Adonia ♣

→ Ce que je pense de Pompéi
Jamais je n'aurais cru porter une aussi grande haine envers une telle cité. Ma loyauté et mon cœur n'appartiennent qu'à Thrace. Pourtant, qu'à cette cité de si différent, finalement ? Il ne s'agit que d'un autre endroit où les nobles règnent sans que rien ne les arrêtent et où l'esclave est aussi malmené qu'à Capoue ou à Athène. Peu importe la ville, ce n'est que le nom qui change, alors que chacune d'entre elle est tachée par le sang des esclaves.

→ Ce que je pense de la politique
Je n'ai que faire de la politique. Les mots ne servent plus à rien dans ces temps difficiles et misérables. La seule vraie réponse se trouve dans la force de ceux et celles qui osent se redresser. Mais je n'ai malheureusement pas le courage d'en faire partie.

→ Ce que je pense des jeux
Certes, c'est très plaisant pour une femme de voir des hommes s’entrainer afin de devenir des dieux, mais n'y a-t-il pas déjà assez de sang ainsi sur nos mur ? L'homme n'est qu'un dieu ne serais-ce que pour un brève instant, puis il redevient homme lorsque son pied couvert de sang ne retourne dans cette cage qu'il appelle Dominus. Il n'y a aucune gloire dans le fait d'avoir survécu à un combat forcé pour le simple amusement d'une classe sociale plus haute que soi.

→ Mes souhaits, mes rêves, mes ambitions
Le rêve de tout esclave : la liberté. Ce souvenir d'enfance resté gravé dans ma mémoire depuis le jour ou l'on m'a arraché à ma mère patrie pour me jeter froidement dans une vie de servitude et de soumission.

→ Ma pire crainte
Celle de tout esclave : la peur de fermer les yeux une nuit afin qu'ils ne s'ouvrent plus jamais au levé d'un autre jour.

→ Heureusement, les Dieux veillent sur moi.
Les dieux sont les seuls vrais dirigeants. Ils veillent sur moi, et m’ont dirigé vers ce chemin pour une raison particulière. Toutefois, ma confiance se voit entre les mains de Minerve, déesse de la sagesse.

Mon histoire ? Vous tenez vraiment à entendre les paroles d'une vie brisée ? Celles d'une âme arrachée de ses racines telle une vulgaire fleur ? Alors assoyez-vous, car il s'agit d'une longue et... terrible histoire.

