena et pour ma fille. Je rêve de liberté pour nous trois, je rêve d'une vie calme loin de cette ville, loin de tout ceci. Je rêve d'une nouvelle existence que les Dieux voudront bien nous accorder mais jusqu'où suis-je prêt à aller pour cela ? Pas jusqu'à la révolte non... Cette liberté à laquelle j'aspire, je ne crois pas qu'elle puisse être gagnée dans le sang et dans les larmes : il y en a trop eu déjà. Il faut absolument être lucide : nous ne gagnerons pas. L'armée de Rome est vaste, puissante et inégalable. Je le sais car j'en ai moi-même fait partie. J'ai été dans ses rangs, j'ai servi la grande Rome, j'ai servi l'empereur avec ceux qui étaient à l'époque mes frères et je sais la force de cette armée : je sais qu'elle écrasera cette rébellion. Peut-être les rebelles arriveront-ils à avancer, peut-être arriveront-ils à faire un peu trembler certains praticiens et autres autorités de Pompéi mais cela s'arrêtera là : ce fils de l'Etna ne sera jamais qu'une faible menace qui n'arrivera pas à mener cette rébellion à terme ou si, la rébellion arrivera à son terme mais c'est la main de Rome qui y mettra fin.

Le décompte de la fin de la rébellion peut déjà commencer : 10,9,8,7,6,5,4,3,2,1,0. Les rebelles ne gagneront pas. C'est voué à l'échec.

J'en suis convaincu et c'est cette certitude qui m'a poussé à ne pas me rendre à cette réunion secrète dont tant d'esclaves et gladiateurs ont parlé loin des oreilles de nos maîtres et des gardes. Une réunion secrète à laquelle certains semblaient désireux de se rendre pour en savoir plus sur ce fils de l'Etna et sur cette fameuse rébellion dont on parle. J'entends certains parler d'un simple échange de mots, d'autres parlent de partages de victuailles bien meilleures que ce qu'on nous donne au ludus comme par exemple des dindes aux marrons ou bien encore des loukoums à ne plus savoir quoi en faire. J'ai du mal à croire que les rebelles, si des rebelles ont vraiment l'intention d'être présents à cette réunion, vont ramener de la nourriture à outrance. D'ailleurs, cette réunion, va-t-elle vraiment avoir lieu ou n'est-ce qu'un moyen comme un autre de faire sortir les esclaves et mieux les punir par la suite ? Nous n'en savons rien. Personne n'en sait rien et j'aimerais pouvoir faire part de mes craintes à Serena, j'aimerais pouvoir lui dire qu'il ne faut pas qu'elle se rende à cette réunion car j'ignore ses intentions mais, au cours de la journée, je n'ai malheureusement pas l'occasion de la croiser. Quand la nuit tombe, elle ne vient pas me retrouver dans mes quartiers alors je crains le pire : elle a dû y aller. Cette nuit-là, je ne parviens pas à trouver le sommeil, trop troublé par l'absence de Serena, trop troublé par ce qui a pu être dit ou pas à cette réunion secrète si elle a bel et bien eu lieu.

Au lendemain de cette nuit pour moi chaotique, je reprends l'entraînement comme d'habitude et j'éprouve un véritable soulagement quand je vois la silhouette de Serena au balcon de la villa alors qu'elle se tient près de notre Dominus. J'essaye de capter son regard mais je suis vitre repris par notre Doctore qui m'intime de me remettre à l'entraînement. Je n'ai aucun mal à prendre les glaives et m'entraîner puisque je la sais ici, saine et sauve. L'entraînement se fait cependant un peu plus difficile qu'à l'accoutumée non pas à cause du manque de sommeil mais parce qu'on essaye de me faire adopter un nouveau style de combat qui n'est pas le mien : Dimachère. Cela s'éloigne de mon style de combat habituel mais le Dominus souhaite essayer de me voir briller dans ce style de combat-là. Pour que ma performance soit meilleure à l'entraînement, j'applique les conseils du Doctore mais je fouille également dans ma mémoire pour me rappeler Priam et ses gestes qui durant notre dernier combat ont été d'une telle précision que j'ai bien failli perdre le combat. J'ignore sincèrement si je serai un jour capable de l'égaler dans ce style de combat mais je me dois de tout faire pour y parvenir : c'est le souhait de mon maître. Lorsque la journée arrive à son terme, je suis sincèrement épuisé tant physiquement que mentalement mais j'ai beau sentir mes muscles endoloris et mon esprit quelque peu embrumé, je ne peux m'empêcher de sourire en voyant la silhouette de Serena se dessiner à l'entrée de mes quartiers. Elle est là. Elle est venue. Je me redresse sans attendre, attrape sa main et l'amène à moi pour l'enlacer avec force : elle m'a manqué. Elle m'a véritablement manqué. Je finis par me reculer et poser mes lèvres sur les siennes dans un tendre baiser avant de plonger mon regard dans le sien.

« Je suis heureux que tu sois là. J'ai craint pour ta vie la nuit dernière. Tu y es allée, n'est-ce pas ? »

La question fuse rapidement mais c'est fort incontrôlable. Je veux savoir si elle y est allée oui, je veux savoir si elle a pris ce risque et son regard me dit que je dois être dans le vrai car il me semble percevoir un voile d'inquiétude que je ne vois d'ordinaire pas.




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Dim 25 Jan - 23:23
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WHAT'S YOURS, REMUS ?


Le fils de l’Etna. Ce nom étaient sur toutes les lèvres, aussi bien des esclaves que des romains. La jeune femme entendait les murmures tous les jours et voyaient peu à peu des maîtres devenir plus méfiants. Pourtant, elle ne se considérait pas être une menace. Jusqu’ici, elle avait été plutôt bien traitée et son Dominus d’ailleurs veillait encore sur elle, respectant le voeu de sa défunte épouse. Un voeu qu’elle aurait bien aimé voir disparaître maintenant qu’elle avait Remus. Oui mais voilà, elle n’avait pas eu l’autorisation et Remus était sage. Ou essayait de l’être. La brune culpabilisait et se sentait pour la première fois réellement prisonnière de la volonté d’un romain. Jusque là, elle obéissait sans poser de questions, mais à présent elle se demandait pourquoi on la préservait quand d’autres pouvaient faire ce qu’elles voulaient... ? Eirene par exemple... Serena était persuadée que la blonde vivait tranquillement ses histoires à présent. Après tout, elle, elle pouvait aimer. Pourquoi cette différence de traitement ? Bien sûr, elle ignorait toujours la vérité et si elle acceptait de l’entendre, elle ne pourrait que compatir et remercier les dieux de l’avoir aussi bien protégée mais... Jusque quand ? Eirene était particulière. Serena avait toujours pensé que la blonde était bien plus désirable qu’elle, alors pourquoi on la protégeait autant ?

Elle vit deux esclaves murmurer dans un coin de la villa. Une attitude dangereuse qu’elle ne manqua de réprouver. Elle n’était peut-être plus aussi influente que lorsqu’elle servait la Domina mais ne voulait pas se voir punie par la faute de deux esclaves trop imprudents. « Si vous voulez parler, attendez la nuit. Le jour, vous travaillez autrement vous pourriez tous nous faire tuer. ». Elle espérait bien que ses menaces ne se réaliseraient jamais. Pourtant, elle sentait bien les tensions monter, d’un côté comme de l’autre et ne savait toujours pas comment se positionner. « Il y a une réunion, tu iras ? Le Dominus t’a donné la permission de sortir faire des courses, tu dois aller les écouter. ». Leurs regards ne lui laissèrent pas trop le choix. Elle ne voulait surtout pas être vue en train de faire des messes basses. « Bien. J’irai mais vous, soyez plus prudents. Et retournez à vos postes. ».

Sa gorge se serra. Jusqu’au dernier moment, la jeune femme hésiterait. Devait-elle prendre le risque d’y aller ? Et si jamais quelqu’un la dénonçait ? La brune partit faire les courses demandées et se fut sur le chemin du retour qu’elle bifurqua tout d’un coup et se retrouva au milieu de plein d’esclaves venus entendre la bonne parole. Oh cet homme avait su leur vendre une magnifique vision mais la liberté, ça ne représentait pas grand chose pour Serena. Elle ne pouvait envier une chose qu’elle n’avait jamais connu et pire, elle trouvait toutes ces promesses dangereuses. Combien mourraient en se battant ? Etait-ce si glorieux ? N’était-il pas aussi bien de simplement vivre à la place qu’on lui avait assigné ? Pourquoi se révolter contre des romains qui n’avaient pas le droit de tuer gratuitement un esclave ni même de les maltraiter ? Leur justice condamnait les mauvais traitements. Et les gladiateurs devaient survivre, le plus longtemps possible... Des avis en accord avec le sien s’étaient exprimés, d’autres s’y étaient opposés mais une chose était certaine : elle n’irait pas se battre avec eux. Et leur action risquait de coûter la vie de beaucoup de personnes innocentes, une chose qu’elle réprouvait.

Elle rentra à la villa et prétexta comme beaucoup un incident plausible pouvant expliquer son retard. Et à la nuit tombée, ses camarades voulurent savoir. S’apercevant qu’elle ne pourrait pas rendre visite à Remus, elle se mordit la lèvre et préféra se montrer honnête. Elle leur rapporta les paroles de ce prédicateur qui, même à distance, sembla en charmer plus d’un. Certains chuchotèrent, prêts à le suivre et d’autres se montraient hésitant. Les clans allaient se dessiner et la brune s’interrogeait : il s’agissait de ne pas trahir ceux qui voulaient suivre cette cause tout en ne souffrant pas de leur folie. Y avait-il une échappatoire pour eux ?

Elle ne ferma pas l’oeil de la nuit, comme tous les autres. La nervosité se répandait comme une trainée de poudre et l’on cherchait des alliances, l’on cherchait à connaître les allégeances de chacun. Serena ne leur cacha pas son point de vue. Opportuniste ? Peut-être. Mais elle leur assurait ne pas chercher à les empêcher de réussir leur mission. Quelque part, elle avait l’impression que même si elle se montrait fidèle à son Dominus, si jamais elle restait après l’attaque de ces rebelles, elle pourrait bien vivre un enfer. Alors... Oui, elle ne parvenait pas vraiment à savoir quoi faire. Apportant du vin sur le balcon à son maître qui recevait une énième personnalité de la ville, Serena eut juste le temps de voir Remus s’entraîner. Et il n’en menait pas large. Le Dominus annonçait vouloir créer la surprise en rendant son champion capable de combattre avec différentes méthodes. Une stratégie, selon lui, qui serait certainement payante. Elle fit mine ne pas être attentive mais là encore, tout ça la tracassait. Si Remus n’excellait pas vite et qu’il se trouvait obligé de combattre avec cette méthode... Et si on le tuait ? Il y avait toujours un risque... Elle déglutit et fila s’occuper du prochain repas.

Le reste de la journée, ses pensées furent tournées vers le soir. Mais, ne voulant pas contrarier son maître, elle lui demanda l’autorisation de rendre visite à son champion. A ses yeux, c’était sûrement une futilité mais il accepta. Il lui demanda de prendre de l’huile, les muscles de son gladiateur devant souffrir le martyr. Hochant la tête, elle ne se fit pas prier même si elle se demandait si l’élu de son coeur la laisserait faire. Il lui était difficile de conserver cette distance entre eux. Passant les grilles, Serena avança dans la cours jusqu’à la porte de la pièce où pouvait dormir le gladiateur. « Bon... », elle n’eut pas le temps de finir sa phrase parce qu’il lui attrapa la main et la tira à lui pour l’enlacer. Un peu trop fort. Elle couina, non pas de douleur, mais parce qu’elle crut bien être étouffée. Un sourire aux lèvres, elle reprit son souffle quand il la lâcha et répondit au baiser.

Un sourire qui s’effaça quand il lui posa la question. Baissant la tête, comme prise en faute, elle se mordit nerveusement la lèvre et hocha la tête. « Oui... Je... Je ne voulais pas mais j’étais la seule à pouvoir y aller sans éveiller les soupçons alors... Pardon. ». Elle s’en voulait à présent, réalisant combien il avait dû s’inquiéter pour elle. « Et puis je voulais savoir la vérité et... Et je ne suis pas vraiment convaincue. Ils parlent de liberté mais... Je ne sais pas quoi faire... Je veux dire... ». Elle ne parvenait pas vraiment à lui expliquer exactement où elle voulait en venir. « Suivras-tu le fils de l’Etna ? ».

Elle posa la jarre et sembla hésiter. « Notre Dominus m’a demandé de te masser pour te détendre après ta journée... Mais si tu ne le souhaites pas, je comprendrai... ». Oui, parce qu’il était difficile de rester distant et de mettre de côté les sentiments qui lui brûlait le coeur. Elle se montrait toujours un peu trop respectueuse avec lui, mais c’était une manière de conserver cette fine et ténue barrière, pour ne pas suivre un instinct qui lui dictait de l’aimer sans limite. Or, une limite, ils en avaient une, et pas des moindres. Et la dernière chose qu’elle voulait, c’était bien qu’il en souffre...
Dim 1 Fév - 19:50
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C'est tout simplement exquis de pouvoir la tenir dans mes bras, exquis d'être si proche d'elle, de pouvoir poser mon regard sur elle et me délecter de la beauté de son visage, de la pureté de ses traits, de la délicatesse de son regard mais qui se trouve être voilé en cette soirée. C'est un voile qui serre mon cœur, un voile qui ne me plaît pas et que je préférerais de pas voir danser dans le regard de celle qui a su réparer mon cœur et le ravir à sa cause. Le sourire de ma belle se fane et j'en suis la cause ou plus exactement, ma question posée sans préambule est la cause de la perte de son sourire et voilà qu'elle détourne le regard en baissant la tête, comme si elle était face à notre Dominus qui l'aurait pris en train de commettre une faute. Elle sait pourtant que je n'aime pas qu'elle détourne son regard de la sorte, elle sait que je n'aime pas la voir se rabaisser, même d'une façon infime. Nous sommes égaux dans cette pièce, j'aimerais tant qu'elle termine par vraiment y croire... Et voilà que la vérité tombe. Ses lèvres s'entrouvrent et les mots qui d'ordinaire sont délicats et pleins de caresses viennent me transpercer en plein cœur quand elle m'avoue s'être rendue à cette réunion, quand elle m'avoue avoir pris le risque car elle était la seule à y aller sans éveiller les soupçons. Elle a pris ce risque, elle a mis sa vie en jeu pour aller chercher les informations et pour protéger ceux du Ludus qui pouvaient être désireux d'en savoir plus sur ce fils de l'Etna. C'est à ce point que son cœur est grand, c'est à ce point qu'elle est dévouée aux autres et qu'elle est juste dans ses mots et dans ses actes et c'est également pour cela que mon cœur bat pour elle. Elle me demande pardon. Elle n'a pas à le faire.

« Tu n'as pas à me demander pardon... » je lui murmure tout bas, ne supportant pas qu'elle s'imagine devoir se justifier auprès de moi.

Les mots reprennent encore une fois forme pour Serena tandis qu'elle m'explique qu'elle était désireuse de savoir la vérité et voilà que mon amour m'avoue ne pas avoir été convaincue par ce qui a été dit à cette réunion. Je préfère autant qu'il en soit ainsi car le fils de l'Etna conduira ceux qui voudront le suivre à leur perte. Certes, ils parlent de liberté mais à quel prix ? Serena semble véritablement perdue quand finalement elle me pose une question, la question essentielle en fait : vais-je suivre ce fils de l'Etna dans sa folie ? Ma bouche s'ouvre pour donner la réponse sans attendre car la réponse je la connais et il est inutile de faire patienter Serena qui souhaite savoir vers quel chemin je souhaite me diriger mais voilà que c'est elle qui s'exprime de nouveau en m'annonçant que notre Dominus lui a demandé de me masser pour me détendre après ma journée. Elle ajoute que si je ne souhaite pas qu'elle me masse, elle le comprendra et tandis que je la couve du regard, mes mains viennent se poser avec délicatesse pour encadrer ce visage que je chéris tant.

« J'accepte bien volontiers que tes mains soient ma délivrance après cette journée qui a effectivement été très rude. »

J'ai le corps fatigué, je le sens, par cet entraînement intense qui me demande énormément d'énergie et il est clair qu'un massage ne peut me faire que du bien. Sextus est un excellent Laniste et il sait comment soulager au mieux ses gladiateurs. Qui plus est, m'offrir les mains de Serena est un geste qui me rendra heureux et cela aussi il en est conscient. Être Champion offre véritablement certains privilèges même si pour le moment, ils nous a interdit à Serena et moi de consumer véritablement le fruit de notre amour. Un ordre auquel nous pourrions aisément désobéir sans trop risquer d'être découverts mais je refuse de trahir Sextus, pas après tout ce qu'il a fait pour moi. Je dépose un tendre baiser sur le front de Serena avant d'aller m'installer à plat ventre sur ma couche et ainsi offrir mon dos à celle qui va sans nul doute calmer mes douleurs. D'ailleurs, à peine a-t-elle déposé un filet d'huile essentielle et posé ses mains sur ma peau que je me détends. Bien sûr, des pensées emplies de désir naissent à l'intérieur de mon esprit et de mon cœur mais j'ai appris à les dompter et à les repousser sans en être frustré. C'est alors que je parviens à me laisser aller à la détente que la question que m'a posé Serena me revient et à laquelle je me dois de répondre.

