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POMPEII, TERRA DEORUM ₪ :: Ludus Lucretius :: Ludus
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Arene
Lun 31 Mar - 0:08
SAVOIR C'EST POUVOIR ₪ Ulysse   




Priam
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Savoir, c’est pouvoir
Ulysse & Priam




An 725 depuis la Fondation de Rome, veille des Kalendes d'Avril
Crispinia, Tertullia, Lycisca… Déjà mes frères spéculent, le subligarium en feu, sur la putain dont ils achèteront les faveurs demain. Suspirium se penche vers moi et me demande d’un air goguenard si je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’il prenne ma part. Les autres pouffent et je lui décoche un sourire du même acabit :

-C’est ça, baise donc pour moi ! Un prêté pour un rendu…

D’une main j’arrache bien volontiers la moitié du morceau de pain servi avec sa ration du midi dans laquelle je mords avec cœur. Une protestation s’élève de sa gorge tandis qu’il essaye de reprendre le morceau restant que je maintiens hors de sa portée. Une vague de bonne humeur et de camaraderie semble s’élever de notre tablée, chose devenue rare par les temps qui courent…

Aussitôt, derrière nous, l’ombre menaçante d’un garde se profile. Les rires se tarissent dans les gorges. Chacun baisse les yeux et replonge son nez avide dans son ragoût. Je rends docilement à Suspirium son morceau de pain tandis qu’il s’écarte de moi pour retourner à son repas à son tour. Nous ne prononcerons plus un mot jusqu’à la fin de la pause méridienne.
Mon humeur s’assombrit encore davantage. J’ignore jusqu’à quand nous aurons à subir cette surveillance accrue et ce retour de bâton. La responsabilité qui m’en échoit me met d’autant plus mal à l’aise vis-à-vis de mes compagnons.

Il y a plusieurs jours, mes frasques m’ont valu la flagellation, un souvenir ô combien douloureux pour ma peau, cuite sous les assauts répétées des lanières de cuir. Mais même ces plaies aussi douloureuses soient-elles finissent par guérir...  Elles ne sont que symptomatiques de celles infligées à mon orgueil qui, elles, sont bien loin de connaître le repos. C’est ma fierté à vif qui m’a poussé à me ruer ainsi sur Cataegis et à briser les règles sacrées de notre vie au ludus en le frappant avec une rage incontrôlée.
Derrière ses regards et ses paroles, j’ai compris qu’il essayait d’éprouver jusqu’où la perte de mon titre de Champion avait affaibli ma position au sein de notre communauté et voir s’il pouvait ainsi en tirer quelque avantage. Même dans notre meute, le combat est permanent pour asseoir sa position et le respect de ses semblables. Ainsi si les miens ont pu vaciller au cours ce dernier mois, Cataegis m’a donné l’opportunité de prouver à tous sous ce toit que, Champion ou pas, je n’avais rien perdu de mon mordant. Une assise qui s’est obtenue au prix de notre confort à tous car depuis, la vigilance de nos maîtres s’est accrue, de toute évidence déterminés à montrer à notre meute qui demeurent les véritables dominants…

Le garde s’est éloigné et mes compagnons de tablée commencent les uns après les autres à se lever après avoir terminé leur ration. Tandis que je termine la mienne, mon regard s’arrête un peu plus loin sur un compagnon également attablé. Ulysse, le rétiaire. Le Romain…

Je jette un regard par-dessus mon épaule, le garde a disparu. Pour le moment. Je plonge mon regard dans ma gamelle, hésitant. C’est dire comme il m’en coûte de me tourner vers lui. Depuis qu’il a débarqué, je ne l’aime pas beaucoup. A vrai dire, je faisais partie de ceux qui le pensaient mort dès son premier combat et avait d’ailleurs misé gros sur sa défaite. Et puis il a survécu. Il a également survécu au second, puis au troisième… Puis il a bien fallu faire l’aveu –même tacite, n’exagérons rien- de son talent au combat. Il manie bien cette saloperie de filet et depuis sa démonstration chez les Claudii il y a quelques mois de cela, je ne m’en méfie que davantage. Une sacrée victoire ce soir-là, montrant une nouvelle fois, s’il en était besoin la supériorité indiscutable de notre maison. Un lustre passé qui nous semble à tous aujourd’hui révolus, au vu des plus récents événements… Un  lustre passé que je m’assurerai de ne pas voir s’éloigner plus encore, Némésis m’en soit témoin.

Reste que même si je le compte désormais en frère respectable, je ne l’aime pas, le Romain. Et la requête que j’ai à lui formuler me semble, vue d’ici, insurmontable. Je me renfrogne à cette pensée. Après tout à quoi bon… ? Je ferais mieux de concentrer mes efforts à la reconquête de mon titre plutôt que de courir après cette chimère…  Je me rends bien compte que je ne suis pas prêt à m’asseoir encore davantage sur mon orgueil bien trop meurtri ces temps-ci… Ses compagnons de tablée semblent sur le point de partir, ils se lèvent. La mine sombre, je parviens à trouver l’élan nécessaire pour me lever à mon tour, empoigner ma gamelle et prendre la direction de la tablée d’Ulysse.

En chemin, ma route croise celle de Cataegis, qui vient à son tour de finir son repas et nous nous trouvons nez à nez. Sur son visage tuméfié, je lis la haine bestiale. Instinctivement, mon corps se raidit et mes muscles se tendent, il me fait écho comme dans un miroir. Je m’attends à ce qu’il s’écarte pour me laisser passer, il fait de même. Nos regards se vrillent et après quelques secondes où la tension est presque devenue palpable entre nous, un frère qui l’accompagne, l’empoigne par l’épaule et le force à le suivre. Je comprends : le garde, bien que regardant dans une autre direction, vient de refaire son apparition...

L’incident se clôt ici, pour l’heure, et nous reprenons chacun notre route. Enfin, après une dernière hésitation, je pose sans grâce ma gamelle et ma cuillère sur la place face à Ulysse alors que toutes les autres, ou presque, autour de nous sont libres. Je me donne le temps de terminer mon ragoût, taciturne. Non, vraiment je ne l’aime pas…
Oui, mais il sait, lui…

Ma dernière bouchée à peine déglutie, le regard fuyant, je grogne sans grande conviction:

- J’aurais besoin de toi…

Sans lui laisser davantage le temps de s’interroger et d’ouvrir sa grande gueule, j’enchaîne :

- Pour un service… -puis semblant de me souvenir d’un détail important à mentionner, susceptible de séduire ce joueur invétéré, je précise avant même d’en éclairer le motif- Et je paye.

Il me reste suffisamment de gains accumulés ces derniers mois, particulièrement fastes, pour envisager rémunération pour sa peine. Tout se monnaye dans ce bas monde et je n’attends aucune grandeur d’âme de la part d’Ulysse. Je ne veux rien lui devoir, ni à lui, ni à personne.
J’ai aussi l’espoir que cet or l’aidera à tenir sa langue, car s’il lui prenait l’envie de révéler à tort et à travers ce service que je réclame de lui…

Arene
Mer 2 Avr - 15:23
Re: SAVOIR C'EST POUVOIR ₪ Ulysse   




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Trop équilibré, bien trop équilibré, je ne puis m’empêcher de me faire la remarque en mâchant la bouillasse servie. Depuis nos exploits avortés aux jeux civiques il est clair que Fronto à privilégié les restrictions… Enfin, Fronto devrais-je dire Ilyhtia, sa sœur cadette cette méprisable créature. Tous ici ont compris que c’est elle qui menait la danse, qu’elle portait les bourses. S’ils ne l’ont pas compris c’est qu’ils sont aussi fats que celui dont j’entends le râle, sur ma gauche. Priam. Je lance à mon compagnon un regard dédaigneux. Il trouve le temps de s’amuser alors qu’il nous a tous réduit au déshonneur !

