Nous sommes des acteurs qui changeons de masque en fonction du spectacle.
soirée des Oppii, mi-mai 725 AUC
« Tu t’es une fois de plus surpassé mon cher Lucanus. » lance-je à l'aîné, alors que je m'approche de lui pour l'embrasser sur la joue.
Pourquoi dis-je cela à Lucanus, et non pas aux autres membres de la gens Oppia présents à ses côtés, et qui ont dû eux aussi œuvrer pour faire de cette soirée une réussite ? A vrai dire, je n’en ai pas la moindre idée. Peut-être tout simplement parce que parmi tous mes cousins, c’est bien Lucanus qui est le plus réceptif à ce genre de compliments. Mais si ces mots sont censés flattés le plus âgé des frères Oppii présents ce soir, ils ne proviennent pas moins du cœur. Depuis quelques temps déjà, Lucanus a su montrer à quiconque qui voulait bien le voir qu'il était un digne successeur de son père et qu'il ferait briller le nom des Oppii. Et en cela, nous nous ressemblons finalement pas mal, car comme lui, je désire faire honneur aux miens. Seulement, en tant que femme, mon rôle est bien différent de celui de Lucanus. Mon rôle n'est pas de briller aux yeux de tous, mais bien d'assurer une alliance particulièrement avantageuse à mon oncle. Et pour cela, je dois me contenter de rester à tapie dans l'ombre de mon époux, à tirer les ficelles sans qu'il ne s'en aperçoive. Un jeu que j'ai effectué avec une certaine aisance jusqu'à peu. Jusqu'à ce que ce mot infâme n'apparaisse écrit sur les murs de notre villa. Cocu. Une accusation qui n'a pas le moindre fondement, et pourtant, elle ne semble rendre ma position auprès de Gaius encore plus précaire qu'elle ne l'était déjà. La naissance de notre fille l'a déçu, et maintenant, ce "scandale"... je ne peux qu'espérer de ne pas finir comme Vocula : écartée pour que Gaius puisse épouser une femme plus jeune. Mais contrairement à la première épouse de mon mari, j'ai un avantage non négligeable : je suis une Vettia, et ce nom seul suffit pour me protéger... du moins pour le moment, puisque la relation entre mon époux et mon oncle est toujours trop importante aux yeux des deux concernés pour que Malucinensis ne songe au divortium. Mais pour combien de temps encore ? Il faut que je parvienne à trouver un moyen pour parvenir à combler cette distance qui nous sépare désormais, mais pour l'instant, aucune de mes tentatives n'a porté ses fruits.
Un soupire échappe de mes lèvres. Ne me suis-je pas promise de ne pas me laisser aller à de telles pensées obscures ce soir ? Mais comme la plupart des résolutions, celle-ci ne semble pas faite pour être tenue. Si j'ai espéré que cette soirée me changerait les idées, je dois bien avouer que pour le moment, c'est loin d'être le cas. Mais maintenant que mon époux a disparu dans la foule pour saluer une de ses nombreuses connaissances - et sans doute pour admirer les danseuses de Julia Felix, voir même les convier pour une bien autre danse plus tard dans la soirée -, il est temps pour moi de me mêler à mon tour aux autres invités. Après tout, l'heure n'est pas à l'apitoiement sur son propre sort, mais bien à la création de nouveaux liens, et surtout à l'amusement. Et sur ce niveau, mes chers cousins n'ont épargné aucune dépense pour divertir leurs invités. Entre les courbes féminines enveloppés par des fines étoffes presque transparentes, et les corps athlétiques des dieux de l'arène, il y en a pour tous les goûts. Et même mon regard s'égare quelques moments et parcourt avec intérêt le corps musclé d'un de ces beaux apollons qui se tient sur une petite estrade non loin de moi. Si j'ai toujours apprécié observer le jeu des muscles de ces esclaves lors de leurs combats, ma position de femme respectable m'a toujours contrainte de feindre un certain désintérêt en détournant le regard après seulement quelques instants. Mais ce soit, je profite de l'anonymat que me confère mon masque pour les observer plus longuement qu'à l’accoutumée.