« Je ne lui suivrai pas. » je termine donc par souffler en regardant droit devant moi. « Je ne lui suivrai pas car je ne pense pas que notre liberté puisse être gagnée par le sang. Je pense qu'il va mener toutes ces personnes qui croient en lui à leur perte. L'armée de Rome est vaste, grande et puissante, je le sais pour avoir été un de ses soldats et peu importe combien ils sont ou qui ils sont, ils ne gagneront pas. Ils se feront écrasés et tous ceux qui seront à leurs côtés termineront sur une croix. »

Je laisse échapper un soupir.

« Je préfère gagner ta liberté, celle de ma fille et la mienne avec honneur en me battant dans l'arène plutôt que de prendre les armes, en vain. Je ne risquerai pas ma vie pour du vent, ni la tienne, ni celle de ma fille. Vous êtes trop importantes : je veux vous savoir en sécurité et ce fils de l'Etna n'apportera que désolation et douleur, je le crains. »

Je cesse alors de parler, prenant soudain conscience que Serena n'a pas dit qu'elle ne voulait pas le suivre : elle a dit qu'elle avait des doutes. Peut-être qu'elle attend de moi autre chose que cette réponse. Peut-être qu'elle souhaite me voir emprunter un autre chemin, elle à mes côtés. Je me penche légèrement sur le côté et m'appuie finalement sur mon coude pour pouvoir la regarder.

« Sauf si tu souhaites le suivre. » Je plonge mon regard déterminé dans le sien. « Si tu souhaites suivre le fils de l'Etna alors, je ferai ce qu'il faut pour arracher Flavia aux Licinii et la mettre en sécurité pour que nous puissions nous battre aux côtés de ceux qui rêvent de liberté. Ce chemin, je ne le choisirai que si tu es désireuse toi de le choisir aussi car je ne te laisserai pas combattre seule. Je veux veiller sur toi... » j'ajoute plus bas avant de venir poser ma main sur sa joue dans un geste tendre.

Je ne suis pas seul à décider. J'ai fait part à Serena du chemin que je souhaite emprunter mais la suivrai si elle souhaite arpenter une route différente de celle que j'ai choisie. Je la suivrai parce que je l'aime et que je refuse la perdre.




© charney

Dim 1 Fév - 23:47
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I AM SO SCARED...


Serena avait des réflexes profondément ancrés et Remus peinerait sûrement un moment à les lui faire oublier. Servile depuis sa naissance, son comportement avait été façonné trop longtemps pour qu’elle soit soumise aux romains. Et Remus était un romain. Même s’il était gladiateur maintenant, il était l’un d’eux et inconsciemment, elle se montrait... Toujours aussi servile. Et puis il l’impressionnait. Difficile de ne pas l’être face à un champion de sa stature. Et puis qu’il lui retourne aussi ses sentiments la surprenait toujours. Mais alors qu’il lui faisait sentir qu’il désapprouvait l’idée qu’elle se soit rendue à cette réunion secrète, qu’elle sentit tout le risque qu’elle avait pris, elle ne put que culpabiliser et baisser les yeux. Oui, elle avait désobéit et venait de faire acte de traîtrise envers leur Dominus en se rendant là bas. Même si ses mots avaient suivi ceux d’un autre gladiateur qui réprouvait également le massacre vanté par les suiveurs du fils de l’Etna. « Je le dois, parce que je t’ai causé de l’inquiétude... Je... Suis vraiment désolée. J’aurai dû t’en parler d’abord. » Mais il se serait inquiété tout autant. Fronçant les sourcils, elle se sentit quand même obligée de lui expliquer pourquoi elle avait pris ce risque et lui rapporta même les échanges qui se faisaient au nez et à la barbe de Rome. Cette armée libérée se rapprochait chaque jour de Pompéi, menaçant chacun de ses habitants. Ils étaient pris au piège, la jeune femme en était persuadée.

Plongée dans ses réflexions, son regard tomba sur la petite amphore d’huile qu’elle tenait. Oh oui. Elle avait quand même une mission à remplir. Elle offrit donc ses services au gladiateur, s’attendant à ce qu’il refuse parce que rester loin l’un de l’autre était difficile. Et que même s’il leur était facile de céder à leur tentation dans le secret, Serena n’osait pas désobéir. Il était plus facile pour Remus de suivre ses instincts, elle, elle se savait incapable de cacher de tels secrets. Frissonnant alors qu’il entourait son visage de ses mains, la brune vint quémander un baiser. Et rouvrit les yeux écarquillés. « Tu acceptes, vraiment ? » Mais... Non. Encore un autre réflexe. Même si elle avait envie de mettre en doute ses capacités de retenue, elle n’osa encore pas. On ne contredisait jamais un romain, et elle pensait que Remus pourrait très mal le prendre. Ravalant sa salive, elle hocha la tête. Si elle était un peu plus avertie, elle aurait pu s’interroger sur le sens des mots qu’il venait de prononcer par rapport à ses mains et sa délivrance mais la jeune femme ne fit là encore aucun commentaire.

Fermant les yeux sous le baiser, elle le regarda s’allonger sur le dos. Les muscles saillants de son dos et parfaitement dessinés l’hypnotisèrent. Elle déglutit et approcha lentement de lui, comme si elle essayait d’apprivoiser un fauve. Versant un peu d’huile sur sa peau, elle se mordit nerveusement la lèvre avant d’oser y poser les mains. Dominus jouait un peu avec le feu... S’amusait-il de les torturer de la sorte ? Parce que oui, aux yeux de l’esclave, c’était une torture visuelle. Elle en avait même cessé de respirer. Caressant sa peau et dénouant les nœuds qu’elle trouvait, elle savait qu’il allait avoir quelques souffrances avant de pouvoir se détendre complètement. Commençant par les épaules, elle l’entendit lui répondre. Ah oui. Elle lui avait demandé s’il comptait suivre ce fils de l’Etna. Avec cette vision enchanteresse, elle avait oublié. Il confirma son propre sentiment par rapport à toutes ces promesses : Rome était puissante et écraserait cette rébellion. Bon. Le choix était fait alors. La liberté, elle ne pouvait courir après parce qu’elle ignorait ce qu’était ce concept qui faisait envie à tous ceux qui avait pu une fois y goûter. Hochant la tête alors qu’il ne pouvait pas la voir, elle sentit ses joues rougir légèrement alors qu’elle descendait dans le bas de son dos. Respirer. S’obligeant à inspirer, elle se concentra sur ce qu’il lui disait et essayait d’oublier ce qu’elle faisait. Il confirmait chacun de ses soupçons et pourtant... Voyait-il lui aussi ce nuage sombre qui arrivait vers eux ? Ne risquaient-ils pas de payer pour ces autres qui se retourneraient contre leur maître ?

Emue alors qu’il lui expliquait vouloir les libérer une par une avec honneur, elle esquissa un sourire. La question était grave et ce fut sans vraiment s’en apercevoir qu’elle avait atteint les cuisses du gladiateur. Laissant ses cheveux cascader sur le côté pour cacher son visage alors qu’il prenait appui pour l’observer, la jeune femme essayait de cacher son trouble. « Le suivre ? ». Par réflexe, elle avait planté son regard dans le sien. Sa détermination l’inquiétait. Elle déglutit et n’était pas plus avancée. Il était facile de suivre Remus. Avec lui elle se sentait en sécurité mais elle ne savait pas quelle décision prendre. Troublée, son regard se perdit dans le vide. Sa main sur sa joue, sa tenue, ces questions... Prendre une telle responsabilité... « Remus je... Je ne sais pas. Je veux suivre le même chemin que toi. Je ne sais pas me battre alors je serai inutile dans une telle entreprise mais si nous nous rangeons du côté des romains est-ce qu’ils ne vont pas nous mener la vie dure après ? Je veux dire... On pourrait ne plus nous laisser ici ensemble, on pourrait aussi nous mettre sur des croix... alors je ne sais pas ce qui est mieux. Nous serons toujours des traîtres. ». Que ce soit pour les romains ou les esclaves, elle envisageait vraiment le pire. Etre courageuse oui mais depuis plusieurs jours elle essayait de peser les pour et les contre. Jusqu’ici, cette armée avait connu des victoires. Contrariée, elle soupira. « Tu es meilleur que moi pour décider. Si tu penses qu’il vaut mieux ne rien faire, alors je ne ferai rien. Je continuerai de servir en espérant que tu survives à l’arène... » Oui parce qu’à chaque combat, elle était morte d’inquiétude. Elle soupira et se mordit la lèvre. « Pardon, je ne veux pas te faire un reproche. Mais je m’inquiète toujours à chaque jeu... ».
Mar 17 Mar - 21:21
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Les décisions doivent être prises et c'est difficile. Cela l'est toujours, en particulier quand les vies de personnes chères pèsent dans la balance de ces décisions, de ces choix. Serena fait partie de ces personnes qui comptent, qui sont essentielles et dont je n'imagine pas me séparer. Il est donc évident pour moi que, même si j'ai des idées bien arrêtées sur cette révolte et sur ce qu'il risque d'en découdre, je veux prendre en compte l'avis de Serena, je veux qu'elle sache que sa voix compte, qu'elle n'est pas là pour me suivre. A mes yeux, elle n'est pas une esclave. Dans cette pièce, elle est une femme libre de ses gestes, libre de ses pensées, libre de ses opinions et libre de ses mots. Elle esquisse l'ombre de sourire et accélère ainsi les battements de mon cœur : son sourire est une vision dont je ne me lasse jamais et que j'aimerais pouvoir voir au quotidien sur son visage. Si seulement... Si seulement nous étions libres et là, quand cette pensée étreint mon esprit, j'ai beau être réaliste et conscient que la révolte n'aboutira à rien, il y a une partie de moi qui aimerait qu'elle réussisse, qui aimerait que les maîtres tombent tous, que les esclaves s'élèvent tous et puissent goûter enfin et définitivement la liberté. Que ne donnerais-je pas pour voir le sourire de Serena tous les jours illuminer son visage ? Que ne donnerais-je pas pour l'avoir à mes côtés, dans une maison qui serait nôtre ? Que ne donnerais-je pas pour que Flavia soit auprès de nous et que nous reformions une famille ? En, je donnerais tout pour atteindre un tel bonheur, un tel idéal mais le fait est que je suis un esclave, un gladiateur et que je n'ai malheureusement rien à donner car rien qui ne m'appartienne, pas même ma vie. Je fronce les sourcils et m'en veux intérieurement de m'être égaré l'espace d'un instant. Non, pas de liberté possible à moins de l'obtenir de la seule façon qu'il nous soit possible de l'obtenir : en la rachetant.

Comme pour faire écho à mon propre trouble qui a réussi à m'étreindre durant quelques instants, je vois le regard de Serena se voiler tandis qu'elle plonge ses prunelles dans les miennes avant que finalement son regard n'aille se perdre dans le vide. Je penche légèrement la tête sur le côté tout en l'observant, attendant qu'elle ne trouve les réponses. Quand finalement sa voix s'élève, c'est pour me dire qu'elle ne sait pas, qu'elle veut suivre le même chemin que moi mais qu'elle ne sait pas. Alors que ses mots me parviennent, je réfléchis à ce qu'elle dit, je réfléchis à la possibilité qu'on pourrait nous faire payer la révolte même si nous nous rangeons du côté des romains... Par tous les Dieux, je ne peux nier que la façon dont Serena s'exprime ne me fait aucun mal. Je suis romain. Je l'ai toujours été et le serai toujours, que je sois esclave n'y change rien, pas dans mon cœur en tout cas. C'est une différence contre laquelle je ne peux et ne veux rien faire. Une trop grande différence ? Non, je ne crois pas, car Serena m'aime comme je l'aime. « Nous serons toujours des traîtres. » ajoute-t-elle est nouveau froncement de sourcils pour ma part : serons-nous toujours des traîtres quoi que nous fassions ? Je ne parviens pas à être d'accord avec cette affirmation. Je crois en notre Dominas : Sextus, même s'il a des défauts, m'a toujours respecté et il a toujours respecté Serena, la preuve en est qu'elle est toujours pure et préservée. Il aurait pu accepter qu'elle partage ma couche et il n'en est rien. Certes, il respecte la les volontés de notre défunte Domina mais malgré tout, j'ai confiance en lui. A tort ? Je ne crois pas non. Un soupir de la part de Serena m'éloigne de mes pensées et Serena ajoute enfin que je suis meilleur qu'elle pour décider, une affirmation avec laquelle je ne suis pas d'accord si bien que je secoue doucement la tête de droite à gauche. Je me fige cependant quand elle mentionne l'arène et le fait qu'elle espère que je vais y survrire, et après s'être mordue la lèvre, Serena s'excuse car elle ne souhaite pas me reprocher quoi que ce soit mais le fait est qu'elle s'inquiète toujours à chaque jeu. A mon tour de soupirer et finalement, voilà que je quitte ma position sur le ventre pour me retourner et m'asseoir sur ma couche avant de faire face à Serena. Mes mains viennent serrer les siennes juste avant que je ne les porte à mes lèvres pour les embrasser. C'est ensuite un sourire que je veux rassurer qui naît sur mes lèvres.

« Je survivrai à l'arène Serena. Pour toi et Flavia, je survivrai. Si certains se battent juste pour la gloire, moi je me bats pour bien plus que cela est c'est une force. Il faut que tu aies confiance en moi : je ne mourrai pas sur le sable. »

Suis-je trop présomptueux ? Ai-je bien trop confiance en moi ? Je ne pense pas être homme à me vanter et à imaginer être plus fort que je ne le suis mais je me connais. Je me souviens le combat contre Priam, la façon dont j'ai frôlé la mort puis ce regain qui m'a été apporté par ce que ressens pour Flavia et aujourd'hui, à cet amour paternel s'est ajouté l'amour pour une femme, pour la femme alors oui, je pense être plus fort, assez fort pour déjouer la mort au moins jusqu'à ce que je réunisse assez d'argent pour nous acheter à nous trois notre liberté, ou au moins à Serena et Flavia. Après tout, elles peuvent s'en sortir et je peux toujours les rejoindre ensuite si je n'ai pas d'autre solution. Je sais que cela risque de prendre encore du temps mais j'ai confiance, tout comme j'ai confiance en Sextus et les mots de Serena me reviennent en tête.

« Il faut avoir confiance en Sextus. » j'ajoute à voix plus basse. « Nous ne sommes que des esclaves, c'est vrai mais il a toujours été juste avec nous et si nous lui montrons notre fidélité, je crois plutôt qu'il nous récompensera. Si nous ne le trahissons pas, il n'aura aucune raison de nous mettre sur une croix. » Un silence. « Il respecte encore aujourd'hui les volontés de notre Domina, ce n'est pas pour te sacrifier ensuite alors que tu te seras montrée loyale. »

Je glisse de nouveau ma main sur la joue de Serena et j'approche mon visage du sien pour finalement venir poser mon front contre le sien en esquissant de nouveau un sourire.

« Je le protégerai et je te protégerai contre ces rebelles. » C'est en tout cas ce que je souhaite faire mais... « Sauf si tu souhaites que l'on s'allie à eux. Tu dis que je suis le meilleur pour décider mais ce n'est pas vrai. » j'ajoute au cas où elle aurait dans l'idée de m'interrompre tout de suite. Il est important que tout soit dit. « C'est vrai, tu ne sais pas te battre mais tu peux apprendre, rien n'est impossible. Moi, j'ai confiance en notre Dominas mais si tu as trop peur, on peut partir. Je t'apprendrai à te battre mais, il faut bien réfléchir parce que je ne crois pas que cette rébellion puisse vaincre et lorsqu'elle sera vaincue, si nous sommes toujours en vie, il nous faudra fuir et même tout faire pour quitter le pays car nous ne serons à l'abri nulle part ici. J'imagine qu'il faudrait pouvoir passer les Alpes... » Voilà que je réfléchis à voix haute. « Au-delà, nous pourrions être libres, nous ne serions plus sous le joug de Rome... » A m'écouter on pourrait presque croire que c'est possible. « Si on survit. » je termine par dire.

Je veux que l'on prenne cette décision ensemble, elle l'a sans doute bien compris mais moi, je veux qu'elle réalise bien l'étendue des risques qui vont être les nôtres si nous prenons la décision de nous rebeller. Il n'y aura pas de retour possible et il est essentiel qu'elle en soit consciente.




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Sam 21 Mar - 10:40
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WE SHOULD STAY HERE. LET’S STAY HERE.