Après mon irradiante victoire chez les Claudii j’ai cru voir ma chance arriver … en vain. Les Dieux nourrissaient d’autres desseins pour moi. Ils m’ont fait combattre l’Egyptien… Ce colosse venu par les mers… J’ai perdu. Ma seule satisfaction réside dans le fait que le favori de Naevius m’a peut-être gagné mais il n’a pas participé au dernier combat. Non, le dernier a été dansé par Priam… Je relâche ma cuillère et l’observe du coin de l’œil.

L’inintelligence même.

Pour une danse s’en était une. Ce moins que rien, trop sûr de lui est tombé de bien haut. Quand bien même il ait terni la réputation de notre ludus, je suis satisfait. Ce Remus l’a remis à sa place comme nous aurions du le faire depuis bien longtemps.

Un garde m’observe un air inquisiteur, trop inquisiteur, la vision du chien m’a coupé l’appétit mais tant pis j’avale.

Depuis quelques temps, le ludus m’étouffe et je me rends bien compte que la vie que j’ai choisi et dans laquelle je me suis engagée n’a rien avoir avec ce que j’avais rêvé. Ni gloire, ni amitié, ni femme. Il m’arrive parfois de me dire que je suis aussi fat que ce bougre. J’hausse les épaules pour moi-même tant pis je vais persévérer. La place du favori est libre maintenant.

Perdu dans mes pensées j’en oublie presque le bruit métallique d’une gamelle lancé sur ma tablée. Je relève mon regard. Lui. Il s’assoit comme si il était encore le maître ici. Fait, je t’en prie esclave. Je pique à nouveau le nez dans ma gamelle, je ne veux pas me faire remarquer par des haussements de voix par les gardes. L’ignorance reste donc la meilleure option. Il semble faire de même.

Silence.

J’entends un grognement étouffé : « j’aurais besoin de toi… -Ne fais pas cette tête lecteur : je suis tout aussi surpris que toi!- Je fais mine de ne pas entendre, je n’ai pas le temps pour ses jérémiades. Pour un service … et je paye. »

Il paie ? Me prend-t-il pour une des filles de la Félix ? Je continue de manger. Il n’est plus le champion de ce bas monde, qu’il passe son chemin. Je ne parle pas aux gueux. J’attends de longues minutes. Mais il est toujours là, le bougre a même délaisse sa cuillère pour gagner du temps…

Il ne va pas me lâcher.

Je souris, j’avais oublié : les esclaves sont comme des chiens collés à leur maître. Je le toise. Oui, je pourrais presque voir sa langue pendante et haletante. Un service ? Je fais tomber ma cuillère moi aussi.

Je vais lui expliquer.

« Toi, tu commences à me baver sur les rouleaux. »

Il m’avait pris de haut me dénigrant jour après jour. Il m’avait ignoré tandis qu’il jouait à l’empereur Auguste –version crasseuse-. Il nous avait tous réduit à des amateurs face à Naevius. Et maintenant… maintenant qu’il n’avait plus rien il voulait tout. On reconnaissait bien là la race inférieure.

Je jette un coup d’œil derrière son épaule : l’ombre n’est pas.

« Laisse le génie de la lampe éclairer ta lanterne… Si tu te pointes encore, tu peux être sur que tu repars avec ta bite dans une tupperware ».

Je replonge mon âme solitaire dans ma gamelle, m’apprêtant à devoir riposter encore : aucun chien ne part sans avoir eu son os et vu que mon interlocuteur à une intelligence comparable, le combat s’annonce de taille.
Arene
Dim 6 Avr - 23:02
Re: SAVOIR C'EST POUVOIR ₪ Ulysse   




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Savoir, c’est pouvoir
Ulysse & Priam




Le silence tombe entre nous. Un silence sans fin. Je m’apprête même à réitérer ma phrase, certain qu’il ne m’a pas entendu. Il est peut-être demeuré, c’est ce qui expliquerait les grands airs qu’il se donne… Le bougre ne tarde pas à me détromper dès qu’il ouvre la bouche pour déverser son fiel. Je me renfrogne. Je ne m’attendais pas à un accueil ni amical, ni chaleureux mais l’air goguenard qu’il affiche me débecte.

-Crois-moi bien, je préférerai me la couper plutôt que d’être devant ta face de morue. Et d’ailleurs, je mets les pieds où je veux… Et c’est souvent dans la gueule… - je désigne d’un geste du menton Cataeris qui s’arme pour reprendre l’entraînement, défiguré par mes bons soins.- Si tu vois ce que je veux dire…

Les Dieux savent comme je brûle d’infliger un sort similaire à ce foutu Romain qui nous prend tous pour ses larbins depuis son arrivée ici… Même l’ombre du fouet –encore- ne parvient pas à éclipser totalement la pensée, ô combien satisfaisante, de lui asséner la dérouillée qu’il mérite. Si je ne craignais pas que cette récidive ne ma vaille, cette fois, bien plus cher que des lacérations sur mon dos…
Il n’empêche que mon orgueil, qui depuis le missio n’est pas prêt à supplier de nouveau et pour longtemps, s’embrase. Il est encore plus chatouilleux, si c’est toutefois possible, qu’avant et à défaut de pouvoir laisser parler mes poings, je me relève prêt à quitter son auguste compagnie :

-Ecoute, César, je te laisse la semaine pour réfléchir : t’es intéressé par mon or ou tu l’es pas. Si non, je trouverai bien quelqu’un d’autre...

J’empoigne ma gamelle vide et quitte sa table sans plus de grâce que je ne m’y suis assis. Et puis comme je lui tourne le dos pour m’éloigner, prétendant le détachement le plus complet, l’angoisse me saisit comme je me rends compte à quel point ma fierté est mauvaise conseillère. Je trouverais quelqu’un d’autre…? Mais qui, triple imbécile?