Je me rappelle encore le parfum des arbres entourant notre village. La douceur du vent des montagnes de la Thrace lorsqu'il faisait danser les feuilles tombées des grands boulots. La beauté de cette patrie, là où mon cœur avait donné sa pure fidélité. Thrace. Un endroit qui n'est désormais plus qu'un vague souvenir à mes yeux, souillé par l'arrivée des romains et de leur égo trop grand pour se contenir dans la ville de Rome. Si vous saviez tout ce qu'ils m'ont arraché des mains. Ma famille, mes amis, mon amour... Ma vie... Bien évidemment cette petite description ne semble pas refouler votre curiosité. Très bien.. vous l'aurez voulu.
Mon plus vieux souvenir se rattache au parfum de ma mère lorsque celle-ci me serra dans ses bras de toutes ses forces une dernière fois avant de me repousser violemment en me hurlant de partir. Son visage était couvert d'une expression de douleur. Je pouvais lire dans son regard : son cœur était brisé. Accepter d'abandonner sa fillette de douze années, peut-être même ne plus jamais la revoir, avait été le plus gros sacrifice de toute sa vie, mais il en vaudrait la peine. Je voyais ses yeux s'embuer de larmes mais pourtant, aucune ne coula sur ses joues. Après, cela faisait plus de trois jours que nous fuyions notre village qui avait été consumé par les flammes déclenchées par les romains. Un raid. De vulgaires innocents, tués, tout cela car nous refusions de nous soumettre à l'autorité romaine. Mère avait dût ravaler ses larmes depuis bien longtemps maintenant. Elle avait eut l'air pensive et hésitante tout au long de notre fuite. Lorsqu'elle me dit de partir, je comprit désormais pourquoi.
Ainsi elle hurlait mon nom, me criait à s'en déchirer les poumons qu'elle voulait que je parte. Loin. Très loin. « J'ai confiance en toi. » disait-elle, « Tu sauras te débrouiller. ». J'eus énormément de mal à l'accepter, mais mes jambes me dirent de suivre ses ordres. Alors je tournai les talons, jetant un dernier regard à ma pauvre mère, son visage toujours si enjoué, transformé en une expression de terreur tentant de se voiler par le courage, sans réel succès. Ses yeux, ayant toujours lancé un regard de tendresse et de douceur sur moi, n'étaient plus que peur et douleur. Je ravalai ma salive puis j'accélérai le pas jusqu'à en courir le plus vite qu'il m'en était possible de le faire. Je pouvais de nouveau entendre les cris des soldats se rapprochant. Ils ne lâchaient décidément pas prise facilement. J'osai donc me cacher dans un buisson, mon petit corps d'enfant tremblotant encore telle une feuille. J'avais faim, soif, j'étais épuisé et je ne désirais que prendre ma mère dans mes bras.
La panique et la peur me prirent lorsque j'entendit un cri venant de la où mère était. L'envie de me précipiter vers elle pour l'aider était plus que forte, mais je me résignais à rester ici. Père ayant été sauvagement empalé d'un coup d'épée lors de l'attaque, s'il se devait d'arriver un sort semblable à ma pauvre mère, alors je me devais de survivre. Non pas pour moi-même, mais pour la mémoire de mes parents. Ceux m'ayant tout donné, tout apprit. Je devais honorer chaque souvenir.
J'entendit de nouveau mère crier. Elle hurlait qu'on la relâche. Elle les traitait de tant de choses que je ne saurais me rappeler de toutes celles-ci. Brigands. Assassins. Voleurs. Au moins une dizaine d'autre injures semblables. C'est lorsqu'elle cessa d'hurler que je sentis mon cœur faire un tour complet. Mère était une combattante. Elle n'aurait jamais laissé de vulgaires romains lui arracher la vie sans se battre. Je décidai donc de m'approcher. Ma curiosité prenant le dessus sur la raison. Après tout, il ne s'agissait pas de n'importe qui.
Je m'accroupie donc, rampant à quatre pattes dans les feuilles trempées, la terre et la neige jusqu'à ce que j'aperçoive une scène horrifiante. Devant moi, mère était au sol, étendue sur le dos, la tête tournée vers moi. Elle semblait encore respirer mais je pouvais voir son sang s'étendre sous son corps blanchit. On aurait qu'elle me tendait la main, alors qu'un léger sourire se dessinait malgré tout sur son visage légèrement ensanglanté. Un hoquet aigu s'échappa de mes lèvres et je dût poser mes deux mains fermement contre ma bouche pour retenir le son de mes sanglots. Ce sourire. Même morte par l'épée d'une saleté de romain, elle avait su sourire. Sans doutes se disait-elle qu'elle rejoindrait les bras de père lorsqu'elle rencontrerais les dieux. Au fond, c'était une bonne chose. Elle qui disait toujours que, si jamais quelque chose devait lui arriver, elle s'assurerait de conseiller les dieux à mon propos... C'était ainsi qu'elle me rassurait étant petite.
Malheureusement, je crois que les dieux n'acceptent pas très bien les conseils de l'homme. À peine n'avais-je cligné des yeux qu'une seule fois que les soldats entourant mère avaient disparu. De nouveau, je me mis à paniquer. Je sentais mon cœur battre la chamade alors que doucement, je reculais. Puis un cris d'horreur s'échappa de ma gorge lorsque deux mains puissantes vinrent agripper fermement mes chevilles pour ensuite les tirer vers l'arrière. Je tentai de me débattre en vint. L'un d'eux m'agrippa par les bras, tentant de me tenir debout devant lui alors que l'autre leva son épée vers moi. Je fermai les yeux rapidement, espérant que la mort serait rapide... Mais les dieux en avaient décidé autrement. Au moment où j'entendis l'homme prendre son élan, une voix rauque retentit. « Arrêtez.» J'osai alors entrouvrir les yeux, craintive de ce qui pourrait se trouver devant moi. Je vis alors un autre homme. Il semblait plus vieux. « Laissez-la vivre. Les enfants de son âge font de bons esclaves. ». Ces paroles me firent aussi mal qu'un coup de poignard. Ma respiration s'arrêta pendant quelques secondes et je me surpris même à échapper à l'étreinte du soldat qui me retenait pour venir agripper le bras de l'homme qui venait de me sauver la vie, le suppliant de me tuer. La vie d'esclave était sans doutes pire que la mort. Mais il refusa. Je reçu alors un coup à la tête et tout devint noir.


Lorsque j'ouvris les yeux, j'appris qu'on m'avait déjà vendu à une noble de Capoue. Quelle honte ! Je n'entrerai pas dans les détails, mais si vous saviez ce qu'est la vie d'un enfant lorsque celui-ci est réduit à l'esclavage, alors vous comprendriez la peine et la douleur qui se forgeait en moi chaque jour. Chaque nuit n'était qu'une pluie de larme. J'obéissais tant bien que mal, mais mon corps et mon cœur ne cessaient de me crier de fuir. De tenter ma chance... mais ma tête me disait de rester et de garder ma vie. Ainsi je fût une esclave pour cette femme pendant plusieurs années avant que celle-ci ne meurt, laissant ainsi derrière elle, tout ses servants et servantes.
J'étais désormais de retour sur le podium de vente. Le vendeur semblait surpris que personne ne veuille de mois. On disait que je n'avais pas l'air très... vivante ? Disons simplement que je n'étais guère au meilleur de moi-même. Tout les esclaves du marcher étaient nouveaux, fraîchement trouvés. Le vendeur s'adressa alors à moi. « Capoue ne veut plus de toi. Tentons de séduire Pompeii alors. » Ce jour-là, il me poussa violement dans la carriole, remplie de cinq autres esclaves toutes aussi apeurées que je ne le fût la première fois que j'y retrouvai. La route fût longue... terriblement longue. C'étais sans parler de ces vêtements sales et vieux qu'on nous faisais porter pour les ventes. De vieilles guenilles. Cela ne fût qu'au bout de quelques jours que ma peine se termina, alors que, oui, enfin, Pompeii s'illumina sous nos yeux.

Peut-être, dis-je bien peut-être, ici aurais-je la chance de sortir de cette carriole... Enfin... Ici ou dans une maison, mon calvaire restait un calvaire.
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