Plus la conversation avançait, et plus Serena doutait. Que faire ? Quelle voie choisir ? Il y avait tant de possibilités, de crainte, de risques et de bénéfices en jeu qu’elle ne savait pas quoi faire. Après avoir annoncé à la réunion qu’elle préférait ne pas se mêler à cette entreprise qu’elle jugeait hasardeuse et dangereuse, elle devait pourtant bien reconnaître qu’une chance de vivre avec Remus comme ils l’entendaient résonnait comme l’appel des sirènes. Oui mais justement, les sirènes n’avaient absolument rien d’un bon présage. Ne troublaient-elles pas les hommes pour précipiter leurs navires au fond des océans, se nourrir de leur chair ? Ces femmes aux ailes d’oiseau n’étaient que la mort. Peut-être comme cette révolte. Et si jamais ils restaient ici, peut-être que leur Dominus se souviendrait de leur loyauté et saurait bien les libérer ? Remus pouvait-il vraiment racheter leur liberté ? Il voulait la sortir avec Flavia mais comment feraient-elles hors des murs ? Oui, tout lui paraissait tellement hasardeux et source de déception qu’elle se retranchait derrière un avis. Aux yeux de certains, c’était peut-être de la lâcheté mais elle avait bien su lire entre les lignes : on ne leur amenait que le sang, pillage, et toutes les atrocités que la guerre engendrait toujours. Pourquoi suivre le chaos ? Même les dieux le craignaient ! Jusqu’ici elle n’avait pas eu des conditions de vie affreuses et se contentait bien de ce qu’on lui donnait. Elle pouvait continuer. Non, elle ne pouvait prendre aucune décision et préférait s’en remettre à l’homme qui gouvernait son coeur et dont le jugement ne pourrait être que bien meilleur. S’il avait survécu jusqu’ici, c’était bien parce qu’il savait prendre les bonnes décisions au bon moment dans l’arène, n’est-ce pas ? Et puis les femmes n’avaient pas vraiment leur mot à dire. Elles n’étaient là que pour prolonger la ligné d’un être d’exception. Bien sûr, la brune ne pensait pas de cette manière consciemment, mais le poids de la culture et de la société lui avaient enseigné sa place. Hésitant un long moment à exprimer ses tourments, elle l’affronta finalement. Elle savait qu’il était un romain et craignait certainement qu’il puisse d’une certaine manière vouloir simplement retrouver sa liberté et reprendre une vie de romain. Et puis, il y avait la question de la survie. Remus était un champion, mais il fallait rester dans le coeur de la foule et cette dernière pouvait réclamer le sang à n’importe quel moment.
L’homme qui était allongé et qu’elle massait soupira. Un frisson la parcourut et son coeur manqua un battement. Allait-il se fâcher ? Aurait-elle dû taire ses mots ? Reculant instinctivement d’un pas, la jeune femme baissa encore les yeux. Un réflexe. Toujours ce fichu réflexe que la gladiateur voulait la voir oublier mais on ne pouvait effacer des années de servitude en quelques semaines. Elle se prit même à craindre qu’il ne la frappe. Le nez vers le sol, elle sursauta malgré elle quand il prit ses mains. Le baiser lui fit un drôle d’effet qu’elle ne comprit pas très bien sur le moment. Levant légèrement la tête, elle découvrit un sourire sur les lèvres de Remus. Un instant craintive, elle se sentit soudain rassurée, exactement le sentiment qu’il voulait lui transmettre. « Pardon. Je ne veux pas te donner l’impression que je n’ai pas confiance en toi mais nous ignorons quelle destinée les dieux t’ont accordé... ». Fatalité. Encore. Toujours cette fatalité. « Je sais que tu as plus de force que les autres, le coeur d’un lion. » Mais oui, il avait peut-être un peu trop confiance en lui. Un défaut que partageaient la plupart des gladiateurs. Il n’y avait pas besoin de se vanter pour se penser au dessus des autres. Sa motivation n’était peut-être pas la gloire mais son assurance restait troublante. Il s’accrochait à ses espoirs, ses rêves. La notion de bien et de mal n’existait pas, il était juste comme les autres.

Plongée dans ses réflexions, elle ne le quittait plus des yeux. Les mots qu’il murmura la laissèrent un peu sceptique. Sextus n’était pas généreux gratuitement, il attendait plus d’or de son champion. « Je ne sais pas. La colère et la vengeance peuvent aveugler un homme et le pousser à se retourner contre ceux qui lui sont fidèles. Si ce n’est pas lui, un autre pourrait. Nos conditions de vie seront différentes. Tu es romain, tu sais bien qu’ils vont nous surveiller et nous remettre les chaînes même si nous sommes rester. Ce qu’ils s’apprêtent à faire changera notre image : de serviteurs nous deviendrons des menaces potentielles. Un ennemi potentiel... » Et Rome traitait ses ennemis de la même manière. « Peut-être vont-ils tous nous vendre au quatre coins de l’empire pour nous séparer et empêcher qu’une telle chose se reproduise. ». C’était qu’elle avait eu le temps d’envisager mille et une issue à cette révolte. « Je ne veux pas être séparée de toi, Remus ! ». Un cri du coeur. Mais c’était certainement la peur la plus terrible qui hantait son être jour et nuit. Ah ! Quel malheur que d’aimer un gladiateur ou un soldat ! On les voyait partir mais rien n’assurait leur retour. Fermant les yeux sous la caresse, elle rouvrit les yeux une fois leurs fronts réunis.

Le plan était clair : rester fidèle. Bien. Le fixant, acceptant l’idée, voilà que la jeune femme se retrouve devant ce même mur d’interrogation. Il voulait vraiment lui donner le choix. Ouvrant la bouche pour le contredire, il lui coupa la parole pour lui expliquer qu’il pouvait lui apprendre à se battre. Il a un plan. « Si tu penses leur entreprise vouée à l’échec, alors restons ici. ». Elle ne revint pas volontairement sur cette histoire d’apprentissage : il fallait dire que même si elle était honorée que le champion de Pompéi veuille lui apprendre, de l’autre, elle préférait ne pas avoir face à elle cet homme là. Soit il serait trop doux, soit il lui montrerait le guerrier. « Restons ici. Laissons ceux qui veulent partir le faire, laissons les prendre quelques petites choses. Je m’assurerai de protéger ses biens les plus précieux pour qu’il ne soit pas infortuné après cette tempête. Et je les laisserai prendre la nourriture qu’ils veulent. Ne nous érigeons pas en ennemi, indiquons leur seulement qu’ils peuvent partir, que nous les aiderons en ne trahissant rien de leur projet à notre Dominus mais qu’ils doivent le faire en respectant notre choix comme nous respectons le leur. ». Au fond, elle avait surtout peur des autres. L’homme qui l’avait traitée de catin à la réunion représentait tout ce qu’elle craignait.



Sam 4 Avr - 15:50
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Ses craintes, je les entends, je les comprends et elles sont quelque peu miennes également. Lorsque l'on y réfléchit, nous sommes en réalité dans une position très, très délicate. Nous allier aux rebelles ? C'est essayer de gagner notre liberté en tournant le dos à notre Dominas. Rester fidèle à notre Dominas ? C'est choisir de gagner notre liberté de façon plus noble en tournant le dos à nos frères esclaves. Finalement, ce choix qui s'offre à nous est quoi qu'il advienne compliqué car peu importe notre décision, nous risquons notre vie, c'est chose certaine. Nous sommes coincés. J'en viens intérieurement à maudire ce fils de l'Etna et tout ces rebelles qui vont tout remettre en cause, y compris nos existences. Les choses se mettaient doucement mais tranquillement en place et par leur arrivée, ils risquent bien de tout remettre en question, peut-être même me refaire partir de zéro. Qu'importe, je n'abandonnerai pas. Pour Serena, pour Flavia, je ferai tout ce qu'il faut pour qu'elles soient libres un jour, même si cela doit être sans moi, même si je dois y laisser ma propre vie. C'est un détail dont je ne parle pas à Serena, volontairement. Elle craint déjà assez pour ma vie, hors de question de lui faire savoir que justement je suis prêt à la donner pour elle et ma fille. Quant à une séparation probable... Non, je n'y crois pas. Elle a beau craindre les représailles malgré notre fidélité, je sais que Sextus ne se séparera pas de moi : je lui rapporte trop d'argent. Il ne s'agit pas là de présomption de ma part mais bien d'affirmation : je suis le Champion de Pompéi, et même si mes frères et sœurs lui rapportent également de l'argent, il n'en reste pas moins vrai que je suis celui qui remplit le plus les bourses de notre maître. Alors non, il ne me revendra pas. Et revendre Serena ? Alors que jusqu'à présent il l'a protégée, même de moi, en mémoire de notre défunte Domina ? Je n'y crois pas non plus. Même si la partie est loin d'être gagnée, ce dont je suis conscient, même si nos conditions de vie risquent de se durcir, nous ne serons pas séparés. Finalement, nous sommes les deux qui avons le plus de chances de s'en tirer à bon compte et si je me trompe, que les Dieux nous viennent en aide.

Et voilà que Serena termine par abonder dans mon sens et par me dire qu'elle accepte de rester ici, de suivre mon plan, si tant est que l'on puisse appeler ça un plan. Bien, au moins nous avons réussi à nous mettre d'accord. Cependant, je termine par froncer les sourcils quand j'entends Serena me dire que nous allons laisser partir ceux qui le souhaitent et les laisser prendre ce qu'ils souhaitent prendre. Elle ajoute qu'il ne faut pas que nous nous érigions en ennemi, qu'il faut les aider sans pour autant les trahir auprès de notre Dominas. Je détourne le regard en serrant la mâchoire quand elle ajoute qu'il faut respecter leur choix comme ils doivent respecter le nôtre. Je reste un instant sans bouger puis me redresse complètement et fait quelques pas au milieu de ma chambre, silencieux, soucieux. Respecter leur choix comme ils doivent respecter le nôtre ? Cela sonne terriblement faux à mon oreille. Je ne parviens pas à y croire, à m'imaginer que cela va être possible. Si certains sont capables de faire preuve d'intelligence, je ne doute pas que d'autres risquent d'adopter le comportement digne de quelqu'un doté d'une simple cervelle d'huître et ne pas trop réfléchir par eux-mêmes et à ce moment-là, que va-t-il se passer ? Taire le projet des esclaves tout en taisant notre propre projet, n'est-ce pas là prendre des risques supplémentaires ? A jouer sur les deux tableaux, que va-t-il advenir de nous ?

« Dans la mare des mensonges, il ne nage que des poissons morts... » je termine par dire tout bas tandis que ces mots prononcés par un jour par un étranger me reviennent en tête. Je me retourne vers Serena. « Nous allons, à partir d'aujourd'hui, marcher sur un fil terriblement fin et je crains que nous n'ayons pas autant d'options que tu sembles le penser Serena. » j'ajoute avant de soupirer.

Je préférerais tant ne pas avoir cette conversation, je préférerais tant ne pas être celui qui dit tout cela mais quel autre choix ai-je ? Si je ne la mets pas face à la réalité, qui va le faire ?

« Il saura. Sextus. Il saura si nous les laissons faire. »

Je plonge mon regard dans celui de Serena et je sais que la douceur a sans aucun doute déserté mes traits à présent mais je n'ai plus de place pour la douceur pour le moment : il faut faire face, il faut être dur.

« Il le saura, sois en certaine et à ce moment-là, oui, nous risquerons davantage. Si nous choisissons d'être fidèle à Sextus il va falloir l'être complètement. Autrement dit, on ne pourra venir en aide à personne et... Serena, je ne pourrai pas les laisser faire. Pas en étant le Champion... Je ne pourrai pas rester les bras croisés même si je préférerais pouvoir... »

Je détourne le regard puis me mue de nouveau dans le silence, me voyant déjà brandir le glaive pour empêcher gladiateurs et esclaves de franchir les grilles. Mes entrailles se nouent à cette pensée mais a-t-on une autre façon de procéder sans pour autant nous mettre en danger ? Respecter leur choix pour qu'ils respectent le nôtre... Mes yeux s'agrandissent soudain et je les reportent sur Serena.

« Y crois-tu vraiment ? Qu'ils pourraient comprendre notre choix ? Parce que si tu crois qu'il leur est possible de le comprendre, peut-être pouvons-nous organiser quelque chose, une sorte de mascarade qui pourrait tromper Sextus pour lui faire croire que nous avons tout fait pour les empêcher de partir... Cela... Impliquerait que je sois blessé Serena mais je ne vois pas d'autre solution, si nous voulons rester sans faire de mal à ceux qui souhaitent partir... C'est dangereux, très dangereux mais si je suis blessé assez gravement Sextus pourra y croire... » Un silence. Mon cœur se met à cogner contre mes tempes. « Il te faudra être blessée aussi Serena... » j'ajoute la voix serrée car l'idée me rend fou mais si cela peut nous sauver... Que représente une blessure face à nos vies sauvées ?






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Lun 6 Avr - 10:50
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DO YOU REALLY CONSIDER TO HURT ME ?!?


Depuis les premières rumeurs concernant la venue du fils de l’Etna, l’esclave envisageait toutes les solutions. Elle pesait le pour et le contre pour finalement se rendre compte que, quoiqu’elle fasse, elle n’empêcherait pas ce chaos et puis surtout, elle se sentait démunie. Prise au piège. Alors, elle se tournait vers la personne qu’elle pensait plus capable qu’elle, plus habituée à prendre des décisions désespérées. Et la situation était à ses yeux vraiment vitale : la réunion l’avait conforté dans son idée que beaucoup ne cherchaient qu’à verser le sang. Naïvement, elle espérait pouvoir faire un consensus. Si seulement ceux qui voulaient partir pouvaient le faire sans tuer ou piller... S’ils pouvaient prendre juste de quoi se nourrir ou se vêtir là dehors sans marcher dans une rivière de sang. Comment gérer une telle situation ? Depuis toujours, elle en avait saisi les enjeux et avait déjà commencé à rassembler des objets de valeur, des choses qu’elle savait importantes pour leur maître. Beaucoup de romains seraient sans doute sans le sou une fois cette armée ennemie dans les murs de la ville. Ils les pensaient amis, ces esclaves libérés, mais ils avaient été plus clairs : l’or les intéressait. En quoi valaient-ils mieux que n’importe quel autre barbare ?

Et quelle vie avec eux ? Leurs lois étaient-elles vraiment meilleures ? S’ils se pensaient libres, cela ne permettait-il pas à n’importe qui de revendiquer ce qu’il voulait au nom de sa liberté ? Et comment être certaine de survivre à l’armée romaine ? Rome triomphait toujours sur ses ennemis même si cela prenait plusieurs longues années. Jusqu’ici, l’éternelle cité avait toujours su maîtriser son empire, que ce soit sous les ordres d’un seul homme ou des sénateurs.  La tempête s’annonçait et il n’y avait plus aucun moyen de l’éviter. Ignorant que Remus était prêt à mourir pour qu’elle puisse être libre, la brune n’envisageait rien. Il lui en avait parlé mais tout ça n’était qu’un concept pour elle. Elle comprenait son désir de retrouver sa fille et elle lui souhaitait ce bonheur. Mais elle, elle n’aspirait aucunement à cette liberté, surtout sans lui. Tant d’inconnues dans cette équation qu’elle ne pouvait résoudre... Tant de possibilités. Peut-être que Sextus mettrait fin à ses jours, la pensant être une traîtresse ? Peut-être qu’ils seraient tous torturés et tués... Ou bien, ils éparpilleraient tous les esclaves dans tous l’empire pour s’assurer que plus aucune alliance ne puisse survivre à ces jours sombres. Alors... La fuite n’était-elle pas une option finalement ? Remus sut lui rappeler ces raisons qu’elle avait elle-même évoquées et par la convaincre que rester était finalement la meilleure idée. Il devait vraiment penser qu’elle avait une cervelle d’huître à changer aussi souvent d’avis... Osant lui confier ce qu’elle avait pu négocier, elle baissa les yeux alors qu’il lui fit clairement comprendre qu’elle avait sûrement fait une bêtise. Serena culpabilisait. Voilà. Elle avait voulu faire quelque chose et au final, celui dont le regard et l’avis comptait plus que tous les autres lui reprochait ces mensonges. « Pardon. », répondit-elle la voix tremblante avant de détourner la tête vers le mur. Il avait parlé bas mais elle avait pu entendre. « Je... Je pensais bien faire. »

Battant en retraite, elle avait commencé à reculer, gardant toujours la tête baissée. Les dieux devaient la trouver bien vaniteuse d’avoir pu croire un instant que sa « ruse » serait restée dans l’ombre. Un frisson lui parcourut l’échine quand Remus énonça les mots qu’elle craignait depuis le début de toute cette affaire. L’attitude du gladiateur se durcissait et instinctivement ou par habitude, elle agissait comme s’il était son maître. Ne venir en aide à personne... Les empêcher de partir... Il lui demandait de trahir ceux qui rêvaient de liberté ? Sa gorge se serra alors que les mots continuaient de heurter ses oreilles, vague après vague. Champion... Son statut comptait donc plus que laisser les uns et les autres avoir leurs intérêts satisfaits ? Malgré son désaccord, elle ne réagit pas. Pas encore. Bien sûr, entendre tout ça la contrariait grandement mais on lui avait inculqué certains principes depuis longtemps et Remus avant d’être gladiateur était un...Romain. Elle le considérait toujours supérieur à elle.

Du coin de l’oeil, elle le vit tourner le dos. Son coeur battait si vite...La peur, la colère... Tout se mélangeait et elle ne savait plus très bien comment réagir. Une part d’elle voulait lui hurler au visage qu’il se trompait et l’autre voulait juste se terrer dans un coin et attendre que l’orage passe. Parce qu’il n’y avait plus d’issue.