***

Le strigile parcourt ma peau, chassant avec elle toute la sueur et la crasse d’une journée de dur labeur. Lorsqu’elle épouse mon dos encore meurtri, je grimace. Les esclaves attitrés à notre hygiène se montrent toujours d’une infinie délicatesse pourtant, et celui-ci n’échappe pas à la règle. Je m’abandonne à ses mains expertes et prend le luxe de fermer un instant les yeux. Mes muscles endoloris par l’entraînement se détendent l’un après l’autre tandis que mes poumons s’emplissent de la vapeur des bains. J’aime ces petits moments de calme avant la tempête… Car il y en aura bien une, n’est ce pas ? Pour un oui ou pour un non.
Les gardes toujours n’ont pas desserrés leur surveillance à notre égard, et il y a quelques instants encore, ils nous poussaient comme du bétail comme nous mettions trop de temps à leur goût à rejoindre nos parties communes après l’entraînement. Comme j’ai hâte que Fronto se remette pour de bon le corps et l’esprit en place… J’ai l’espoir qu’il nous laissera revenir à nos vieilles habitudes plus souples… Je n’espère pas me retrouver dans ses meilleures grâces comme auparavant, mais cela sonnera la fin de la tyrannie de sa blonde de sœur, ingénue métamorphosée en harpie par je ne sais quel maléfice…

Quoiqu’il en soit, malgré cette surveillance de tout les instants comme si nous étions des bêtes sanguinaires prêtes à nous étriper d’un claquement de doigt –certes, je n’y suis peut-être pas étranger- il nous reste un dernier havre de paix. Ici. Les gardes veillent derrière la porte, mais je crois que la moiteur difficilement autant que notre nudité impudique les met particulièrement mal à l’aise. C’est donc pourquoi je m’autorise à savourer cet instant de langueur, tandis que bon nombre de mes frères reprend déjà le chemin de leur cellule.
Quand je rouvre les paupières, je me trouve ramené à la brusque réalité par la silhouette d’Ulysse qui se découpe, nez à nez, devant moi. Enfin, « nez à nez » n’est peut-être pas l’expression la plus appropriée… J’attrape un tissu de lin, qui nous sert à cacher sommairement notre intimité lorsqu’il nous prend l’humeur d’en avoir une, et lui balance au visage :

-Tu permets… ? –puis je grommelle- Qu’est ce que tu veux ?

S'il me court encore sur le haricot...
Je n’en ai pas oublié ma requête, mais notre dernière entrevue il y a quelques jours m’a échaudé. J’ai même déjà commencé à en faire mon deuil. Qu’est ce que j’ai bien pu penser ? J’aurais eu meilleur espoir encore à demander ce service à Remus lorsqu’il m’a collé son glaive sous la gorge…

Arene
Jeu 10 Avr - 14:32
Re: SAVOIR C'EST POUVOIR ₪ Ulysse   




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Je laisse Priam déverser sa rage en continuant d’avaler mon repas. Je ne l’écoutais que d’une oreille distraite quand il me compara à une morue, le pauvre ne devait jamais en avoir vu de ses yeux pour oser une telle comparaison…

Je regarde Cataeris ou du moins ce qu’il reste de lui. Rien à dire Priam à fait du bon travail … quand on aime le travail grossier. Qu’il essaie de me faire la même chose et ce ne sera pas que des plaies dans le dos qu’il aura. Je ne suis pas Cataeris, heureusement d’ailleurs…

« Ecoute, César, je te laisse la semaine pour réfléchir : t’es intéressé par mon or ou tu l’es pas. Si non, je trouverai bien quelqu’un d’autre... »

J’ai arrêté de regarder la victime et au bourreau je préfère me concentrer sur les dernières cuillères de mon repas. C’est fou comme c’est peu goûteux… Il faudrait trouver un petit ingrédient qui relève le goût, en soi ce n’est pas mauvais… Priam se lève, sans grâce –mais pourrait-on lui en vouloir ?- et retourne d’où il vient. Il a peut-être compris que ça ne sert à rien de me soudoyer d’avantage, je ne suis pas à acheter. Qu’il trouve quelqu’un d’autre… Je n’en ai rien à faire. Je termine de manger, l’incident clos et oublié avant de me diriger vers l’entraînement qui reprend.

Ave César. Ave moi.


***

Quelques jours plus tard...

La journée est terminée.

J’aurais pu apprécier les bienfaits des mains des esclaves parcourant mon corps et la perspective d’une nuit de sommeil profond si je ne sentais pas le regard de mes créanciers dans l’ombre. Je grogne et chasse d’un coup de bras l’esclave : même ses mains expertes ne seraient pas me décontracter ce soir.

J’ai replongé.

Moi qui m’étais promis de ne jamais retoucher aux jeux, j’ai déshonoré ma conscience. Il faut dire  que mon moral était au plus bas ces derniers jours : pas de victoire personnelle, un ludus déchu, une domina plus féroce que jamais dont je m’étais accaparée les foudres avec ma grande gueule, et enfin … pas de femmes sur qui passer mes soucis et m’oublier quelques instants. Rien. Il n’y avait qu’un quotidien miséreux qui revenait sans cesse jour après jour… Et comme si j’avais oublié pour quelles raisons j’étais atterris ici : j’avais recommencé. Un petit pari, j’avais regrettablement gagné : Priam n’avait pas gagné. Et puis … il y en avait eu d’autres et les pertes s’étaient accumulées… Je mis un coup de point contre le mur. J’étais fait comme un rat ! Ils auraient ma peau et ces barbares s’en ferait des scalpes… Enfin…

Assis sur un banc de pierre, la tête entre mes mains, je réfléchis. Cette fois je ne peux pas fuir. Je n’ai pas envie de fuir. Et puis mes dettes sont sommes toutes très raisonnables… Mais les hommes de ce bas-monde sont tellement après leur maigre butin qu’ils ne vous laissent pas le temps d’échafauder un plan… Puis tout d’un coup, je revois le visage de l’âne bâté qui me propose de l’or contre un service… Je grimace, j’espère qu’il ne s’attend pas à se livrer à des jeux intimes, je dois avouer que je n’ai jamais été attiré par les hommes.

Je me lève.

La plupart de mes frères se dirigent déjà vers leur cellule, certains se prélassent encore entre les mains expertes, mais mon regard déterminé ne s’attarde pas sur eux. Priam… Priam… Où es-tu ? Aah le voilà, regardez comme il est mignon à fermer les yeux, je n’aurais jamais imaginé ça de la bête.

Je m’approche à pas feutré, trop heureux d’être le spectateur d’un moment de jouissance de l’ancien champion.

« C’qui est embêtant avec les oiseaux c’est le bec. »

Un sourire moqueur se dessine sur mes lèvres quand il ouvre les yeux. Je recule d’un pas, loin de moi l’envie de lorgner sur sa sardine parce que quand on a le goût de la chose, quand on le goût de la chose bien faîte on comprend que mon dauphin me suffit largement. Je l’observe se cacher derrière son pagne, je n’ai jamais compris la pudeur que pouvait ressentir certains d’entre nous à l’égard de leur nudité… Je n’en avais jamais souffert, et d’aussi loin que mes souvenirs remontent mon peuple non plus. La nudité entre homme n’était pas quelque chose de taboue…  J’hausse les épaules, oui mais cet homme n’est pas romain.

« Qu’est ce que tu veux ? »

Je sens mon sourire disparaître et mes sourcils se froncer. Pour l’instant je lui suis supérieur mais je crains le moment où je vais devoir ramper, pour finalement lui dire que oui, j’ai besoin de son or. Intérieurement je boue et à force d’un grand silence j’articule enfin :

« Ton or. »
Arene
Mer 16 Avr - 19:12
Re: SAVOIR C'EST POUVOIR ₪ Ulysse   




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Savoir, c’est pouvoir
Ulysse & Priam




Un vis-à-vis privilégié avec la lamproie du Romain, voilà un bien brusque retour à la réalité…
Comme son silence s’éternise après ma question, je me redresse et pose mon avant-bras sur mon genou pour y laisser reposer le poids de mon corps tandis que je relève un regard à la fois sombre et impatient sur mon interlocuteur. J’espère qu’il vient avec une bonne raison pour me tirer ainsi du moment le plus attendu de ma journée et de cette manière pour le moins abrupte. Je ne quitte pas des yeux les expressions de son visage. Je crois déceler une certaine pâleur –mais comment savoir dans ces sous-sols mal-éclairés ? Ce qui est certain en revanche c’est que son air d’ordinaire toujours si goguenard s’est subitement mué en masque de cire. Je crois que je commence à comprendre.