Seul le silence répondit au gladiateur. Elle n’avait plus prononcé un mot. Oh il lui reprocherait encore de ne plus énoncer à haute voix ses pensées mais manifestement elle n’était pas assez intelligente pour prendre des décisions, la preuve, il le lui faisait bien comprendre... Hésitante, figée dans une attente qui lui semblait sans fin, il lui posa une question. Y croire ? « Ceux de la maison savent ma position et me font suffisamment confiance pour que je leur accorde la mienne... » Mais mettrait-elle sa main à couper qu’aucun ne se retournerait contre elle ? Non. Bien sûr que non. Elle ne pourrait jamais leur faire totalement confiance et c’était pour cela qu’elle avait prévu de voir Antiope aussi. Et surtout, de ne pas faire appel à Remus, justement pour ne pas faire face à celui qu’elle percevait présentement. Plongée dans ses réflexions, retenant aussi ses larmes pour ne pas se montrer faible devant lui, elle restait silencieuse jusqu’à ce qu’il n’évoqua des idées qui aurait pu lui faire croire qu’il venait d’être frappé par la folie. « Assez gravement ? », répéta-t-elle d’une voix étonnée et inquiète. Il voulait vraiment en arriver là ? Un nouveau silence s’installa jusqu’à ce qu’il n’assena une absurdité. Ses yeux s’écarquillèrent. Bouche bée, la jeune femme le fixa avec horreur. « Etre... ». Non. Elle secoua vigoureusement la tête. Cette fois elle n’était pas d’accord et elle prit le courage de le lui faire savoir. « Remus, est-ce que tu serai prêt à me blesser juste pour convaincre notre Dominus que nous sommes à ses côtés ? Le protéger ne suffirait-il pas ? » Ebranlée, elle porta sur lui un regard qu’elle n’avait jamais eu : la consternation se mêlait à l’horreur. « Et à presque te tuer ? ». Il était fou ! D’ailleurs, sa confiance en lui s’affaiblissait également parce qu’elle continua de reculer jusqu’à la porte. Prête à fuir au moindre geste suspect.
Lun 6 Avr - 11:47
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Je réalise à quel point cette idée est folle, à quel c'est nous pousser dans nos retranchements les plus extrêmes mais quel autre choix avons-nous ? Nous sommes tout simplement dans une impasse : choisir d'aider les rebelles c'est choisir de prendre le risque que Sextus ne s'aperçoive de cette trahison et, si nous faisons cela, autant choisir de suivre complètement les rebelles ? Se mettre en danger pour laisser les autres trahir Sextus et s'enfuir c'est comme le faire nous-même. Or, je ne le souhaite pas. Je ne veux pas prendre part à cette révolte. Je ne veux pas avoir ce sang-là sur les mains : j'en ai déjà bien assez. Alors, puisque je ne peux pas rester les bras croisés mais que je ne veux pas réellement faire du mal à ceux qui voudraient pouvoir être libres car c'est là leur choix, imaginer mettre en place cette supercherie me paraît effectivement le seul et unique moyen de préserver leurs vies et les nôtres. C'est la seule façon de nous préserver, quand bien même cela veut dire que nous allons devoir être blessés pour que cela soit plausible et que Sextus parvienne à y croire. Cependant, pour que ce plan puisse véritablement voir le jour et être mis en place, il va nous falloir être de concert avec les autres esclaves, il va falloir leur faire confiance et si je sais que certains de mes frères et sœurs peuvent être dans mon cercle de confiance, j'ignore ce qu'il peut en être des autres esclaves, de ceux que Serena fréquente elle au quotidien. C'est pour cela qu'elle est la mieux placée pour répondre à mes interrogations, la mieux placée pour me dire si oui ou non, il nous est possible d'envisager ce plan afin d'épargner le plus de vies de possibles, y compris les nôtres. Malheureusement, je n'obtiens aucune réponse de sa part. Serena reste silencieuse, muette, elle se contente de m'observer avec un air qui, au fil de secondes, se met à me déranger. Pourquoi me regarde-t-elle avec des yeux pareils ? Et quand s'est-elle éloignée de moi car, maintenant que je l'observe avec plus d'insistance, je remarque qu'elle a mis une certaine distance entre nous. Je fronce les sourcils et c'est à ce moment-là que Serena reprend la parole pour m'avouer que les autres esclaves connaissent sa position et qu'ils se font suffisamment confiance mutuellement. Cela est une excellente chose alors je hoche la tête en détournant le regard quelques instants.

Bien. Si nous pouvons nous faire confiance mutuellement, le plan va pouvoir être exécuté même s'il va nous falloir nous y préparer avec une extrême prudence.

« Assez gravement ? »

Je relève mon regard vers Serena dont l'inquiétude est perceptible dans la voix. Je soupire en la voyant écarquiller les yeux avec horreur : je sais la folie de mes mots, je sais que c'est aller très loin mais encore une fois, si je propose cela, c'est parce que je ne vois aucune autre alternative pour nous. Il n'en est cependant pas la même chose de Serena qui se met à secouer vigoureusement la tête de droite à gauche. Non. Elle ne veut pas. La question arrive rapidement ensuite : si je suis prêt à la blesser pour convaincre Sextus de notre fidélité ? Si je suis prêt à mourir pour cela ? La réponse est tellement évidente pour moi que ma bouche s'ouvre pour le dire à Serena mais je me fige dans mon geste, laissant les mots là où ils sont en la voyant reculer vers la porte tandis que son regard se voile d'une terreur que je ne saisis pas, en tout cas pas sur le moment.

« Qu'est-ce... » un murmure.

Mes traits se crispent, mon corps entier se tend tant je suis blessé au moment où je réalise que Serena a peur de moi. Elle a...

« Tu me crains ?... » je lui demande tout bas, d'une voix qui vibre non pas de colère mais de douleur. « Moi ?... » j'ajoute avant de détourner le regard.

Mes yeux deviennent soudain brûlant et je secoue doucement la tête avant de venir m'asseoir sur ma couche. La réaction de Serena me choque tout autant qu'elle me fait mal. N'a-t-elle pas compris ce qu'elle représente pour moi ? N'a-t-elle pas compris que tout ce que je veux faire, je veux le faire parce que je souhaite qu'elle survive et que je ne supporterais pas de la perdre ? Non, apparemment, elle ne l'a pas compris. Apparemment, elle ne voit en moi qu'un homme capable de lui faire du mal. Je finis par fermer les yeux mais même les yeux fermés, je ne vois que son visage, que l'horreur sur ses traits, que la terreur dans son regard.

« J'aurais voulu que jamais tu ne poses un tel regard sur moi Serena... »

Car cela va ma hanter très, très longtemps, cela ne fait aucun doute. Je rouvre les yeux et, au prix d'un certain effort, je les reporte sur Serena. Elle m'apparaît plus trouble en raison de larmes naissantes qui viennent me brouiller la vue et c'est mieux : moins je perçois sa terreur, mieux c'est.

« C'est toi qui a su redonner la vie à mon cœur mort et brisé. Je t'aime plus que de raison Serena et c'est pour ça que je suis prêt à tout pour te garder en vie. Ta mort serait la mienne. » je termine par lui dire la voix tremblante. « Te blesser ? J'y suis prêt même si rien que la pensée me rend fou mais oui, j'y suis prêt si cela peut te sauver la vie. Quant à mourir... Je serais prêt à donner ma vie pour toi oui. »

Mon regard voilé se détourne d'elle pour aller se perdre dans le vide.

« Et toi, tu crois que je pourrais, là, maintenant lever la main sur toi... »

C'est un fait. Parce que je suis prêt à la blesser pour lui sauver la vie, elle me prend pour un homme capable de me montrer violent envers elle.

« Je n'ai jamais... »

Mais ma phrase ne trouve aucune fin. A quoi bon ? Ce que je pourrais dire ne changerait rien : Serena pense ce qu'elle pense, elle croit ce qu'elle croit, voit ce qu'elle voit et rien de ce que je pourrais lui dire ne pourrait la faire changer d'avis, n'est-ce pas ? Je ne suis jamais qu'un Romain après tout, je ne vaux pas mieux que les autres... Voilà ce qu'elle pense. Voilà ce que la femme que j'aime pense.

« Peut-être devrais-tu t'en aller... » je termine par murmurer avant de baisser la tête.

Je n'ai pas la force de faire face à cela. Gladiateur ou pas, Champion ou pas, ça non, je n'ai pas le courage d'y faire face : c'est bien trop douloureux.






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Lun 6 Avr - 14:06
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IT'S MADNESS!


La confiance était une chose que l’on ne pouvait s’empêcher d’accorder à ces personnes qui nous semblaient sincères, à ces amis que l’on pensait avoir et à qui l’on confiait tout. Serena avait deux très bonnes amies : Eirene mais elle ne lui parlait plus depuis qu’elle avait eu l’impression que la blonde avait trahi ses beaux discours. Et Antiope. Mais la gladiatrice pouvait mourir du jour au lendemain dans l’arène. Des amitiés qui lui paraissaient éphémères et son expérience avec la blonde l’avait convaincu que tout le monde ne pouvait se montrer aussi honnête qu’elle. Les esclaves de la maison l’avait poussé contre sa volonté à se rendre à cette fichue réunion. Tout reposait sur la confiance : cet être infâme et fou qui s’en prenait à tous ceux qui questionnaient les intentions du fils de l’Etna pourrait bien aller trouver Sextus. Lui, ou un autre qui n’aurait prononcé aucun mot mais qui saurait désigner tous les esclaves de l’assemblée. Même si elle avait émis des objections, si Sextus l’apprenait, ne penserait-il pas que sa seule présence était un motif de trahison ? Elle regrettait de n’avoir pas su mieux résister aux complaintes des siens. En rentrant, ils avaient tous tournoyé autour d’elle, essayant de glaner chaque petit morceau d’informations qu’elle eut pu leur rapporter. Et elle, encore trop généreuse, n’avait absolument rien caché, ni tenté d’influencer leur jugement. Elle leur avait rapporter les choses telles qu’elles étaient dites, telles qu’elles s’étaient passées, laissant à chacun le soin de faire ses propres choix. N’était-ce pas là encore un motif de trahison ? Perdue. Elle se sentait perdue et surtout elle avait l’impression de se noyer. Plus elle tentait de se débattre pour s’en sortir et plus elle avait l’impression d’étouffer. Ne comprenant pas les intentions de Remus aussi clairement qu’il le voudrait, elle retenait simplement sa méfiance. Ceux de la maison... Elle savait à peu près ceux qui voulaient absolument partir. Le reste hésitait, comme elle. Mais tous travaillaient pour aider ceux qui voulaient tenter leur chance en attendant l’heure du jugement. Elle restait tout de même lucide : les choses pouvaient très bien déraper. S’il fallait se battre, les fuyards n’hésiteraient pas. Et leur colère, nourrie par leur soif de sang ne ferait que se mêler dans une danse macabre où les anciens amis seraient traités comme des ennemis. Sa réponse sembla convenir au gladiateur qui ne fit que hocher la tête. La chose lui sembla régler. Avant qu’il ne parte dans ce qu’elle considérait être un délire. Pourtant, il n’y avait de vin autour d’eux. Comment Bacchus avait-il pu lui troubler à ce point l’esprit ?

Parce qu’il fallait être fou pour envisager de se blesser consciemment, de jouer avec la mort en espérant qu’elle ne nous prenne pas tout de suite. C’était jouer avec le destin. Non. Elle n’était pas comme lui, elle n’était pas habituée à frôler la mort aussi souvent que lui. Si lui s’en sortait, elle, elle était persuadée qu’elle signerait simplement pour son trépas. Mais ce qui la dérangeait vraiment c’était de voir l’homme qu’elle aimait être prêt à lui faire du mal pour assurer un semblant d’avenir meilleur. C’était de la folie ! Aucun homme sain d’esprit ne ferait une chose pareille mais quand leur regard se croisèrent, elle sut. Il le pensait vraiment et ne voyait absolument pas l’horreur des mots qu’il prononçait. Il voulait jouer avec sa vie ! Instinctivement, elle commença à reculer vers la porte. Ce n’était plus Remus devant elle. C’était... Le champion. Celui qui narguait la Mort, celui qui ne craignait pas de faire couler le sang d’un frère dans l’arène. C’était un soldat, un combattant. Il n’y avait plus rien de l’homme qu’elle avait su voir derrière ce masque de force. Et il osait lui demander si elle le craignait ? Mais bien sûr que oui ! « Quand tu te dis prêt à te blesser et à me blesser ? Ne serai-je pas idiote si je ne te craignais pas alors que la folie t’aveugle ? » Restant à distance, encore, elle se sentait suffisamment en sécurité, avec la possibilité de fuir si jamais...

Elle le vit s’assoir mais avant qu’elle ne comprenne son intention, elle avait la main sur le porte, prête à bondir hors de ces lieux. Peut-être aurait-elle dû. Les mots qu’il eut lui firent l’effet d’un poignard en plein coeur. Culpabilité. Oui, la brune se sentit coupable d’avoir eu peur de lui, de le craindre encore. Ce regard, elle aurait aimé n’avoir jamais eu à le lui donner. Surtout quand il commença à lui expliquer combien il l’aimait et la percevait comme sa lumière, son souffle de vie. Se trouvant ridicule, soudain, elle fit un pas en avant. Il ne pourrait jamais lui faire de mal... Il avait simplement parlé sous le coup de la passion, ce n’était pas vraiment les mots qu’il voulait employer. Rassurée, elle voulait lui demander pardon mais une fois encore elle se figea. Son sang ne fit qu’un tour. Quelque chose se brisa. Elle voyait ses larmes et elle ressentait la même douleur. « Tu dis que tu ne me blesseras pas mais que tu le feras. ». Il était devenu une menace. Oh Antiope ne devrait jamais lui dire qu’elle voulait apprendre d’elle, autrement Serena perdrait le seul avantage qu’elle avait : la surprise. C’était sa seule défense même, si, le soir, avant d’aller dormir, elle s’exerçait avec un grand sérieux. Elle essayait de gagner en force. Antiope la surpassait largement physiquement et Serena souhaiter au moins avoir sa trempe. « Je n’ai pas envie que tu meures pour moi, ni même que tu me donnes une liberté si c’est sans toi. Je ne souffres pas de ma condition. Et entendre que tu es prêt à verser mon sang, c’est... Fou. Je ne sais quelle folie t’habite mais... » Il était devenu une menace potentielle. Même lui. Elle ne pourrait plus lui faire confiance. Et pourtant... Son coeur se serra. Les larmes lui montèrent aussi aux yeux. Et il l’acheva en l’invitant à partir.  « Je maudis ce fils de l’Etna qui détruis ce que je chéris le plus au monde. Parce qu’un homme qui dit m’aimer ne devrait jamais pouvoir envisager de verser mon sang volontairement. » Sa douleur était aussi forte que celle de Remus. Elle tourna les talons et quitta les lieux précipitamment. La vue brouillée, elle respira l’air frais de la nuit difficilement. Oui, elle maudissait le Fils de l’Etna et le chaos qu’il amenait. Il détruisait sa sécurité. Il détruisait tout ce qu’elle aimait. Il détruisait sa vie. Et si elle se retrouvait face à lui, elle sut qu’elle n’hésiterait pas à lui plonger elle-même une lame en plein coeur, qu’elle n’aurait pas peur de voir l’ombre de la Mort envahir son regard, qu’elle ne serait pas dégoûtée de voir la vie quitter ce corps symbolisant la destruction.
Jeu 16 Avr - 20:20
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Always a choice




Tête baissée, je suis abattu. Profondément blessé et attriste de réaliser que Serena me voit comme un homme prêt à lui faire du mal sans raison, sous le coup de la colère ou que sais-je encore ? J’ai dit être prêt à la blesser, oui, mais si je l’ai dit, ce n’est que pour pouvoir mettre en place une supercherie avant de lui sauver la vie, avant de sauver nos vies même s’il est vrai que la mienne importe moins que le sienne. J’aimerais tellement qu’elle soit capable de saisir la nuance. J’aimerais tellement qu’elle m’aime assez pour comprendre que ce que je dis et que ce que je suis prêt à faire, c’est pour lui garder la vie sauve et qu’en aucun cas je ne pourrais lever la main sur elle par plaisir... Suis-je aveuglé par la folie comme elle me le fait remarquer ? Peut-être mais ne sommes-nous pas entourés par des fous qui pensent pouvoir renverser la grande Rome et ainsi gagner leur liberté ? Ne sont-ils pas fous de vouloir faire couler le sang de la sorte alors que leur bataille est perdue d’avance ? Oui, ils sont fous et parce qu’ils le sont, ils me poussent à moi-même prendre des décisions que je ne devrais pas avoir à prendre, ils me poussent à faire des choix que je ne devrais pas avoir à faire. Ils m’y poussent. Nous n’avons pas d’autre choix : si nous voulons survivre, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir, tout. Y compris accepter de verser notre sang oui quand bien même je ne le souhaite véritablement pas. Quand Serena ajoute finalement que je dis que ne je ne la blesserai pas mais que je le vais malgré tout le dire, je relève doucement mon regard voilé de larmes vers elle. Crois-elle que cette pensée m’apporte ne serait-ce qu’un soupçon de plaisir ? Peut-être bien oui vu la façon dont elle me regarde et au-delà de la douleur, cela éveille une certaine colère en moi, colère parce qu’elle voit un monstre là où il n’y en a pas. Colère parce qu’elle me juge avec plus de dureté que je ne le mérite, alors que j’essaye de faire au mieux pour elle, pour nous.