« Ton or. »

Comment l’éviter… Mes lèvres s’étirent en un sourire savoureusement narquois tandis que j’hoche la tête. Deux mots, le plaisir est aussi court que simple, mais venus de la bouche d’Ulysse, je ne saurais leur trouver plus de goût dans la bouche de n’importe qui d’autre. César daignerait-il reconsidérer le petit personnel ?
Je sais d’où lui vient ce changement d’humeur aussi soudain, je ne le sais même que trop : ce fils de chienne m’a plumé de trois deniers il n’y a pas deux jours de cela. Je n’ai jamais vu personne avec une telle chance de cocu aux dés…

Mon premier élan, provocateur, me pousserait volontiers à me jouer de lui davantage, ne serait-ce que pour prolonger l’instant, le laisser imaginer quelques requêtes dégradantes et le pousser dans ses derniers retranchements… Ce serait bien vite oublier que la requête, véritable, que j’ai à lui faire est à mes yeux d’une importance presque capitale et à tout le moins aussi difficile à formuler à voix haute. Surtout à lui.

Me voilà dos au mur. Je balaye d’un regard rapide nos thermes qui se vident progressivement tandis que nos frères rejoignent leurs cellules les uns après les autres. Hors de question que qui que ce soit ne m’entende… J’adresse un signe de tête à l’esclave qui termine son ouvrage sur moi lui indiquant qu’il peut se retirer, tandis qu’il rassemble ses outils et va un peu plus loin, je fais de même à l’égard d’Ulysse qui lui intime de se rapprocher.
Qu’est ce qui me prend de lui demander quoique ce soit ? La défiance reste de mise, plus que jamais sans doute, et pourtant aussi détestable et pénible cette pensée soit-elle, il me faut bien lui céder un morceau infime de confiance… La certitude qu’il me doit autant que je lui devrais pourrait me rendre la tâche plus simple. C’est ce que je me suis borné à penser jusque là, force est de constater qu’il n’en est rien.


Tout d'abord, je gagne du temps en parlant du sujet qui l’intéresse :

-Je te donne demain de quoi te renflouer et cinq deniers à la fin de chaque lune… -puis mon ton se fait plus grave- A condition que tu tiennes ta putain de langue et qu’il y ait des résultats…

Cinq deniers, rien que ça ! Ce connard va me pomper jusqu’à la moelle… Il pourra bien se souler à ma santé et se trousser quelques putains en mon honneur ! Et surtout se taire, par Jupiter… Je cherche mes mots et alors que j’ouvre la bouche pour lâcher enfin ce que j’ai à dire, deux compagnons passent brusquement devant nous. Je tressaillis et nous les saluons d’un geste fraternel.
J’attends qu’ils nous aient bien largement dépassés pour lancer enfin, sans parvenir à le regarder dans les yeux, d’une voix si basse que je peine moi-même à m’entendre. Autant par crainte des oreilles indiscrètes, que par difficulté à articuler ces mots :

-T’es un Romain… Tu sais toi… - C’est moi où la chaleur se fait plus intense ici…? Je racle ma gorge pour chasser cette boule qui m’étrangle, mais rien n’y fait. Allez… -… lire et écrire leur langue…

Je l’ai vu faire… Pendant les paris, tenir les comptes et les dessiner de son doigt ou d’un bâton sur le sable. Lire les combinaisons de combat lorsqu’elles sont décidées quelques temps avant les jeux… Partout je les vois ces formes qui se dessinent en rouge sur les murs des rues et des échoppes, qui se placardent sur les murs des temples, du forum ou de la basilique. Comme autant de symboles mystiques que je sais plein de sens, sans parvenir à en percer les mystères.
J’ai bien appris autrefois, là-bas, là où je suis né, mais tout est différent, la langue est différente, les formes sont différentes et ce qu’il me reste de ces bribes d’apprentissage d’alors ne m’est d’aucune utilité, si bien que je pense les avoir perdu tout à fait. Je me suis rapidement fait à la sonorité que j’ai reproduis par mimétisme, sans en saisir pour autant toutes les subtilités et même encore, après plus de vingt ans, je fais bien souvent des maladresses.

J’ai bien compris que quelques unes de ces inscriptions parlent de nous, de moi –entre autres grâce aux dessins qui les accompagnent. J’ai bien compris leur importance pour les Romains. J’ai bien compris que sans ces clés que l’on imagine pas donner à un esclave, j’avance dans le noir, comme un aveugle. Alors je finis par lâcher:

-Je veux que tu m’apprennes.

Oui, maintenant, je veux apprendre. Je veux savoir.

Arene
Lun 23 Juin - 0:55
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« Je veux que tu m’apprennes. »

Rien que ça. Il veut que je lui apprenne. Il veut apprendre. Il veut savoir.

La vérité elle ne vaut même pas ces cinq deniers : Pria est un ignare. Un ignare déchu qui plus est. Aucune gloire à tirer de cet homme, ce semi homme. Cette ombre de gloire dont la poussière d’étoile s’évapore lentement.



La bête et l’homme civilisé.

Je ne comprenais pas pourquoi, aussi soudainement, il avait besoin de s’identifier à ma culture qui était soyons clair seule et universelle. Croyait-il réellement qu’un homme comme lui pouvait s’identifier à moi? Son air grave me faisait peur, essaiyait-t-il de me transmettre une émotion nouvelle?

Apprendre. Savoir. Cinq deniers, son rêve n’est pas bien cher.

Mais plus que ça étais-je prêt à lui offrir un nouvel horizon? Les clefs d’un nouveau monde qui permettrait à Priam, qui possédait déjà beaucoup, de s’élever encore un peu plus au sein du ludus? Oui, le laisser à ce stade de médiocrité à cet état bestial de l’homme était avoir une longueur d’avance sur lui, avoir une valeur de plus aux yeux du monde et … un moyen de pression contre son arrogance déplacée. Etais-je prêt à perdre cette longueur d’avance que m’avait offert les Dieux?

Si je pouvais lui montrer ce nouveau monde? Rien n’était moins certain.

Un râle s’échappe de ma gorge. Je sais pas. Cinq deniers.

« Pourquoi je t’apprendrais … à toi? »

Pourquoi lui? Lui qui m’avait dès ma première heure rejeté comme un vulgaire romain. Lui qui s’était tant moqué de cette appartenance… le voilà qui rampait à présent. La vie est pleine de surprise. Surprises, n'oublions pas le s qui s'y accorde s'y parfaitement.