Je détourne une nouvelle fois le regard quand elle dit qu’elle ne veut pas de la liberté sans moi, qu’elle ne souffre pas de sa condition et ma mâchoire se crispe en l’entendant prononcer de telles paroles. Elle ne souffre pas de sa condition d’esclave ?... Comment peut-être parler ainsi. Oui, nous sommes bien traités par Sextus mais nous n’en restons pas moins privés de notre liberté et cette condition ne peut satisfaire personne : je ne peux pas le croire. Puis, elle répète une nouvelle fois que je suis fou et je serre les poings, une nouvelle fois blessé par ses paroles. Ce sont finalement mes yeux qui viennent se fermer quand elle ajoute qu’elle maudit le fils de l’Etna pour ce qu’il fait. J’entends ses mots mais sur le moment, je n’en saisis pas tout leur sens, sans doute trop aveuglé par la douleur et la colère. J’entends ses pas puis c’est un silence lourd qui m’enveloppe et lorsque je termine par rouvrir les yeux, Serena est bel et bien partie. J’observe mes mains un instant et me redresse avant d’envoyer valser ma cruche d’eau contre le mur où elle se brise en mille morceaux. Puis, je me laisse tomber sur ma couche avant de me prendre la tête dans les mains. Le sommeil n’est pas mien durant cette nuit-là. Je ne fais que repenser aux traits de Serena, je suis hanté par son regard et par ses mots également qui résonnent dans mes pensées encore, et encore, s’enfonçant davantage dans mon cœur à chaque fois. Cette souffrance est cependant salutaire car, au bout d’un moment, tandis que j’aperçois le ciel qui s’éclaire par la porte que je n’ai pas refermée la veille au soir, la douleur se mue en compréhension, en réalisation : j’ai été trop loin. J’avais de bonnes raisons de parler ainsi, je ne cherchais que le bien de Serena mais envisager lever la main sur elle… Que mon sang soit versé n’est pas important mais elle… Elle qui est si tendre, si pure, elle qui est tant à l’opposé de ce que je suis… Pas un monstre mais un homme dangereux, c’est vrai, et je n’aurais pas dû lui en vouloir pour sa prudence ni pour ses paroles sensées, bien qu’elles n’aient de sens que maintenant pour moi.

C’est bien avant mes frères que je me mets à l’entraînement face au palus sur lequel je fais pleuvoir les coups, encore et encore. Ce n’est pas anodin, pas gratuit, si je cogne avec autant d’ardeur c’est pour évacuer la colère et la douleur que j’ai pu ressentir depuis la veille au soir. Je veux me retirer ces sentiments parasites quand je vais retrouver Serena, je veux qu’elle puisse revoir l’homme qu’elle aime, je veux qu’elle puisse sentir qu’il n’émane de moi plus aucune colère. Durant la matinée, je l’aperçois à plusieurs reprises sur le balcon mais à chaque fois, il m’est impossible de croiser son regard et je sais bien que c’est là son œuvre puisqu’il doit véritablement m’en vouloir des mots que j’ai prononcés la veille. Les heures chaudes de la mi-journée arrivent, nous prenons une pause, remplissons nos estomacs et lorsque je retourne m’entraîner avec mes frères et que je m’aperçois que l’attitude de Serena ne change pas, je décide d’accélérer nos retrouvailles car j’ai peur qu’elle se débrouille pour trouver une excuse pour ne pas venir me retrouver ce soir, même je le demande à notre Dominus. Même si cela ne fait pas apparaître à mon avantage, je décide de laisser mon frère prendre le dessus sur moi de façon à être blessé même si avec nos armes en bois il ne peut rien m’arriver de trop sérieux et quitte à ce que j’en rajoute pour aller trouver le Medicus. J’abaisse ma garde volontairement sans que cela soit flagrant mais assez pour qu’il puisse voir la faille et le coup m’atteint au niveau des côtes. Intérieurement j’encaisse, car j’en suis capable, mais extérieurement, je laisse montrer que le coup me déstabilise et il en en profite pour m’envoyer un coup de bouclier en pleine tête ce qui a le mérite de me faire tomber en arrière non sans avoir entendu un craquement désagréable au niveau de mon visage. La douleur au niveau de mon œil est lancinante et je porte ma main à mon front avant de réaliser que le coup de bouclier a été tel que mon arcade s’est fendue.

« Je ne l’ai pas vu venir… » je dis dans un souffle à mon frère qui me tend la main pour m’aider à me relever, affichant un sourire fier et victorieux.

Je fais ensuite signe au Doctore et à peine voit-il l’état de mon visage qu’il intime d’aller trouver le Medicus. Je lance un regard vers le balcon où j’aperçois brièvement le regard de Serena puis c’est le regard de notre Dominus que je croise avant de pénétrer à l’intérieur de la villa. Je compte, peut-être à tort, sur le fait que Sextus va envoyer Serena jusque chez le Medicus pour savoir quel est l’étendue de mes blessures exactement. C’est le cœur battant que je vais donc trouver le Medicus et en silence que je le laisse me soigner tout en observant d’un œil, l’autre étant voilé par le sang, la porte en espérant voir la silhouette de Serena se dessiner dans l’encadrement. Lorsque cela arrive, j’éprouve l’envie de bondir du banc en pierre sur lequel je me trouve et le Medicus sent ma tension puisqu’il m’intime de ne pas bouger avant de lancer un regard en arrière pour s’apercevoir que Serena est là. J’avais vu juste concernant l’attitude de Sextus et j’en suis intérieurement ravi mais mon plan semble s’écrouler quand le Medicus annonce que ma blessure bien que sanglante n’est pas grave et que je vais pouvoir reprendre l’entraînement et que je vois Serena disparaître dans le couloir.  Je me tends encore une fois.

« Du calme !»
« C’est terminé ? »
« Presque ! »
« Je pense que ça ira très bien. »

Et, d’un geste de la main, je repousse le Medicus avant de foncer non sans l’entendre grogner derrière moi. J’aperçois la silhouette de Serena au bout du couloir et je cours pour la rattraper.

« Serena ! Attends, je t’en prie ! »

Je réduis la distance entre nous mais si elle choisit de ne pas s’arrêter, elle va s’en retourner vers le balcon avant que j’ai pu la rattraper et lui parler. Une chance. Je ne veux qu’une seule chance de lui parler et de soigner les blessures que j’ai pu lui infliger la veille au soir.


© charney

Sam 18 Avr - 19:23
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I AM NOT SURE I MADE THE RIGHT CHOICE


Serena ne comprenait pas les mots de Remus. Comment pouvait-il prétendre vouloir la protéger et se déclarer prêt à la blesser pour qu’un romain puisse croire qu’ils lui sont fidèles ? Elle n’était déjà pas bien certaine de s’en sortir indemne. Les présages que les dieux lui envoyaient en rêves depuis plusieurs nuits lui rappelaient la dure réalité de la vie : le chaos allait s’abattre et elle ne pourrait pas y échapper. Il n’y avait pour elle que deux options : faire face ou prier. Prier, elle le faisait déjà et bien que les dieux s’intéressaient parfois aux hommes, elle se doutait bien qu’ils avaient d’autres chats à fouetter que de s’occuper d’une esclave de Pompéi. Les gladiateurs étaient dangereux. Elle l’avait toujours su et avait toujours fait attention à garder ses distances, même si son coeur était tourné vers l’un d’eux. Mais voilà que celui qui lui donnait ce fort sentiment de sécurité qu’elle avait l’impression d’avoir perdu depuis qu’elle avait découvert avec Sextus le corps de la maîtresse de maison et ce silence pesant qui régnait depuis, commençait à avoir un discours qui l’effrayait. Il se disait prêt à verser son sang. Il était capable de la regarder droit dans les yeux et de lui infliger une blessure en toute conscience. Il lui aurait présenté la chose autrement, lui disant par exemple qu’elle devrait elle-même s’arranger pour se blesser un peu mais pas trop, elle aurait compris sa stratégie. Peut-être lui aurait-elle alors expliqué qu’elle ne s’en sentait pas capable et craignait de se tuer plutôt que de simplement s’infliger une blessure sérieuse mais non mortelle. Remus aurait pu alors lui offrir son aide. Peut-être l’aurait-elle accepté, se sentant alors moins victime de son raisonnement militaire. Mais les choses étaient différentes. De sauveur, protecteur, il était devenu bourreau. Il n’était plus ce bras fort capable de la défendre de la folie des hommes mais une folie lui-même. Ses mots lui firent l’effet d’un poignard en plein coeur. Le combat n’était pas dans l’arène, elle en prenait conscience. Ils étaient en train de s’affronter. Lui, la culpabilisait, arguant qu’elle venait de porter un regard blessant, de prononcer des mots qu’elle n’aurait jamais dû avoir. Elle, elle lui reprochait la même chose : des mots et des pensées qu’il n’aurait jamais dû avoir à son égard. La bulle rose dans laquelle elle vivait depuis qu’ils avaient pu se voir, depuis qu’il lui retournait ses sentiments venait d’éclater. Et si elle s’était trompée depuis le début ? Non. Elle chassa ces pensées néfastes de toute sa force mentale et relativisait déjà. Si Remus avait voulu l’abuser, il l’aurait fait sans se poser de questions. Il l’aurait menacée, l’aurait obligée à mentir à Sextus. Sa tendresse n’était pas feinte. Et il n’aurait jamais osé pleurer devant elle. Alors que ses pas l’éloignait de lui, elle ne pouvait s’empêcher de lui en vouloir. Elle était fâchée contre lui, tracassée, et remettait en cause leur relation. Peut-être qu’elle l’avait un peu trop idéalisé. Peut-être qu’il était tout simplement pas fait pour elle. Un gladiateur flirtait sans cesse avec la Mort, la séduisant, jouant avec elle un jeu où il savait ne pas survivre éternellement. Mais c’était une drogue, une chose dont ils ne pouvaient se passer. Et il voulait l’entraîner dans ce jeu. Mais Serena avait beau être courageuse, elle se savait être inférieure. Elle n’était pas Antiope.

Une fois rentrée dans la villa, elle se faufila jusqu’à sa couche et resta un long moment dans ses doutes, ses peurs, ses déceptions. La colère de Remus, elle l’avait prise de plein fouet et si elle comprenait bien elle lui en voulait quand même. La liberté, elle ne courrait pas après. Elle voyait des romains vivre dans des taudis. Libres, certainement, mais affamés. Elle, elle était peut-être une esclave mais elle avec un toit, une villa très belle qu’elle pouvait parcourir comme elle le souhaitait, de la nourriture et des vêtements. Elle n’en demandait pas plus. Elle était bien traitée jusqu’ici. Sextus ne lui avait donné aucune raison de se lever contre lui. Elle irait donc voir Antiope, s’entraînerait dur par elle-même parce que manifestement, ses ennemis étaient partout, y compris dans son entourage proche. Elle continuerait de mettre à l’abri les biens de Sextus afin qu’il ne soit pas ruiné une fois que les rebelles s’en prendraient à lui. Si jamais il n’en sortait pas vivant... Elle estimerait le romain qui prendrait possession de ses biens et les lui remettrait tous. Ou bien n’en dirait absolument rien. Forte de ses nouvelles résolutions, Serena fit son service comme à son habitude.

Alors qu’elle apportait du vin sur le balcon, elle ne jeta aucun regard vers le ludus. Le regarder lui semblait trop douloureux. Mettant son coeur de côté, elle ignora totalement l’entraînement même si des éclats de voix lui parvenaient de temps à autre. Peut-être que Sextus remarquerait son attitude mais elle doutait qu’il ne lui prête beaucoup d’attention. Il avait plutôt tendance à l’ignorer et bien qu’elle trouvait injuste ce traitement envers elle, qu’elle s’en sentait blessée comme une enfant qui avait besoin de l’attention de son père, elle gardait le silence. Et si jamais il lui demandait de courber l’échine devant le gladiateur pour ses affaires, l’esclave ne saurait qu’hocher la tête mais n’irait pas le voir. Elle n’irait pas. Elle devait s’entraîner et ce serait du temps de gagné sur son sommeil.  Ce petit manège dura jusqu’à l’incident. Serena fixait l’horizon. Même les cris de surprise ou les mots des romains ne lui firent pas baisser le regard sur le champion qui venait d’être frappé. Plus de vin. Hochant la tête, elle descendit vers le stock et attrapa une amphore. Elle passa devant la salle où le Médicus recevait le gladiateur. Rien de grave. Bien sûr, ce diagnostic la rassura et elle accéléra donc le pas pour rapporter le vin demandé, quand elle entendit la voix de Remus dans son dos. Elle se figea, hésitant à se tourner vers lui. Si on l’envoyait ici, c’était bien pour aussi savoir s’il allait bien, non ? Se mordant la lèvre nerveusement, elle finit par faire volte face. « Je t’écoutes mais fait vite parce que notre Dominus attend son vin pour ses invités et je ne souhaites pas le mettre de mauvaise humeur contre moi. »  

Distante, elle ne le regardait pas, préférant fixer son regard sur le mur à sa droite. Elle écoutait mais n’entendrait peut-être pas. De toute façon, il lui faisait bien sentir depuis le début qu’elle lui était inférieure. Sous couvert de la vouloir son égale, quand elle prenait des initiatives, il s’amusait à lui faire remarquer que ses idées étaient naïves, stupides et qu’il savait mieux. Des pensées injustes ? Sûrement. Mais un coeur déçu et fâché avait toutes les raisons de se trouver des faits pour alimenter sa colère et oublier sa souffrance. Les dents serrés, elle évitait son regard qui, elle le savait, la ferait fondre. Il avait cette façon de se présenter comme un appel de sirène qui le rendait irrésistible. Quand il en avait besoin. Elle avait cru en lui, maintenant... Maintenant elle n’en n’était plus certaine et c’était bien toutes ces incertitudes qui lui faisaient prendre ses distances.
Mer 1 Juil - 18:53
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« I ONLY CHOOSE SAFETY. I DID NOT WANTED TO HURT YOU THAT WAY. »


La chaleur avait mordu ma peau toute la journée, et ce serait à nouveau le cas dans quelques minutes, lorsque mon maigre espoir d’entrevue avec Serena serait raccourci par les ordres. Je savais ne disposer que d’un soupçon de chance tandis que mes pas s’arrêtaient près d’elle, juste assez pour tenir une discussion sans que des oreilles indiscrètes ne se mêlent de ce qui ne les regardaient pas. Ce ne fut qu’à la dernière seconde, alors que ma poitrine se soulevait pour prendre une longue inspiration d’angoisse, qu’elle se tourna vers moi. Un soulagement se fit sentir et m’arracha un léger soupir imperceptible à l’œil nu. Je n’avais que quelques minutes, pas plus. Je me refusais d’être trop gourmand, je connaissais les exigences de Sextus tout comme je savais les questions qui pourraient être posées si je ne réapparaissais pas sur le sable parmi les autres. Son regard ne daignait se poser sur moi, elle était fâchée, tout dans son attitude le laissait paraître bien que je nourrisse en mon for intérieur un vague espoir que ses sentiments restent inchangés malgré ce que j’avais pu dire. Si je voulais effacer mes propos de la veille, il n’en demeurait pas moins que je pensais ce que j’avais dit. L’idée… Etait peut-être folle en soi, mais elle était également un moyen de s’assurer notre survie, de pouvoir espérer obtenir ce que nous souhaitions. Ou ce que je souhaitais, Serena ne semblait pas désirer la même chose, du moins pas sans certaines conditions. Je la comprenais, mais je ne pouvais pas non plus nier le fait que si les choses devenaient trop dangereuses, il faudrait avoir recours à cette solution.

« Je n’aurais pas dû perdre patience tout comme je n’ai jamais voulu te blesser par mes mots, Serena. ». J’avais parfois tendance à laisser une certaine impulsivité me contrôler, mais c’était que son regard avait été si blessant… Laissant mes prunelles se baisser vers le sol, je finis par les relever pour l’observer à nouveau. « Je ne supportais pas de lire la crainte et le dégoût dans tes yeux. ». Vérité. Il m’était rare voire quasiment impossible de cacher cette vérité à la femme que j’aimais, celle qui faisait à nouveau battre mon cœur dans ma poitrine. Ce cœur si souvent malmené depuis ce fameux jour où j’avais perdu mon sang froid. Si je regrettais mes gestes, il y avait toutefois une part de moi qui ne regrettait rien. Dans leur miséricorde, les dieux m’avaient permis de la rencontrer.

Malheureusement pour moi le temps était compté, et notre Dominus ne pouvait attendre son vin plus longtemps. Bien que la douleur tiraille mon arcade, je plongeais mes yeux sur le visage doux et légèrement pâle de la jeune femme. « Je ne voulais pas te blesser, s’il te plait, dis-moi que tu viendras ce soir. Il faut vraiment que nous discutions. Si mon idée te semble n’être que folie, sache que tout ce que je désire est ta sécurité avant tout, avant la mienne. ». Ne voyait-elle pas qu’au fond j’avais peur pour sa vie ? Le fils de l’Etna gâchait tous les plans préétablis jusqu’ici, la révolte était une idée des plus saugrenues et folles. Du genre de celles qui pouvaient coûter la vie à de nombreux innocents et ce « rebelle » ne semblait pas s’en soucier. Voyant qu’elle rebroussait déjà chemin, et sentant l’impatience dans la cour, je posais ma main sur l’avant-bras de la brune qui tenait la jarre. « S’il te plait, Serena. Viens ce soir. ». Je pensais chacun de mes mots, et si elle prenait le temps de lever ne serait-ce qu’une microseconde, ses yeux pour les plonger dans les miens, elle le verrait. Elle verrait combien je tenais à elle et combien j’étais désolé de n’être qu’une brute par moment. Il m’était difficile de contrôler cette animosité qui pouvait m’habiter selon les jours. Le regard plein d’espoir, au bord de la supplique, je lâchais son avant-bras et la regardait partir avant de retourner à ma position, au grand damne du Medicus qui secouait la tête bras croisés.

Le reste de la journée se passa de la manière des plus habituelles, à l’entrainement. La chaleur mordit un peu plus nos corps parfois meurtri par des coups mal placés et des failles trop perceptibles. Si ma mascarade pour me rendre chez le Medicus avait fonctionné, je n’en laissais plus rien paraître et combattais comme à l’aube du premier jour, avec volonté et détermination. Quand bien même mes prunelles cherchèrent plusieurs fois la silhouette féminine tant convoitée, je demeurais concentré jusqu’au coucher du soleil, lorsque le fouet du Doctore signala la fin de cette longue journée. Après un repas avalé à la hâte et aussi visqueux qu’à l’accoutumé, je terminais aux bains pour supprimer le sable agglutiné dans la sueur avant de rejoindre la modeste et vétuste pièce qui me servait de couche privative pour la nuit. Cette dernière tomba bien vite ce soir-là, et je ne cessais de me tarauder l’esprit, viendrait-elle ou non ? Se montrerait-elle toujours aussi têtue ? Passant mes deux mains dans mes cheveux je laissai s’échapper un soupir de nervosité avant de déglutir et renifler d’un coup sec. La porte en bois demeurait entrouverte, prête à grincer pour signaler la moindre présence, mais les minutes tournaient, tout comme les heures et Serena n’était toujours pas là.

Un sentiment de vide m’envahit soudain, à l’idée qu’elle ne viendrait pas. Avait-elle finalement raison ? N’était-ce donc que pure folie ? Avais-je perdu la raison à cause d’une chaleur trop grande ? Tout ceci n’était que doutes qui me rongeaient l’esprit et embrumaient ma perception des choses. J’aimais à croire en mon intuition, et celle-ci me sommait toujours que mes paroles, cette idée saugrenue, n’étaient peut-être pas si dénuées de sens que cela. Je l’avais peut-être tout simplement mal défendue.
Jeu 2 Juil - 19:25
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TRUST IS SOMETHING SO EASY TO LOSE


Serena essayait clairement de l’éviter. Hésitant à se tourner vers lui, la jeune femme pesa un moment le pour et le contre. Remus avait été suffisamment clair sur ses intentions : il comptait la blesser volontairement dans l’espoir de faire croire à leur Dominus qu’ils étaient victimes. La violence des gladiateurs l’effrayaient. Ils finissaient tous par avoir une soif de sang et réclamaient leur dû, comme s’ils se transformaient en des bêtes assoiffées de chair tombée sur le sable brûlant que foulaient leurs pieds. Devant son insistance, elle accepta finalement de lui accorder un moment. Evitant de croiser son regard, elle observait les murs ou le sol, comme s’ils revêtaient soudainement d’un intérêt particulier.

Le gladiateur commença à prendre la parole et lui présenter des excuses. Penchant la tête, Serena n’était pas foncièrement convaincue. Perdre patience ? La blesser par ses mots ? Il ne l’avait peut-être pas voulu mais le résultat restait le même. La jeune femme était blessée. Et il avoua ne pas avoir supporté son regard. Quelle réaction aurait-il pu attendre de sa part ? Qu’elle s’exclame être folle de joie à l’idée qu’il puisse lui planter une épée dans le corps sans même sourciller ? Jusqu’ici elle avait toujours échappé à ce type de blessures et comptait bien continuer. D’ailleurs, elle ne retint pas ses mots. D’une voix suffisamment agressive qui trahissait sa colère, elle darda son regard sur lui et le fixa. « Parce que tu pensais que j’allais accueillir une idée aussi noire avec des étoiles dans les yeux ? Je suis peut-être amoureuse de toi mais je ne suis pas non plus idiote ! Et normalement, lorsque l’on aime une personne il est impossible d’envisager de lever la main sur elle… Alors oui, ma réaction est parfaitement normale. Tu ne crois pas ? » Elle essayait de garder le ton bas.

Allait-il capituler ou bien insister sur son idée première ? Le jaugeant du regard, Serena l’observait avec attention. Restant silencieuse, il l’assura ne pas vouloir lui faire du mal. Mais comment ferait-elle pour concilier ses entraînements avec Antiope tout en allant le voir sans que ni Sextus, ni Remus, ne puissent deviner ce qu’elle faisait ? La gladiatrice avait bien insisté sur le secret. Voulait-elle donner une opportunité à Remus ? Peut-être lui tendait-il un piège… Ce ne serait pas la première fois qu’un gladiateur se retournerait contre un esclave qui ne faisait, selon lui, pas parti de ses frères d’armes. « J’essaierai de passer ce soir. » Baissant les yeux, elle recula. Oui, cette révolte allait renverser leur monde. Le nuage noir était encore à l’horizon mais il se rapprochait inexorablement et ferait voler en éclat toute une ville pour la seule lubie d’un homme qui pensait les esclaves brimés. Non. Ils ne l’étaient pas tous. Pourquoi envier une liberté si c’était pour mourir de faim ? Pourquoi envier une liberté si c’était pour vendre son corps au plus offrant pour nourrir les bouches nées de ses entrailles ? Le prix était bien trop cher et sa condition lui convenait, n’en déplaise à certain.

Rebroussant chemin, consciente qu’elle ne lui avait pas réellement promis de venir, elle se sentit retenue. Levant les yeux, elle vit dans ceux de Remus ce qu’elle interprétait comme du regret et de l’inquiétude. Il avait peur de la perdre. C’était tellement étrange à ses yeux : quelques mois auparavant, il ne lui accordait aucun regard et soudainement tout avait changé. Bien sûr, elle avait eu de la chance qu’il la remarque. Eirene attirait bien plus les regards, la faute à ses yeux vairons qui lui donnaient un charme tout particulier. Frissonnant sous le contact, elle se sentit perdre pied. Pourquoi avait-il donc fallu qu’elle le regarde ? Elle savait pourtant que ce n’était pas la chose à faire.

Au fur et à mesure qu’elle le fixait, son regard s’adoucissait, sa colère s’apaisait. Se mordant nerveusement la lèvre, elle tergiversait encore. S’accrocher à ses rancoeurs n’était pas la chose à faire. Au fond, elle n’aimait pas être en conflit avec lui. Elle finit par hocher la tête. « Je viendrai ». Bien sûr, il fallait encore que Sextus accepte. Normalement, il était d’humeur à prendre soin de son champion et à lui accorder la plupart des choses qu’il voulait. Tant qu’il lui ramenait la gloire. Si jamais les vents tournaient... S’écartant de lui une fois s’être assurée qu’il avait libéré son bras, Serena se dirigea vers les marches.

Bien sûr, quand elle apporta le vin, Sextus lui demanda ce qui lui avait pris tant de temps. Et Serena ne jugea pas utile de mentir : elle lui expliqua avoir entendu le Médicus parler avec son favori et qu’elle avait voulu s’enquérir de son état. Elle lui rapporta donc que le tout n’était pas très grave alors que le dit gladiateur revenait s’entraîner. Restant à son service jusqu’à la fin du jour, la jeune femme fut libérée tard ce soir là. Devinant que son amie, Antiope était déjà aux bains, elle la rejoignit pour leur entraînement. Soit, elle irait voir Remus mais elle ne mettrait pas sa vie en danger sans savoir un peu mieux s’en sortir face aux hommes. Elles purent ainsi converser et échanger quelques mots amicaux. Puis, Serena sortit de cet espace, prête à regagner la villa romaine. Son regard se tourna alors vers cette petite cour, et ces chambres individuelles. Il attendait... Soupirant, elle dut bien admettre qu’il pourrait devenir suspicieux si elle ne se montrait pas et se dérobait ou pire il pourrait tout simplement ne plus l’aimer.

Détournant ses pas, elle se dirigea finalement vers la porte qu’elle poussa et laissa ouverte. Une habitude qu’elle n’utilisait plus depuis un moment. Elle marquait ainsi sa défiance. Et le travail serait compliqué pour lui de la persuader. Il valait même mieux qu’il n’aborde plus le sujet, du moins qu’il tente de lui expliquer combien son idée était bonne alors que selon elle c’était juste de la pure folie. Mais peut-être était-ce juste qu’il l’avait vraiment mal défendue... « Bonsoir ». Elle était un peu plus éteinte que d’habitude.
Jeu 2 Juil - 21:18
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« BUT YET, I DON’T WANNA LOSE YOUR TRUST. »


La voir regarder partout sauf dans mes yeux était quelque chose de très douloureux, mais il me fallut prendre sur moi pour ne pas échouer dans ma vaine tentative de réconciliation. Chaque mots qui s’échappaient de mes lèvres sèches étaient sincères, il serait fort malvenu de lui mentir ouvertement. Quand bien même l’idée de la blesser pour la protéger résidait encore dans mon esprit, le penser était suffisamment douloureux. Si Serena était persuadée que je n’éprouvais aucune inquiétude vis-à-vis de cette idée, elle se trompait, jamais je ne le ferais de gaieté de cœur, cela ne faisait pas partie de ce que j’étais. Peut-être avait-elle en tête l’évènement tragique qui m’avait valu un aller simple dans ce ludus, ou peut-être qu’elle n’y songeait même pas mais le résultat restait le même. Elle était en colère, et je la sentais s’éloigner doucement de moi, c’était quelque chose que je n’acceptais pas. Mes prunelles se posaient sur la jeune femme et ne la quittaient pas une seule seconde, comme si je craignais qu’elle ne s’envole en un battement de cils. L’on entendait non loin de là la lutte de mes frères gladiateurs, et l’odeur de poussière arrivait jusqu’à nos narines respectives, du moins personnellement, je reconnus ces odeurs devenues si familières. Perdre son sang-froid était quelque chose de commun à quasiment tous les combattants de ces lieux. Si Serena m’expliquait ses craintes je lui dirais probablement qu’elles étaient fondées, mais qu’elles ne me concernaient pas lorsqu’il s’agissait d’elle. Sûrement alors me demanderait-elle pourquoi serais-je une exception en connaissant mes antécédents familiaux, mais je lui répondrais très sincèrement qu’il y avait des choses que le cœur interdisait. Lever la main sur elle, j’en serais incapable, du moins je m’obstinais à le penser et je ne voulais pas réaliser que si les choses s’envenimaient je serais bel et bien capable de faire ce que je lui avais proposé la veille. La blesser pour la sauver. C’était complètement fou, mon cœur jugeait l’acte comme insensé et prohibé mais ma tête me sommait de continuer à envisager cette option si les évènements devenaient trop compliqués. Qu’était-ce qu’une simple blessure dont l’on pouvait guérir contre une mort lente et douloureuse ? Car il n’y avait pas de doutes à avoir, jamais Sextus ne nous laisserait passer entre les mailles du filet si jamais certaines se rebellaient. Et il était hors de question que nous ne perdions nos chances de nous en sortir indemne. Hors de question.

Lorsque mes premiers mots furent prononcés, je fus surpris de la voir enfin lever les yeux. Ceux qui se posaient sur moi étaient noirs de colère, je le compris au moment même où mes prunelles croisèrent les siennes, les paroles qui suivirent, furent une confirmation de mes craintes. La fixant en penchant la tête sur le côté, je crispai légèrement la mâchoire, je ne devais pas m’énerver à nouveau, de toute manière la colère ne montait pas en moi à ce moment-là. « Il m’est inconcevable de lever la main sur toi Serena, si je n’ai évoqué cette idée, c’est uniquement car je ne souhaite pas qu’il t’arrive malheur. Ils ne sont pas réputés pour traiter leurs esclaves avec tendresse. Donner la mort à un esclave est rarement chose rapide, et ils nous mettraient tous dans le même sac, que l’on soit fidèle ou non. Je ne pensais pas à mal en disant cela, je ne faisais qu’évoquer une solution, la seule solution pour que nous soyons capables de vivre tous les deux sans se soucier de ce qui pourrait nous arriver, sans avoir à obéir à qui que ce soit. ». C’était des propos dangereux que je tenais là, d’où la raison de l’abaissement de ma voix. J’avais baissé le ton pour qu’il n’y ait qu’elle qui soit capable de m’entendre. « Si tu savais que j’allais mourir dans l’arène demain, ne prendrais-tu pas le risque de me blesser pour préserver ma vie ? Une douleur temporaire contre une vie, plutôt qu’un rien contre la mort ? ». J’essayais de lui faire comprendre mon point de vue, mais face au temps qui filait je n’insistai pas plus, lui demandant simplement de passer ce soir. Cela relevait presque d’une supplique, supplique accompagnée par un regard lourd d’inquiétude et d’angoisse à l’idée qu’elle ne me rejette.

Elle dit alors qu’elle essaierait de venir, ce n’était pas une réponse qui m’enchantait outre mesure, mais c’était la seule que j’avais. Alors, comme pour encourager la Déesse Fortune, je posai ma main sur l’avant-bras de la jeune femme, la suppliant de venir me trouver ce soir. Ses yeux finalement posés dans les miens s’adoucirent, et je ne pus retenir les miens de briller sous le regret et la crainte, je ne voulais pas la perdre, je m’y refusais. Si c’était étrange pour Serena ça l’était également de mon côté, j’avais mis un certain temps à apprivoiser l’idée que je puisse retomber amoureux, les choses ayant été si compliquées autrefois. Ou plutôt, les choses s’étant mal terminées. Quand les mots tant attendus s’échappèrent des lèvres de la femme qui faisait battre mon cœur, je fus soudainement soulagé et je lâchais mon emprise sur son bras, la laissant retourner à ses occupations. Il ne faudrait pas que Sextus s’impatiente de trop, si bien que lorsque je retournais dans la cour, Serena répétait les mots du Medicus à notre Dominus.

La fin de la journée fût accueillie à bras ouverts tandis que nous prenions, nous gladiateurs, la direction des bains et de la bouillie du soir. La sensation de l’eau sur ma peau salie par l’entrainement fût fort appréciée et je me surpris à prendre le temps de nettoyer chaque once de peau. Une fois fait, je retournais dans mes quartiers individuels et j’attendais patiemment que la jeune femme me rende visite. Assis sur ce qui me servait de lit, je patientais, de longues minutes durant jusqu’à ce que l’inquiétude ne me prenne à nouveau. Passant mes mains dans mes cheveux jusqu’à la nuque, je soupirais et attendais nerveusement. Au début je restai calme, puis les minutes furent bientôt des heures, et je ne comptais pas fermer l’œil de la nuit, à nouveau. C’est alors que je perdais tout espoir de la voir que j’entendis la porte en bois grincer doucement. Les avant-bras posés sur mes cuisses, je tournai la tête pour apercevoir la silhouette féminine et me redressai. « Bonsoir. ». Je me levai soudain de ma couche pour mieux l’observer et notai la porte maintenue ouverte. Elle se méfiait à nouveau de moi. Sûrement verrait-elle sur mes traits la surprise que cela provoquait par un léger froncement de sourcils. « Je craignais que tu ne viennes pas. ». Des mots prononcés dans un murmure et sans le moindre agacement comparé à la veille. Comme pour essayer de briser la tension dans l’air, je lui faisais signe de s’asseoir si elle le souhaitait. Je lui présentais le lit mais également la chaise au bout de la pièce, parfaitement conscient qu’elle ne semblait pas encline à engager la conversation. Je ne lui en voulais pas, c’était moi qui lui avais demandé de venir. « La journée n’a pas été trop éreintante par ce soleil brûlant ? ». Un moyen comme un autre d’engager la conversation… Mais il fallait admettre que je n’avais jamais vraiment été doué pour ça, j’utilisais plutôt les silences avec la majeure partie des gens. Serena était une exception à elle seule, j’espérais qu’elle en avait conscience.
Lun 13 Juil - 22:43
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I CAN’T BEAR YOU HURTING ME


Ne pas le regarder. Serena se répétait cet ordre en boucle, sachant que les yeux clairs de Remus feraient s’écrouler toutes les barrières qu’elle tentait vainement de maintenir debout. L’entreprise était vouée à l’échec, elle le savait. A vrai dire, et bien qu’elle ne l’avouerait pas à haute voix, cette dispute simplifiait d’une certaine manière son emploi du temps. Il lui était bien plus aisé ainsi de rejoindre Antiope pour ses entraînements sans avoir à le rejoindre par la suite. Ses journées étaient moins longues, lui offrant ainsi l’opportunité de dormir plus et de se reposer. Mais elle devait bien s’avouer également qu’il lui manquait. Elle avait attendu tellement longtemps qu’il la remarque qu’elle adorait profiter de chaque instant avec lui. Comment faire pour concilier ces deux envies diamétralement opposées ? La jeune femme ne le savait pas vraiment encore. A vrai dire, sa colère l’aveuglait toujours. Alors, quand il parlait, elle évitait son regard. Elle ne se sentait pas prête à lui pardonner ces mots, ces mots qui elle le savait, étaient vraiment plein de sens dans l’esprit du gladiateur. Mais l’amour finissait toujours par l’emporter. Le bruit des entraînements, la voix du Medicus qui lui parvenait encore à quelques mètres de là, toute cette présence la rendait nerveuse. Crispée, sur ses gardes, elle était prête à prendre la fuite au moindre signe de « danger ». Un danger qui ne viendrait pas de Remus non, mais elle ne voulait pas qu’on les voit ensemble, y compris la journée. Discrète, elle ne disait rien à personne, même pas à ses amies. De toute façon, elle n’avait pas grand chose à leur raconter puisque Sextus les contrôlait encore.