« Et puis ne succomberais-tu pas à la honte de te faire aider par un romain? Ta race se rendre à l’ennemi, la payer, la supplier pour lui transmettre un savoir qu’elle n’a de toute évidence … pas. Tu es prêt pour ça? »

Un sourire narquois se dessine sur mes lèvres. Je ne le cache pas. Je me délecte. Oui, je n’ai pas fière allure avec mes dettes, mais je peux bien savourer cet instant où l’idiot reconnaît la supériorité du lettré. Je ne m’étais jamais prétendu très illustre, mais en cet instant je comprenais que ça n’avait plus aucune importance : je possédais le savoir. Un savoir de toute évidence que beaucoup rêvé de posséder, même Priam. Même Priam.

A droite, donner ce savoir qui était un grand risque, un trop grand risque. A gauche, mes créanciers, mes dettes, un risque bien grand à lui aussi. J’avais déjà pu savourer mes premières dettes, il ne fallait pas que ça recommence. D’un autre côté, j’étais déjà au fond du trou… et bien!

Nouvelle râle. Il me tient pas les couilles.

Il s’agissait donc ici de ne pas donner la pâté trop vite à ce chien galeux.

« Alors pourquoi? »

Petit message...:
Arene
Mer 23 Juil - 23:37
Re: SAVOIR C'EST POUVOIR ₪ Ulysse   




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Savoir, c’est pouvoir
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A toi... J’ai compris où il veut en venir et un courant hérisse mon épine dorsale. Ma mâchoire se crispe. Il n’a jamais caché son dédain à mon égard, affichant dès qu’il lui était possible sa prétendue supériorité. Ce type concentre en sa personne tout ce que j’exècre des Romains et déverser mon fiel sur lui est l’exutoire d’un bien trop lourd fardeau pour l’âme, trop souvent étouffé, bridé par la discipline imposée de la servitude.
Je le dévisage quelques instants qui flottent au dessus de nous comme un ciel d’orage. Lourd. Menaçant. Et je crains un moment qu’il ne mette sa menace à exécution. Je déglutis. Ce fils de p--- Et puis comme un éclair qui déchire et illumine la nuit, je comprends. Je comprends qu’il ne le fera pas. Pas que l’envie lui manque, non… Mais je n’aurais pas dû laisser m’y prendre. L’homme est joueur, l’esbrouffe est plus qu’un trait de caractère chez lui. C’est carrément une manière de vivre.

Je déplie les muscles et les articulations de mon tronc à la manière d’un chat qui se couche au soleil et rejette mes bras en arrière sur le banc pour y prendre appui. Je laisse glisser et rouler les mots sur ma langue, en savourant la moindre syllabe :

-Peut-être parce que tu n’as pas beaucoup d’autre choix que ça te plaise ou non… Et de nous deux, je ne crois pas être celui qui ait le plus à perdre si tu refuses. A tout le moins je pourrais nier, toi en revanche… -je tourne mon regard vers un groupe de frères qui a gagné gros face à Ulysse, une fois n’est pas coutume, et qui lui lance un regard sombre, emplis de sourdes menaces, en quittant les thermes. Je leur adresse un salut de tête, tout en glissant à l’attention du Romain à côté de moi- Moi, je serais toi, dans ta position, je ferais bien attention à ne pas laisser tomber mon strigile sur le sol à l’avenir... Certains n’ont pas vu de femmes depuis un long moment…

Je tourne vers lui un regard emplis de sous-entendus. Il me semble le voir blêmir, mais qui pourrait dire dans cet entresol mal-éclairé ? Peu importe, j’aime à le croire et je me délecte de cette pensée jubilatoire. En effet, si, moi, j’utilise mes poings de manière déraisonnable pour assurer mon statut au sein du ludus, certains de nos frères ont d’autres méthodes pour se venger d’un affront, ou se rembourser en nature de dettes non payées… Tout le monde prétend n’en rien savoir, nos domini les premiers, mais nous, nous savons. Autant de brutes -meurtriers, mercenaires, violeurs, canailles, et j'en passe-  vivant ensemble dans un si petit espace? Une pratique vieille comme tous les ludi de la République.
A bien des égards, la vie ici ressemble davantage à de la survie, à une lutte éternelle pour le pouvoir, le respect et la domination comme il ne s’en rencontre guère que dans les meutes de loups. Mais à bien y réfléchir, ça n’est pas si différent de ce qui se passe à l’extérieur, dans cette cité et dans le vaste monde.


S’il n’accède pas à ma requête par goût, Ulysse le fera par intérêt. Et si l’or vient un jour à ne plus rembourser toutes les créances, il se trouvera sans doute fort chanceux de trouver à ses côtés, en ces murs, un frère qui aura intérêt à le voir vivant et intègre, même de mauvais gré.

Je me lève du banc sur lequel nous sommes assis et me plante devant Ulysse de la même manière qu’il est venu à moi il y a un instant, lui offrant un panorama sur ma personne qu’il trouvera sans doute aussi réjouissant. J’essuie la sueur qui perle sur mon visage et s’accroche en gouttelettes à mes poils de barbe. Ce faisant, je poursuis :

-Puis peut-être aussi parce que, finalement, de toi ou moi, je ne sais pas lequel des deux est le plus pathétique. Moi, le sauvage grossier et ignare, qui essaye d’atteindre un bout de savoir, quitte à venir te le demander… à toi…. -ma lèvre dédaigneuse s’ourle sur une canine. Je ne peux digérer les manières qu’il affiche à mon égard et je dois faire appel à tout mon sang froid pour ne pas y mettre davantage le mépris qu’il m’inspire- Ou bien toi, qui t’accroche encore désespérément à ta civilisation comme si tu en faisais toujours partie… Celle-là même que tu défends avec tant d’ardeur et qui t’a pourtant forcé à abandonner ta liberté, ton nom, et à te battre jusqu’à la mort…

Je lance sèchement mon linge sur ses cuisses et puis soudain, je fronce les sourcils et prend un air profondément grave et concerné :

-A moins bien sûr que tu ne succombes à la honte de te faire aider par un barbare ? Ta race se rendre à l’inférieur, au sauvage, se faire acheter comme une putain, lui être redevable de---


Je passe ma langue sur ma lèvre inférieure et la mord pour étouffer le sourire narquois qui déjà dessine deux fossettes sur mes joues. Inutile d’aller plus loin. César va bouffer ses lauriers. Et pour ce jour bénis, je voudrais faire un sacrifice à Jupiter et lui brûler de l’encens.
Mais ce n’est pas ce qui compte. Ce qui compte c’est qu’il m’apprenne. Je peux bien prétendre l’arrogance et le détachement, je n’en perds pas pour autant de vue mon objectif premier. Aussi, même s’il m’en coûte plus que je ne saurais le dire, je m’efforce de ménager suffisamment sa vanité, propre à sa caste. Je trouverai d’autres occasions de lui faire avaler la crasse qu’il nous réserve avec tant de morgue, tôt ou tard, dans l’arène ou sur le terrain d’entraînement.

Alors que je m’éloigne, je lui jette un dernier regard par-dessus mon épaule, et grommelle, lapidaire :

-Mon or et moi t’attendons dans ma cellule. Et, par Mars, tâche de pas te faire voir...
Arene
Mar 12 Aoû - 18:51
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« Peut-être parce que tu n’as pas beaucoup d’autre choix que ça te plaise ou non… Et de nous deux, je ne crois pas être celui qui ait le plus à perdre si tu refuses. A tout le moins je pourrais nier, toi en revanche »

Mes mâchoires se crispent. Il dit vrai. J’aurais pu croire que j’étais déjà au fond du trou, mais c’était sans compter sur mon vice le plus cher! Maudit soit Corvus qui m’a mis dans cette position malheureuse! Devoir m’incliner devant ce chien, ce moins que rien, cette vermine! Je crache mon dédain à ses pieds.