Pour la première fois, elle sentait le poids de l’esclavage. Vrai qu’ils pourraient être libres, libres de s’aimer et de vivre comme ils l’entendaient mais quelle vie là dehors ? Son coeur commençait à s’impatienter mais elle recentra ses pensées. La révolte n’était pas une option. Il n’y aurait qu’un bain de sang, ce fils de l’Etna ne pensait qu’à sa propre gloire et certainement pas à la survie des esclaves. Haussant un sourcil pour exprimer ses doutes quant à son affirmation, Serena l’écoutait donner toutes ses explications en une diatribe qui serait probablement digne des plus grands orateurs. Remus n’était pas réputé pour être bavard mais elle le voyait à cet instant prêt à se lancer dans un discours pour la convaincre qu’il regrettait réellement ses mots. « Encore faudrait-il que je survives... Y as-tu songé ? Que je pourrai mourir de ces blessures ? Nous ne sommes pas tous doués pour survivre et combattre ou jouer avec la mort. Et je n’ai pas envie de jouer. Et j’ose faire confiance à Sextus pour avoir le discernement de reconnaître ceux qui l’ont trahi de ceux qui l’ont protégé. Je suis peut-être naïve. »

Et alors qu’elle pensait qu’il avait vraiment compris son point de vue, voilà que le champion commença et vouloir la persuader à nouveau que son idée était la bonne. Elle avait parlé aussi bas qu’elle. Mais il était évident qu’elle ne pourrait pas entretenir une aussi longue explication, pas alors que son Dominus attendait son vin et des nouvelles de son favori. « Tu ne peux pas comparer ce qui n’est pas comparable, Remus. Tu ne me laisserais jamais faire une chose pareille parce que tu aimes combattre ! Tu aimes l’arène, tu aimes être le champion. Et si je savais que tu allais mourir, je ne changerai rien à ton destin parce que je l’ai accepté à partir du moment où je t’ai aimé ! Je sais que je peux te perdre à n’importe quel moment ! Je sais quelle tragédie ton travail me promet depuis le début et je l’accepte pleinement ! Je n’ai pas le choix ! Et j’aimerai que tu ne l’ai pas non plus quand il s’agit de verser mon sang ! »

Ce dialogue était vraiment difficile, pour ne pas dire un dialogue de sourds. Mais Serena maintenait sa position. Le bravant alors qu’elle s’en pensait jusqu’ici incapable, elle mesurait alors combien ses entrevues avec Antiope portaient leurs fruits. Elle se sentit bien plus sûre d’elle. Convaincue qu’il ne parviendrait pas à lui faire croire vraiment l’aimer tout en étant prêt à lui faire du mal, elle rebroussa chemin, la voix toujours un peu sèche. Mais il la rattrapa et la jeune femme ne put conserver ses rancoeurs plus longtemps.

Son attitude changea. Elle se détendit lentement et se radoucit. Le regret, la crainte, elle lisait chacun de ses sentiments dans ses yeux. Réalisait-il vraiment maintenant ? Peut-être pas parce qu’il la supplia de venir. Sentant qu’elle ne pourrait pas faire sans lui, elle accepta un peu à contre coeur de le rejoindre. Seulement si elle ne terminait pas trop tard. Elle tenait avant tout à faire son entraînement. Mais si jamais elle se sentait encore alerte, elle irait.

Retournant auprès de son maître, elle lui servit du vin et le rassura quant à l’état de son champion. La journée se déroula sans accroc et Sextus ayant planifié une sortie ce soir là, elle put terminer l’ensemble de ses corvées avant la tombée de la nuit. Elle rejoignit Antiope et, sortant de leur entrevue un peu fatiguée, elle passa près d’une cruche et se servit un peu d’eau avant de finalement franchir la porte tant redoutée. Restant dans l’embrasure, marquant ainsi la méfiance qu’elle ressentait toujours, elle hocha la tête. « Bonsoir ». Il s’était levé et la regardait avec surprise. « J’ai pu finir l’ensemble de mes corvées ». Très factuelle, Serena était elle-même un peu désarçonnée, oscillant toujours entre deux extrêmes. Un peu maladroite aussi, elle ne savait comment engager la conversation. Après tout, il l’avait mise à la porte la veille. « Non, je suis restée dans la villa, je n’en ai pas souffert autant que vous. » Elle baissa les yeux et soupira. Mieux valait crever l’abcès. « Cette dispute m’épuise et je dois dire que je m’attends à être mise à la porte dès que je dirai quelque chose qui ne te plaît pas mais peu importe. Je suppose que nous ne serons jamais d’accord alors je vais juste te dire une chose : je ne suis pas d’accord. Je suis peut-être une esclave et j’ai peut-être l’habitude d’obéir mais tu insistais pour que je t’exprime le fond de ma pensée. Alors la voilà : je refuse que tu lèves la main sur moi, pour n’importe quelle raison que ce soit. Si jamais tu verses mon sang, sache que je ne te le pardonnerai jamais et que je cesserai de t’aimer ». Le regardant droit dans les yeux, elle lui montrait sa détermination. « Parce que ton discours est folie : tu dis ne pas pouvoir me blesser et pourtant tu justifies pouvoir le faire. Rien que d’entendre ces mots m’effraie. Et j’aimerai tellement pouvoir les oublier... On ne résout pas tout dans le sang.»
Dim 26 Juil - 21:38
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« THEN I WON’T HURT YOU. »


La discussion était aussi mal partie que l’avant-veille où l’hypothèse avait été évoquée. J’y avais pensé toute la nuit durant, et cette idée refusait de quitter mon esprit. Pourtant, j’avais étudié chaque hypothèse avec minutie, allant jusqu’à en imaginer les scènes dans ma tête, mais rien n’y faisait, je ne trouvais pas autre solution qui vaille la peine d’être tentée hormis celle-ci. Bien sûr que blesser Serena ne me réjouissait pas, mais je voyais bien au-delà de l’acte, je voyais en cette solution un moyen de préserver nos deux vies. Avoir confiance entre notre dominus ne pouvait pas suffire, il finirait, comme tout romain, par avoir des doutes, et quand bien même il ne voudrait pas nous faire de mal pour récompenser notre fidélité, des langues pernicieuses finiraient toujours par lui insuffler la fâcheuse idée que nous puissions tôt ou tard nous rebeller. C’était donc ce genre de choses que je voulais éviter, mais Serena ne semblait pas vouloir comprendre et je n’arrivais pas à défendre mon idée convenablement. Qui plus est, le peu de temps que nous avions ne nous aidait pas, et à ma sortie forcée de la salle de soins du Medicus, j’étais bien obligé d’admettre qu’il fallait que je la supplie de venir me trouver le soir-même pour que nous puissions en discuter plus longuement. J’ignorais encore à ce moment-là que cette discussion se terminerait bien plus rapidement que prévu.

Mon arcade sourcilière me piquait mais je ne me plaignais pas et le sang avait arrêté de couler, j’étais donc en capacité de rejoindre à nouveau l’entrainement, et aussi troublants les mots de Serena pouvaient-ils l’être, nous n’avions plus de temps à perdre, tous deux. Me contentant de hocher la tête, je la suppliais de venir me trouver avant de lâcher son avant-bras. « Je t’ai entendu. ». C’était tout ce dont j’étais en mesure de répondre face au peu de temps que nous avions, temps qui avait déjà été bien entamé par mon discours. Ce ne fut qu’une fois assuré qu’elle viendrait et ferait de son mieux, que je la laissai filer et apporter son vin à notre dominus. Dans le fond, bien que je connaisse les deux facettes « de la vie », je ne pouvais mépriser le fils de l’Etna entièrement et réprimer ses idées. Bien sûr que je n’appréciais pas la vie de servitude, mais je souhaitais avant tout faire les choses correctement, et je voyais en l’impartialité du fils de l’Etna, une menace certaine pour mes objectifs. Et tandis que les évènements s’enchainaient peu à peu en dehors des murs du Ludus, je craignais de ne pouvoir nous prémunir, Serena, Flavia et moi, des grands dangers à venir. Il me fallait encore trouver un moyen d’obtenir des informations pour être plus ou moins maître de mes actions durant cette révolte qui éclaterait. Car elle éclaterait belle et bien.

Le soir venu, je patientais sagement dans mes quartiers, puis, au fur et à mesure que les heures s’écoulaient, je commençais à me demander si elle viendrait enfin. Si je verrais la silhouette tant aimée pénétrer au sein de mon cabanon. Les minutes passaient et se ressemblaient, je tournai en rond puis revenais sur mes pas avant de finir par m’asseoir sur ma couche. Mains agitées par une anxiété évidente, je fus soulagé de voir finalement cette silhouette passer la porte, faisant bien attention à la garder ouverte, chose qu’elle ne faisait plus depuis un moment et qui ne manqua pas d’attirer mon attention, me faisant hausser légèrement un sourcil dans une expression d’interrogation. Je n’en fis cependant rien et me montrai courtois, la saluant respectueusement et me levant. Je ne pouvais m’empêcher de la regarder avec tendresse, chose qui était plutôt rare avec moi qui paraissais toujours plus froid qu’avenant et tendre. Malgré cette tendresse, il ne ressortait de cette entrevue qu’une gêne mutuelle face à la situation, et bien que je tente vainement de faire la conversation, cette dernière resta succincte jusqu’à ce que Serena ne prenne finalement la parole et ne se lance dans une tirade claire. Autant dire que je ne m’attendis pas à ces mots-là, je ne la connaissais pas si déterminée. Silencieux, je me contentais de l’observer d’un œil attentif et je l’écoutais. Je l’entendais et comprenais ses mots bien qu’ils me paraissent exagérés pour certains. Toutefois, je savais que je ne risquerais pas son amour pour une idée folle. Laisser tomber cette solution ne me plaisait pas mais je ne voulais pas le montrer, pas cette fois. La laissant exposer son point de vue tel que je le lui avais demandé, je respectais sa décision, du moins en apparence. Je comprenais bien le message qu’elle envoyait et je voyais bien la détermination dans ses prunelles. Le changement était flagrant et j’en étais même troublé d’une certaine façon. On ne résout pas tout dans le sang. La jeune femme avait raison, je le savais mais je restais un homme, un gladiateur de surcroit, à présent, et il m’était difficile de concevoir autre chose que cette idée. Je ne souhaitai pas l’évoquer une nouvelle fois.

« J’entends chacun de tes mots, et je les comprends. ». Il y avait bien un mais, mais ça ne servirait à rien de continuer davantage et cette dispute aussi l’épuisait. « Je n’apprécie pas me disputer avec toi, et je suis désolé si mes mots ont pu te blesser. Sache que j’ai entendu ton point de vue, et je ne souhaite pas que tu sortes de cette pièce… Pas cette fois. Je respecte ta volonté. ». Lui avouer que si jamais la situation devenait trop dangereuse je prendrai le risque ? Certainement pas. Mais je me savais capable de prendre la décision si jamais la révolte devenait trop dangereuse pour nous deux. Et uniquement dans ce cas-là. Pour lui sauver la vie je prendrai le risque, je ne faisais que rajouter une condition muette que je ne partagerais pas avec elle, car ce n’était pas utile de le savoir. « Tout ce qu’il y avait à comprendre de ma manœuvre c’était l’inquiétude de te voir blessée, ou tuée dans cette révolte qui arrive à nos portes. Ce n’est qu’une question de jours, ou de semaines tout au plus, et j’ai peur de ce que pourraient faire les différents maîtres de cette ville. Il y a toujours des langues vicieuses prêtes à tout Serena… Je ne crains que leurs méfaits. Je n’ai peut-être pas peur d’affronter l’arène, mais je crains pour ta vie et celle de Flavinia, bien plus que pour la mienne. ». Sur ces mots je laissai mes yeux se perdre sur le sol avant de me laisser lentement tomber sur le lit, assis. Il y avait tant d’inquiétudes… Je ne voulais plus perdre de gens que j’aimais. C’était cela, ma peur. « Je ne veux plus me battre avec toi, ou me disputer. Ca me déchire le cœur, me rend fou, tu comprends. ». Je ne voulais que l’aimer, et bien que Sextus nous l’ait interdit, je ne pouvais empêcher mon cœur de mourir d’envie d’elle.


Dim 16 Aoû - 11:57
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I KNOW DEEPLY INSIDE I CAN’T PREVENT
YOU TO HURT ME ANYWAY


La journée se déroula sans problème particulier même si Serena était contrariée. La jeune femme pourtant n’en montrait rien et seuls ceux qui la connaissaient bien sauraient deviner son humeur. Travaillant et se plongeant dans son labeur pour occuper son esprit, l’esclave se montrait particulièrement efficace ce jour là. Parfois, elle devait bien admettre qu’elle avait envie de pauses. Mais ce jour là n’étaient pas un de ceux là et elle y mettait toute son énergie jusqu’à ce que la nuit tomba. Là, elle hésita un long moment encore mais finit par respecter son engagement. Remus ne savait pas encore tout de ses activités nocturnes et elle ne voulait pas mettre Antiope dans une situation compliquée. Alors, pour éviter qu’il ne la fasse demander auprès de Sextus, elle alla le voir.

Laissant la porte ouverte, consciente désormais des intentions que pouvait avoir celui en qui pourtant elle avait choisi de placer sa confiance, elle restait à l’écart. Lorsqu’il la salua courtoisement, Serena eut l’impression de revenir des semaines en arrière et c’était une sensation quelque peu désagréable. Elle qui voulait tant se réfugier dans ses bras mais ses mains pouvaient bien s’armer en un instant... Ses yeux d’ailleurs observaient les mains du gladiateur à présent. S’apercevant qu’elle se perdait dans ses pensées, elle releva la tête et croisa le regard interrogateur et décida de ne pas répondre à cette question. Elle n’y était pas obligée. Il lui avait mainte fois répété qu’il voulait qu’elle exprime ses pensées et bien voilà qui était fait. Et la conversation prit une tournure si formelle que la brune ne supporta pas plus longtemps ce petit jeu. Serena était douce, du moins on la percevait ainsi. Une gentille petite créature pure de tout vice et étrangère aux plaisirs des hommes. Un bien rare, précieux selon certains. Une protection selon elle, elle savait bien que c’était la chose qui la rendait encore spéciale ici et intouchable. En théorie. La seule menace directe était Sextus mais il semblait avoir décidé de jeter son dévolu sur une gladiatrice. Les rumeurs se ranimaient peu à peu.

Et il était temps qu’elle se révèle pleinement. Les jours paisibles à Pompéi étaient déjà loin derrière, le fils de l’Etna allait changer leur vie. Elle devait donc se montrer forte, et courageuse pour que les dieux voient son potentiel et l’aident à dévier les lances ennemies, à sauver sa vie. Pour qu’ils l’épargnent, elle devait se montrer digne. Et puis, il fallait bien dire aussi que toute cette situation l’ennuyait profondément. Elle n’aimait pas foncièrement le conflit, et toute réprobation réveillait en elle un instinct qui l’obligeait à battre en retraite et à prendre tout le blâme pour sa personne. Elle l’aimait. Et voulait être aimée de lui. Mais s’ils ne pouvaient être ensemble au moins elle n’aurait aucun remord, juste quelques regrets. Les choses ne se passaient pas toujours comme on le voulait. Remus la laissa parler. Et plus les mots affluaient, plus son assurance et sa fermeté grandissait. Quand elle eut fini, un bref silence s’installa et son coeur se mit à battre vite, trop vite. Elle avait vraiment osé ? De courageuse, n’était pas encore devenue idiote ? Les premiers mots de Remus allaient être déterminants. Elle bloqua sa respiration, le souffle suspendu. Elle souffla seulement quand il annonça avoir compris ses pensées. Soulagée, elle se trouvait néanmoins un peu gauche.

Baissant la tête alors qu’il s’excusait, elle sondait son propre coeur. Etait-elle prête à lui pardonner maintenant ? Réalisant qu’il n’allait pas la mettre dehors, elle décida que oui. Il le fallait. Penchant la tête, elle trouvait toujours son idée absurde : il voulait la protéger d’une blessure ou d’une mort éventuelle mais il était prêt lui à se faire bourreau ? Quelle était la logique ? Ignorant la condition muette qu’il se mettait en tête, Serena savait déjà au plus profond d’elle-même qu’un tel acte serait certainement impardonnable. Elle réaliserait que ses sentiments pour cet homme n’était pas sains et demanderait immédiatement à Sextus de le maintenir éloigné d’elle. Mai entre ses intérêts et ceux de Remus, le Dominus privilégierait toujours celui qui lui faisait gagner de l’argent. Le champion aurait toujours l’avantage sur elle. Aimer était si compliqué. « Le destin est écrit, tu ne pourras pas le changer. Quand les Parques auront décidé de couper le fil de nos vies, ni toi ni moi ne pourront les en empêcher. »

La jeune femme assenait ses vérités comme de grands principes protecteurs mais Remus devait arrêter de se voir comme un héros. Il n’était pas Hercules, Achille ou Ulysse. Il n’était aucun de ces héros qui faisaient encore rêver tant d’hommes. Il était un champion, mais un parmi d’autres. Saurait-il vaincre ses pairs ? Serena le voulait en même temps il commençait à porter l’arrogance et l’orgueil de ceux qui se pensaient plus forts. Comme Priam. Et pourtant tous deux avait cette faculté d’aider les autres. Sauf que Priam était bien plus présomptueux encore. Perdue dans ses pensées, elle ramena ses yeux sur lui que lorsqu’il fit un mouvement et s’assit. Qui devait-elle devenir ? Elle culpabilisait un peu d’être également la source de ses maux mais... « Je ne sais pas qui je dois être... Ou qui je dois devenir. Nous ne serons jamais égaux, j’en suis consciente mais je te le demande vraiment : ne verse pas mon sang. Si nous devons en arriver là, je le ferai moi-même... » Ou pas. Ou plutôt, si jamais les choses tournaient aussi mal, elle s’ôterait elle-même la vie. Mais autrement, elle serait face au même homme qui avait vu sa famille disparaître et versé le sang de son frère. Comment pourrait-elle se sentir en sécurité près de lui s’il devenait un agresseur ?
Ven 28 Aoû - 19:51
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« CAN I HOLD YOU AT LEAST ? »


La journée m’avait paru des plus longues. Du genre de celles qui ne se terminaient pas, même l’entrainement fut un fardeau, moi qui prenais pourtant un malin plaisir à échanger quelques combats avec mes frères d’armes. Frère. Lorsque j’y réfléchissais, cette dénomination sonnait encore de manière étrange jusqu’à mes oreilles, quand bien même je sus que dans mon âme je pensais réellement ces mots lorsque je les disais à voix haute. De frère de sang, je n’en avais eu qu’un, et il s’était avéré être un être plus que méprisable, et visiblement envieux de surcroit. Comment avais-je pu être aussi aveugle à l’époque ? C’était une question à laquelle je n’obtenais, et n’obtiendrais sûrement jamais de réponse, sauf une qui me dérangerait probablement. Mon dévouement pour mon engagement au sein de l’armée Romaine avait été tel que je n’avais même pas vu ce qu’il se tramait au sein de ma propre famille. Serena, dans le fond, avait raison de me craindre, bien que j’ignore ses pensées, le jour du drame j’étais devenu un être ignoble et aussi méprisable que mon propre frère, et le pire était encore d’actualité aujourd’hui : je ne regrettais absolument pas de lui avoir ôté la vie. Alors quand j’entendis la brune me parler des Parques et du Destin, je ne pus m’empêcher de hocher la tête en pinçant les lèvres, à présent assis sur mon lit de fortune. Laissant ma langue passer sur ma lèvre inférieure, je levai les yeux vers Serena. J’avais compris son discours et je comprenais ses mots, je le lui avais dit, tout comme je lui avais dit que nos disputes me rendaient fou, et me blessaient. La voix de la jeune femme s’était d’ailleurs adoucie quand elle eut compris que je respectais son choix. Et je le respectais bel et bien. Mais le Destin ?

« Alors… Si mon frère a perdu la vie ce serait simplement parce que le Destin, et les Parques en auraient décidé ainsi ? ». Je n’avais pas pour habitude de parler de l’acte qui m’avait mené jusqu’à l’intérieur de ses murs. « Bien que je comprenne ce que le Destin essaye de me montrer, en t’ayant trouvé toi, je n’arrive pas à comprendre le but de tout ceci. Je joue avec lui chaque fois que je rentre dans l’arène, et jusqu’ici, que les dieux soient bénis, j’en ressors toujours vivant. Mais… Pour quelle raison ? Dans le fond, n’ai-je pas commis un acte horrible ? Pourquoi les Enfers voudraient-ils que quelqu’un comme moi reste en vie et qu’une âme innocente et si pure, telle que la tienne, ne mérite pas de continuer à vivre ? ». Il déglutit. « Parfois j’essaie vraiment de comprendre Serena, je veux leur faire confiance, à eux, au Destin, mais te perdre, toi ou Flavinia, serait bien trop… Grave. Douloureux. Alors, oui, peut-être que mes idées sont insensées, mais je ne veux pas vous perdre. J’ai déjà perdu Flavinia une fois, je ne veux pas recommencer… ». Sur ces mots, je me tus. J’ignorais même pourquoi je m’étais lancé dans une telle tirade, ça ne me ressemblait pas vraiment et me déconcertait. Pris d’un nouveau besoin de bouge, je me remis en appui sur mes jambes et je filai dans un des coins de la pièce, dos au mur.

Les mots de la jeune femme me firent baisser les yeux, jusqu’à ce qu’elle ne dise finalement que si nous arrivions au point de non-retour, elle-même lèverait la main sur son corps. Elle-même ferait verser son propre sang. Interloqué, je levai les yeux pour la regarder. Cette détermination était si… Nouvelle. La bouche entrouverte, je cherchais les bons mots, mais je finis par me résoudre en me disant que peut-être, je n’aurais pas besoin de garder l’hypothèse de sécurité, celle où je serais tout de même amené à la blesser pour lui sauver la vie. Je comprenais l’enjeu impartial de ces mots, elle me prévenait du danger qu’un tel acte pourrait représenter pour nous deux, pour notre perspective d’avenir. Elle ne me le pardonnerait jamais. « Je te l’ai dit… Je respecte ta décision. Je ne te toucherais pas autrement que pour t’aimer. ». Je venais de promettre plus ou moins que je ne lèverai pas la main sur elle, il me faudrait m’y tenir, je le savais. J’avais « perdu la partie ». Au jeu des mots Serena avait été bien meilleure. Une arme à la main je restais le maître dominant, mais avec les mots, c’était toujours plus… Compliqué.

Les yeux rivés sur elle, je ne voulais plus la quitter du regard, et puis sans crier gare, je me dirigeai vers elle et la prit dans mes bras. Sentir son corps contre le mien me faisait du bien et apaisait mes pensées malmenées. J’espérais qu’elle ne m’obligerait pas à reculer, et que la hache de guerre était belle et bien enterrée.

Cet échange avait toutefois été nécessaire pour nous deux, surtout pour moi je le reconnais, vivre une autre journée comme celle-ci n’était même plus à l’ordre du jour. Je ne voulais plus revivre cela, ce doute qui vous assaille et vous prend aux tripes sans que vous ne puissiez rien y faire. L’idée que peut-être vous aviez tout perdu en une fraction de secondes. J’avais perdu mon calme la première fois, ce soir je l’avais retrouvé. Caressant les cheveux de Serena je ne m’imaginais pas ailleurs, je profitais juste de ce que nous pouvions partager. Je mourrai d’envie d’embrasser ses lèvres à nouveau, mais me le permettrait-elle ? Je n’en savais rien.
Sam 12 Sep - 12:54
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I WANNA BE LOVED


Le destin était maître des vies, y compris de celles des dieux. Eux-mêmes ne pouvaient aller contre. C’était une force immuable, une route tracée. Il n’y avait pas de bien ou de mal, du moins comme la notion serait comprise avec l’arrivée des premiers chrétiens. L’honneur comptait plus que tout et s’il avait outrepassé la justice la peine reçue était juste. Mais qu’aurait-il fait dans l’armée ? Il serait resté un soldat parmi d’autres et se serait fait tué sur un champ de bataille... Inconnu. Aujourd’hui, il était un héro pour la ville de Pompéi, il était un modèle et connu. Son destin était glorieux même si la peine restait capitale. Il avait tué son frère. Son sang. Ses motifs étaient probablement bons mais il n’avait pas eu la présence d’esprit de le faire loin du foyer, sans témoin. Il avait sali l’honneur de son nom et il en payait aujourd’hui le prix. Et elle, elle se retrouvait à aimer cet homme. Sa question la surprit. En tant que romain, la religion avait été au coeur de sa vie. Les divinités régissaient la vie de la famille, il y en avait pour chaque occasion. Et c’était comme s’il reniait ses dieux... Et surtout, il disait une ineptie. Du moins, selon son ancien maître. « Non, c’est toi qui a décidé de lui ôter la vie ou bien tu as été guidé pour le faire. Mais ton destin est bien plus glorieux maintenant qu’il ne l’aurait été si jamais tu étais resté dans ton ancienne vie... ». Le choix, le libre arbitre, n’existait pas toujours. Peut-être que Mars avait guidé sa main, ils ne le sauraient probablement jamais.

La conversation prit une tournure surprenante. Et elle n’était pas certaine de pouvoir répondre à ses questions. Non. Elle n’avait surtout pas la prétention de pouvoir y répondre. « Je ne peux pas répondre à la question tout ce que je sais c’est qu’il y a une raison. Tu es un héros aujourd’hui... Tu te montres digne des dieux. Tu attires leur attention et leur donne peut-être envie de te protéger. Moi, je suis née esclave, je ne mérite même pas leur regard sur moi... Je n’ai aucune valeur... ». Elle avait baissé les yeux. S’il essayait de savoir s’il pouvait faire confiance à la Destinée, non. Elle pouvait se révéler tragique également... Ce n’était pas vraiment le gage d’un bonheur, simplement l’accomplissement de ce pourquoi on était né. Elle était née esclave, elle devait donc servir ses maîtres. C’était aussi simple que cela. « Je comprends tes craintes mais personne ne peut te promettre de telles choses... C’est... La vie. Et c’est... Compliqué.» L’observant se lever, elle comprit cependant qu’il avait besoin d’une assurance. Bien.

Elle opta donc pour un compromis. Il ne mettrait pas la main sur elle, mais si elle sentait que la situation était trop dangereuse, elle se blesserait elle-même. Voilà. Ils auraient chacun ce qu’ils voulaient. C’était à ses yeux la meilleure solution. Le regard surpris qu’il lui lança la décontenança. N’était-ce pas ce qu’il voulait ? Ou bien trouvait-il cette idée folle ? Parce qu’elle l’était moins que la sienne. Finalement, il acceptait. Elle commença à sourire jusqu’à ce qu’il ne mentionne dans quelle circonstance il s’autoriserait à l’aimer. Son coeur fit une embardée. Ses joues rosirent légèrement. Elle avait tellement envie de pouvoir s’autoriser à se laisser aimer mais... Elle avait détourné les yeux, trouvant le mur soudain bien plus intéressant. Hum. C’était si cruel... Il avait un tel effet sur elle mais ils ne pouvaient rien faire. Du coin de l’oeil, elle perçut un mouvement mais le temps qu’elle ramène son regard sur lui il l’avait déjà prise dans ses bras.

Quand elle réalisa la situation, elle se sentit d’une part soulagée et... Le contact la fit frissonner. Elle avait fermé les yeux et inspira. Son odeur était si enivrante... Elle déglutit. Lui était probablement simplement soulagé mais de son côté... Elle se mordit la lèvre. C’était une véritable torture. N’y tenant plus, elle leva la tête et l’embrassa un peu trop passionnément. Bien plus que ce qu’elle prévoyait au départ... Son esprit s’était vidé de toutes pensées cohérentes, il ne restait plus que ce merveilleux sentiment d’amour.
Dim 4 Oct - 16:16
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« AND I WANNA LOVE YOU. NOW. »


La religion. J’avais plus ou moins perdu la foi en mes dieux au moment même où ma vie avait basculé d’un côté qui ne me plaisait pas du tout. En une fraction de minutes, en un geste malencontreux, j’avais tout perdu. J’avais appris avec le temps qu’en aucun cas ils ne m’avaient forcé la main, que ce choix avait été pris par moi, et moi seul. Malheureusement pour moi, il restait intérieurement un goût amer, au fond j’aurais préféré obtenir un signe d’eux me permettant de comprendre l’horrible évidence sur mon frère. Un signe qui m’aurait évité tout ce drame, ce déshonneur. J’acceptais mon propre sort, ayant commis un acte odieux que je ne regrettais pourtant pas, là où je ne me pardonnais pas à moi-même était le fait qu’à cause de mes actes, ma fille en avait également souffert. Non seulement elle avait perdu une mère aimante et son père, mais elle avait été condamnée à la servitude, sans aucun moyen d’en réchapper. A l’évocation de mon acte, chose que je n’avais encore jamais fait avec Serena, je me rendais compte de la peur que je pouvais lui insuffler, et je comprenais mieux son attitude de ce soir, cette méfiance. Un homme qui avait tué un membre de sa propre famille était encore plus dangereux que tous les autres. Et si je me refusais le mot « criminel », j’en assumais néanmoins le crime.

Les mots de Serena étaient apaisants, quand bien même mes interrogations furent plus ou moins floues, j’avais tendance à me perdre dans le fil de mes réflexions. Sûrement à cause de la fatigue. Le Destin pouvait avoir une part dans ce qui m’était arrivé, mais comme la brune le faisait, il n’y avait là que des suppositions. Main guidée ou non, le résultat était le même aujourd’hui. J’étais un esclave, je me battais dans l’arène et le pire dans tout ça était que j’aimais ça. La servitude peut-être pas, mais l’adrénaline et le goût du jeu, oui, je m’en remettais volontiers au sort que l’on me réservait entre les murs de l’enceinte de l’arène, avec toujours cette rage de vaincre. Toutefois, en entendant le mot héros sortir des lèvres de celle que j’aimais, je ne pus m’empêcher de grimacer en levant les yeux sur elle. Je n’étais pas d’accord et m’apprêtais à lui dire quand elle se jugea inférieure à ce que j’étais. Je ne pouvais pas la laisser penser cela. Mes traits se détendirent bien que la surprise soit lisible dans mes yeux. « Si les dieux ont le regard rivé sur moi, comme tu le penses, alors ils tournent obligatoirement leurs regards sur toi. Je ne te laisserais pas penser que sous prétexte que tu es née esclave, tu ne vaux rien à leurs yeux. Si par un quelconque hasard les Dieux ont souhaité que je suive ce chemin-là, ils m’ont béni de ta présence. Être né esclave ne signifie pas que tu puisses être insignifiante. Tu ne l’es pas, et ne l’a jamais été. Pas à mes yeux. Et tu vaux beaucoup plus que tout l’or qu’on pourrait m’offrir. Ne l’oublie jamais. ».

Sur ces mots, je me levai comme ne tenant plus en place, et je la rassurai. Le compromis avait été trouvé et il acceptait sans rechigner. Le simple fait qu’elle puisse se blesser elle-même me surprenait et je me rendais soudain compte du courage dont elle faisait preuve. Rassuré et soulagé, je lui disais que je ne lèverais pas la main sur elle, et que je ne la toucherais que pour l’aime. Les joues rougissant ne passèrent inaperçues à mes yeux et je ne pus retenir un léger sourire avant de finalement me diriger vers elle pour la serrer dans mes bras. Ce simple contact me permis à aller de l’avant et à comprendre la force de mes sentiments envers elle. Je ne voulais plus me disputer ni argumenter à ce sujet, je ne voulais que sa présence et ses lèvres contre les miennes. Je n’osais l’embrasser, de peur qu’elle ne se sente pas encore prête, face à la colère qui avait pu la submerger durant la journée. Toutefois, je n’eus pas besoin de me tarauder l’esprit bien longtemps, car en redressant la tête elle m’embrassa avec tant de passion que je dus prendre sur moi pour ne pas la serrer davantage.

L’amour et la passion que m’envoyait Serena empêchèrent mon esprit de filer droit, il n’y avait plus de doute, plus de peur, juste un sentiment partagé qui faisait battre mon cœur avec ardeur. Instinctivement, je finis par rapprocher son corps du mien, une main dans le bas de son dos. Nous ne pouvions franchir le pas, notre dominus l’avait interdit, mais j’avais tellement envie de sentir sa peau contre la mienne et ce baiser que je prolongeais était si intense qu’il m’était difficile de résister ou de la repousser. Je restais un homme, quoi qu’on puisse en dire, gladiateur ou non, et je ne voulais aucune autre femme. Je ne voulais qu’elle, et je voulais l’aimer, maintenant.
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