« Moi, je serais toi, dans ta position, je ferais bien attention à ne pas laisser tomber mon strigile sur le sol à l’avenir... Certains n’ont pas vu de femmes depuis un long moment… »

Je blêmis et je me maudis pour montrer mes inquiétudes à cet illettré de malheur!

« Moi aussi… »

Lui aussi devrait faire attention à sa strigile à l’avenir… Illythia m’a interdit la compagnie féminine pour insolence et je l’ai vu son bec d’oisillon, on le confondrait aisément avec un sexe de femme… Heureusement pour son cul, je ne raffole pas de ce genre de gourmandise quoique la perspective de le voir marcher de travers dessine un joli rictus sur mes lèvres entrouvertes. Mais aux méthodes de ces brutes, je préfère la pensée et la stratégie. Et ces dernières me disent de reculer d’un pas, j’accepte son offre.

Nous savons que nous y avons à y gagner tous les deux, à notre plus grand malheur. Comme pour assouvir son besoin de supériorité, il se plante à nouveau devant moi, de toute sa nudité féminine. Prenant bien soin de poser ses attributs dans mon champs de vision, il prend le temps de s’essuyer, de se prélasser et mes je sens mes ongles racler le bois du banc.

« Puis peut-être aussi parce que, finalement, de toi ou moi, je ne sais pas lequel des deux est le plus pathétique. Moi, le sauvage grossier et ignare, qui essaye d’atteindre un bout de savoir, quitte à venir te le demander… à toi… A toi… Je peux sentir tout le dédain transpirer sur son corps. A toi… Mon vocabulaire, devenu trop faible avec les mois passés avec ces rustres, ne serait exprimer ce qu’il ressent pour moi. Ou bien toi, qui t’accroche encore désespérément à ta civilisation comme si tu en faisais toujours partie… Celle-là même que tu défends avec tant d’ardeur et qui t’a pourtant forcé à abandonner ta liberté, ton nom, et à te battre jusqu’à la mort… »

Je sens les épines de bois rentrer sous mes ongles. Je racle encore plus fort, plus profondément. Il ne sait rien de moi, de ma vie passée ou encore des choix que j’ai du prendre! Il doit s’imaginer que j’ai eu une belle vie, mais il a tord : quand il a du être arraché à son père, c’est mon père qui s’est arraché à moi… Et cette peine, cette plaie ouverte qui saigne en mon coeur jamais il ne pourra la comprendre! Mon nom n’était plus rien dès la minute où mon père avait trépassé… Il ne peut pas comprendre... et je détourne les yeux de son corps qui soudainement ne présente plus grand intérêt. Mon père aurait honte de moi, il a honte, je peux le sentir. Je n’ai toujours pas appris de mes erreurs… Après tous ces mois à survivre en ces lieux infâmes… Et c’est peut-être ce que Priam, de sa bêtise ne comprendra jamais je ne me bats parce que mon peuple m’y a obligé, je me bats parce que je m’y suis obligé… C’était ma destinée.

« A moins bien sûr que tu ne succombes à la honte de te faire aider par un barbare ? Ta race se rendre à l’inférieur, au sauvage, se faire acheter comme une putain, lui être redevable de... »

Il se tait et je sens son haleine de pissat se répandre dans la pièce. Son linge vient me fouetter les cuisses et c’est toujours immobile que je me refuse de le regarder un sourire tout aussi narquois sur mes lèvres que le sien sur les siennes… Je suis la putain. Et lui le grand champion de Pompeii, dont le nom fait soupirer les femmes et frémir les astres me demande de l’aide, à la putain. Pathétique en tous points.

« Mon or et moi t’attendons dans ma cellule. Et, par Mars, tâche de pas te faire voir… »

Ma main, mécaniquement ramasse son linge et me relevant de toute ma stature j’ajoute à mi-mot : « Mars n’est pas ton dieu. », dans un vol strident le linge humide fouette ses tallons.

***


Il m’aura fallut quelques jours pour que je puisse avoir la chance d’accéder aux cellules du déchu sans craindre que l’on me voit. Un dernier regard par-dessus mon épaule et je m’engouffre dans le territoire ennemi.

Il est là. Il m’attendait.

L’élève et le maître. Le maître et l’élève. Les rôles étaient d’ordinaire discutables. Mais aujourd’hui, je possédais le savoir et lui le pouvoir. Les ombres de nos frères se dessinent sur le sol lumineux, et je me recule pour me confondre dans le mur. Personne ne doit me voir et c’est peut-être la seule chose pour laquelle nous serons jamais en accord. La discrétion, l’invisibilité.

Les mots se bloquent dans ma gorge, je ne sais pas par où commencer. Il m’est dur de repenser à mes leçons… Le visage de mon précepteur se superpose aux détails de la cellule de l’Anatole.

« Tu ne sais ... rien? »
Arene
Mer 24 Sep - 22:00
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J’ai posé les pièces sur une niche au creux du mur dans laquelle brûle une petite bougie qui suffit à elle-seule à éclairer l’étroitesse de ma cellule. Je tiens à ce que les choses demeurent claires entre nous : je paye, il m’apprend. Notre transaction et notre accointance s’en tiennent là.

-Tu ne sais… rien ?

La formule manque de me faire bondir. Et littéralement d’ailleurs, car  je me relève de ma couche aussi sec pour me retrouver à mon tour sur mes deux jambes. Hors de question de le voir me toiser ce… Je fais claquer ma langue, presque agacé :

-Pas rien… J’avais appris. Avant. Dans ma langue. Mais ici, tout est… différent. Les formes, les sons…

Au fur et à mesure que je parle ma voix se détend quelque peu. Je suis ainsi, vif et sec, lorsque je me sens acculé comme une bête. Et c’est bien ce que je suis aux yeux du Romain, n’est ce pas ? Pourtant, je ne peux pas dissimuler autant que je l’aimerais l’ampleur de mon désarroi face à ces énigmes quotidiennes et un instant je me perds dans mes pensées comme je prends la mesure de l’abysse de mon ignorance.


Je vois les mots, je les reconnais comme tels mais ils ne font aucun sens. Et quand je vois les lignes que trace Ulysse dans le sol poussiéreux, sa dextérité et son adresse comme s’il s’agissait pour lui du geste le plus naturel du monde, j’en conçois de la jalousie.
Extrême, primaire, viscérale.
Je ne cherche pas plus que cela à la lui cacher d’ailleurs car il l’a déjà devinée, déguisée derrière ma demande et la superbe qui l’accompagnait. Je crois qu’il en va ainsi de chaque être : comme tolérer que l’autre possède ce que l’on nous refuse ?

C’est comme s’il était là, ce pouvoir, à portée de mes doigts et qu’il me manque cette seule magie de la connaissance pour animer ces signes, m’extirper des ténèbres de l’ignorance et ouvrir sur ce monde des yeux nouveaux. Des yeux d’homme.

-Tiens ceci par exemple, on le voit partout dans la ville…


Je me saisis d’une brindille, trouvée à même le sol et je m’accroupis pour dessiner de mémoire ces signes qui ce sont imprimés dans ma tête depuis l’enfance et sur lesquels je n’arrive à mettre aucun sens. Je m’arrête quelques secondes pour ne pas commettre d’erreur –ma fierté face à mon professeur de fortune ne m’y autoriserait pas- et lorsque je pense être assez sûr, laisse glisser avec application le fin bout de bois animé par ma main gauche.
Application certes, mais aussi quelques maladresses car j’ignore qu’il y a un sens logique et conventionnel pour dessiner ces glyphes.

S P Q R

Aussitôt terminé, je relève la tête vers Ulysse, les yeux interrogateurs:

-Qu’est ce que c’est ?

J’aimerais avoir l’air moins curieux, moins empressé, moins avide de savoir. Je n’y parviens pas. Je suis sur le point de résoudre une énigme qui m’a tenu en haleine depuis de décennies, chaque jour, à chaque pas dans la rue, à chaque pièce reçu d’un combat victorieux dans l’arène, à chaque étendard de Rome solidement fiché dans le sol...

Ce doit être le nom d’une de leurs divinités pour qu’ils en barbouillent toutes les cités, des pièces de monnaies jusqu’aux pierres des fontaines ou les armures de leurs soldats.

Arene
Dim 8 Mar - 20:00
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« Pas rien… J’avais appris. Avant. Dans ma langue. Mais ici, tout est… différent. Les formes, les sons… »

Son agacement est perceptible. Je n'aime pas sa langue condescendante qui claque dans sa mâchoire comme un avertissement. Je suis presque prêt à repartir dans ma cellule... Mais j'ai besoin de sa richesse et lui de la mienne. Je répète alors d'un ton neutre, histoire que ce soit clair.

« Ici, tu ne sais rien. »



Il pouvait faire claquer sa langue autant qu’il le voulait, ça n’y changerait rien. Il devait tout réapprendre, depuis le début. Les formes, les sons tout était différent, du moins j’imaginais tu penses bien lecteur que je n’ai jamais appris cette langue de barbare. D’ailleurs, elle est tellement insignifiante que je me demande bien pourquoi elle serait enseignée.

« Tu dois oublier ce que tu as appris. »



Mon ton était moins brut, peut-être parce qu’au fond, je savais ce que signifiait abandonner ses souvenirs pour pouvoir ouvrir de nouveaux horizons. Pourtant, je n’aurais jamais su m’apitoyer sur le sort de mon compagnon de ludus et rival d’arène. J’inspire pour tenter de retrouver comment apprendre au plus vite au barbare quelques mots afin de me débarrasser au plus vite de ma tâche.



« Tiens ceci par exemple, on le voit partout dans la ville… »

Mes yeux scrutent sans trop d’attention ce qu'il gribouille dans le sable de sa cellule. Il est lent et je sens que sa fierté est mise à l’épreuve. Accroupis, il m’est inférieur. Tandis qu’il fait mumuse dans le sable, je vois posé dans une niche mon gain de la journée. Il est si proche que je peux sentir son odeur victorieuse.

« Qu’est-ce que c’est? »



Je détourne mon regarde des sesterces. Ses yeux sont grands ouverts, interrogateurs. On pourrait croire un enfant. Il attend, et la flamme qui se consume dans le mur m’inspire de faire ce pour quoi je suis payé. Finalement, je m’accroupis pour pouvoir voir le dessin barbare...



S P Q R

Il n'en est rien. Je suis surpris de lire ces quatre lettres qui sont du reste pas si mal écrites (à toi, je peux te l’avouer lecteur). L’Anatole vient de tracer l’emblème de notre empire. Il vient de frapper sa cellule de notre pouvoir politique. Nous étions invincibles. Tous les ânes finissaient bâtés. Je prends la brindille de ses doigts et trace un peu plus haut le sens du mot. Tandis que j’écris, je prononce chaque syllabe pour qu’il puisse comprendre : « Se-na-tus Po-pu-lus-que Ro-ma-nus. »



Senatus PopulusQue Romanus

Cela faisait longtemps que je n’avais pas écrit. J’admire pendant un instant ces belles lettres qui font toute ma fierté et je m’entends chuchoter, à nouveau, comme pour ma propre rédemption : « Le Sénat et le peuple romain ». Ces mots trop impériaux, stagnèrent dans la pièce sombre pendant un court instant. Je laisse échapper un grognement, pour faire fuir une nostalgie qui n’avait pas sa place ici.  

« Rome est l’autorité et les armées agissent pour le Sénat et les citoyens. »



Ce que je n’étais plus et pourtant cet emblème me rendait toujours autant admiratif. J’essayais de lui faire comprendre à quel point ce symbole était important non parce qu’il était représenté partout et jusqu’à cette monnaie qu’il me donnerait bientôt, mais pour tenter de lui faire comprendre que Rome n’était pas le mal sur lequel il crachait. Enfin, je ne suis pas payé pour ça alors je reporte mon attention sur les lettres.



« Tu connais les formes. Je vais t’apprendre les sons. »

Ce serait pas évident. Je jette un coup d’oeil derrière mon épaule pour voir si le couloir est toujours vide car il ne faudrait pas qu’on nous aperçoive. Nous aurions tous les deux tout à perdre. Je reprends alors la brindille et je décompose le mot par de petits traits verticaux. Je sectionne les mots.

Se/na/tus Po/pu/lus/que Ro/ma/nus



Une fois la répartition faite je répète à nouveau les syllabes que forment les lettres, à chaque syllabe prononcée ma main frappe doucement le sol. Je croise le regarde de l’ex champion et efface de ma main l’emblème de Rome. Ce n’est pas sur ça que nous commencerons. A la place, j'écris :

MIHI NOMEN PRIAM EST


« Chaque lettres assemblées entre elles forment des sons et ces sons forment des mots. Quels sont les lettres et les sons romains que tu connais? »
Arene
Mar 12 Mai - 0:20
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Tandis qu’Ulysse se penche sur mon ouvrage et se saisit du bâton à son tour, je ne perds pas une miette de ce qu’il fait. Je comprends que ces quatre lettres forment l’abréviation d’une maxime bien plus longue, d’une phrase entière même.
Et Ulysse déroule les mots avec une habileté déconcertante. Grâce presque. Je l’envie, cette tête de noeud. Comment se peut-il qu’il y ait la culture là où il n’y a pas d’intelligence ? Les sons qui l’accompagnent raisonnent à mes oreilles, familiers : je ne sais pas écrire la langue de Rome mais je la comprends et je la parle. Une moue de dédain manque d’ourler ma lèvre pourtant, et plus encore lorsque je l’entends si inspiré. La maxime de Rome… Je n’arrive qu’à peine à dissimuler ma déception et mon aversion. C’était donc cela ces signes dont j’avais tant fantasmé la signification ?

Tandis qu’il scinde les mots en syllabes et scande chaque son pour illustrer, j’opine du chef en silence pour le montrer que je comprends, alors qu’il n’en est rien. Hors de question d’abonder dans son sens et de lui laisser penser que ma cause est aussi désespérée qu’il veut bien l’admettre. Pourtant, j’ai la gorge serrée. Je mesure le fossé qui me sépare de la connaissance et en cet instant, tandis qu’il égrène ses explications que je n’écoute qu’à demi, tandis que les lettres et les sons forment dans mon esprit une bouillie plus indigeste encore que celle qu’on nous sert à midi. Mes yeux se ternissent. Une vie n’y suffira pas pour tout comprendre et tout maîtriser…
L’abattement m’étreint et je songe à l’abandon. C’est trop dur. Jamais je n’aurais reculé face à un adversaire dans l’arène, mais face aux lettres je me sens aussi désarmé qu’un nouveau-né. Ulysse poursuit et avec une telle maîtrise qu’il m’est impossible de faire marche arrière, il est trop tard. De quoi aurais-je l’air si je brisais notre marché maintenant après l’avoir fait venir jusque dans ma cellule ? Ce serait lui prêter le flanc de la plus belle et de la plus savoureuse des manières, je ne lui ferais pas ce plaisir à ce dégénéré !


Une fois de plus, mon orgueil m’ordonne de me ressaisir. J’y passerai des nuits entières s’il le faut, mais j’apprendrai coûte que coûte plutôt que de perdre la face. Je me concentre à nouveau et à y regarder de plus près, leurs lettres ne se regroupent jamais que par deux ou par trois et en combinant trois ou quatre de ces syllabes, on arrive vite à former un mot.

Je souligne dans la phrase qu’il a écrit devant moi les E, N, O, N, A, M, T, S, P et R et me justifie ainsi, en désignant la maxime romaine et son abréviation:

-On les reconnait au dessus. Et ça… - je souligne derechef la syllabe NO – ressemble presque à ça…

Je souligne alors le NA de « Senatus » écrit au dessus. C’est la nuance du « presque » qui me manque, mais c’est un début.
Après un instant d’hésitation, j’entoure le mot PRIAM ignorant son sens mais reconnaissant sa graphie. Je le désigne du bout du bâtonnet avec insistance :

-Celui-là. Je le connais. Sur les graffiti des murs, dans les rues. Il a un rapport avec les gladiateurs, non ?

Si je l’interroge ainsi, c’est parce que j’ai déjà pu remarquer qu’il accompagnait parfois des dessins de combat de gladiateurs. Et parfois il en disparaissait pour faire place à d’autres. Je n’y avais pas prêté plus d’attention que ça, mais je supposais que ces variations désignait soit un ludus, soit un style de combat ou peut-être les noms des gladiateurs en question…
A présent que l’on touche un domaine que je connais, je reprends un peu confiance et me rassérène: ma soif de savoir est indéniablement plus forte que ma fierté. Je te laisse en juger la mesure, ami lecteur.

Arene
Ven 12 Juin - 22:22
Re: SAVOIR C'EST POUVOIR ₪ Ulysse   




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Je le regarde souligner les syllabes. Reconnaissances visuelles, c’est ce qu’on apprends aux enfants… Et machinalement, comme ce précepteur que j’ai eu dans une vie lointaine je répète les sons NO et NA. « Ils se ressemblent tu as raison. Il se ressemblent parce qu’ils ont la même lettre dure en début de mot : la consonne N. associée à une autre lettre, elle forme un son. C’est ce que je tente de t’expliquer, les sons forment les mots. Il te faut plusieurs sons pour former un mot comme SE / NA / TUS par exemple. » Ces sons qui constituent la lecture. Un chat ressemblait à un chat, mais si son nom n’était pas connu il pourrait tout aussi bien être un chien. Son presque est fastidieux, mais un jour il sera. Un jour il pourra…



« Celui-là. Je le connais. Sur les graffitis des murs, dans les rues. Il a un rapport avec les gladiateurs, non ? »



Mes pensées se suspendent. Et mes yeux ne peuvent s’empêcher de ricocher des lettres PRIAM à son visage interrogateur. Il ne peut qu’il ne sache pas reconnaître son propre prénom… Quel fossé se creusait entre lui et moi! Le champion déchu, les yeux déçus du dominus contre le fils déchu, les yeux déçus d’un père. « C’est toi, ton prénom. Priam. » Et je lui dis le nom des lettres et ma gorge s’enroue de sons consonantiques puis syllabiques. P R I A M. Il doit retenir ces lettres, il doit retenir sa graphie et ses sons. Il doit savoir car sans son prénom, un homme n’est rien. J’efface de ma paume les lettres de son prénom. « Réécris-le. » Je ne doutais pas de sa mémoire, je voulais simplement qu’il puisse écrire ce mot qu’il connaissait si bien et qu’il avait su reconnaître en connaissance de cause. Je voulais que son bâton entre ses doigts soit guidé par une assurance nouvelle, un nouveau savoir. Je le regarde s’exécuter ; « maintenant je veux que tu me dises le nom de chaque lettre. » Je l’écoute attentivement, mon butin était en jeu. J’acquiesce. On avançait, on progressait. « Bien. C’est bien. C’est bien que tu saches ce que veut dire ce mot car un jour il ne sera plus sur sur les murs de la ville, déjà tu peux lire REMUS. Le nouveau champion de Naevii, ton vainqueur. » Je continue de tracer proprement les lettres du prénom du gladiateur adverse. Je n’en voulais plus à Priam d’avoir perdu contre lui, je ne lui en voulais plus d’avoir ternis le nom de notre maison. Non. Tout simplement parce que ma gloire serait bien plus éclatante ; non seulement je redonnerais blason à Lucretii et Priam s’en avalerait la langue.

« Si tu observes, tu as des lettres communes avec lui. Regarde, j’entoure le R et le M, ce sont des sons gutturaux. On appelle ça des consonnes. Ces lettres ne peuvent être chantées, elles éclatent comme des bulles de savon entre tes lèvres : P M R, les autres -je souligne les lettres restantes dans les deux prénoms- sont des syllabes. Ce sont des lettres qui peuvent être chantées. IIIII AAAA EEEE UUUUU. Je m’éclaircis la gorge et défies du regard la bête de se moquer de moi. Voit dans quelle position incongrue me met-on lecteur, soit ma fortune et délivre moi de ce moment peu viril! Les consonnes, se prononcent avec des voyelles PRI, RE, MUS. Tu comprends ce que je te dis ou je parle à un âne bâté? »



Je ne savais pas vraiment comment continuer l’apprentissage ; il me semblait malavisé de continuer de lui parler de consonnes, voyelles et de lettres sans le noyer. Je ne voulais pas que par dans futur il puisse me reprocher de lui avoir volé ses deniers. Je ne voulais avoir aucune dette, ni aucun compte à lui rendre. Je devais lui apprendre et l’apprentissage ce ferait petit à petit. Il ne servait à rien de le gaver comme un bestiaux avant un jour de sacrifice. Avec mon index je trace de nouvelles lettres dans le sable : A, E, I, O et U.


« En latin, nous avons cinq A, E, I, O et U que tu dois prononcer O « ou ». Je trace chacune de ces lettres à la verticale pour qu’elles ne soient pas confondues. Ces cinq lettres vont toujours s’associer avec une de ces lettres. Je trace B C D F G H J K L M N P Q R S T V W X Z dans un silence pieux. Il faut que tu retiennes ces lettres, recopies-les, gratte dans le mur ou dans le bois de ta litière. Sans elles, tu ne pourras reconnaître aucun des noms, pas même le tiens. »


Désooooolée...:
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