Mon regard remonte le long de ses membres, de son torse, tout glissant lentement un raisin dans ma bouche. Et pendant un bref instant, j'en arrive même à comparer cet esclave à mon époux. Certes, Gaius est certainement plutôt agréable à regarder, et sans doute aurais-je pu tomber sur un époux bien moins agréable, et pourtant, comparé à ces dieux de l'arène, il semble tout à coup avoir bien peu de qualités. Mon regard se pose sur les abducteurs de l'esclave, avant de continuer lentement leur montée, et se poser sur le visage du jeune Adonis. Et pendant un bref instant, mes yeux écarquillent sous mon masque. Il a beau être déguisé, mais je ne reconnais que trop facilement ces traits qui sont profondément ancrés dans mon esprit, et qui désormais semblent vouloir me ramener quelques années en arrière. Lui. Le symbole de ma plus grande honte. Ce charmant inconnu qui, à l'ombre du Vésuve, m'a fait rêver d'une vie bien autre que celle que j'ai maintenant. Mais cela n'a été qu'une grande tromperie. Il n'était pas le Caeso, fils d'un riche marchand, que j'ai accepté de rencontrer seule, mais qu'un simple esclave. Une vérité que je n'ai apprise seulement quelques mois plus tôt, lors d'une soirée organisée chez les Claudii, et depuis, je me sens honteuse ne serait-ce qu'à penser à cette après-midi, alors lui faire face une fois de plus... Sans doute est-ce là un autre avantage du masque puisqu'il cache la rougeur de mes joues en ce moment précis. Mais de toute manière, il est impossible qu'il ne m'ait reconnu, alors il vaut sans doute mieux que je m'éloigne tant que cela est encore possible. Mais alors que je lutte encore avec moi-même, la voix du beau brun s'élève, ruinant mon espoir de me retirer discrètement...
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Jeu 19 Mar - 13:14
Re: LA VERITE SOUS LE MASQUE ₪ Ulysse & Vettia
₪ Arrivée à Pompéi : 02/05/2013 ₪ Ecrits : 787 ₪ Sesterces : 1 ₪ Âge : 25 ans ₪ Fonction & Métier : Rétiaire chez Lucretius
Cogito ergo sum ₪ ₪ Citation: La dignité une fois perdue ne se récupère jamais. ₪ Moi en quelques mots: ₪ Côté Coeur: Tout va bien, merci.
Ulysse
« Ma nièce j’espère que vous appréciez le spectacle. »
Ecouter était la seule chose qui m’était permise de faire sinon d’amuser les femmes… Mon intérêt piqué à vif, le laisse mes yeux s’égarer sur ladite nièce qui aux paroles de son oncle ne semble pas désintéressée au spectacle… L’oncle évaporé, elle est tout à moi et je promets que cet intérêt qu'elle me porte sera récompensé. Après tout c’est mon rôle d’offrir à ces femmes une attention que leur époux ne leur accorde pas toujours, de leur susurrer des mots sur leurs rêves nocturnes. Si je leur donne ce qu’elles n’osent demander elles influeront les dons de leurs époux au ludus. Par cet intermédiaire, elles nous paieront des soins pour une vie qui sera quelques peu plus douce. Des douceurs qui nous mèneront à une victoire et une renommée certaine! Ces dons, c’était ce qu’Ilythia attendait de nous et nous devions nous plier à cette exigence. Quelque part, les masques rendaient cette quête plus intéressante et surtout plus rentable. Même les épouses les plus respectables ne pourraient s’empêcher, sous un visage emprunté, de nous observer de tout leur soul. C’était le cas de ladite nièce. Invisible, tapis dans l’ombre elle m’avait assez observé pour que son oncle puisse lui en faire la douce remarque… Du moins, l’était-elle pour moi, douce. La soirée avait commencé et il était grand temps que celui que tout le monde monde connaissait sous Ulysse s’empare de moi, laissant à la porte la révulsion que pouvait avoir un ancien Caeso.
« Alors belle pompéienne …. dis-moi quel spectacle apprécies-tu le plus? »
Je lui souris d’un sourire presque trop charmeur, un sourire que je ne réservais que pour ces soirées ou la décadence était à portée de main… Un sourire qui sous-entendait tout ce qu’il ne disait pas. Un sourire que j’avais appris à aimer et à détester. J’observe de mes grands yeux bruns la déconvenue de la jeune femme. Aurait-elle préférée que je ne la remarque pas? Pourtant il me semblait que je pouvais encore percevoir la peau dure du raisin qui cède sous ses dents douloureuses, le nectar du fruit se répandre dans sa gorge pleine de désir et ses lèvres entrouvertes quant elle avait posé son regard sur le mien… Ces détails, je les percevais encore et j'allais m'en saisir. De toute manière, les enjeux étaient trop grands pour qu’il en soit autrement.
Je m’accroupis pour être à sa hauteur et glisse ma main dans la grappe qu’elle tient proche d’elle, interdite. Tout en la dévisageant, je détache d’un mouvement sec une baie qui reste entre mes doigts, le temps de jouer un peu. Le grain roule entre mes phalanges dans un jeu épicurien. Hâtons-nous de succomber à la tentation, avant qu’elle ne s’éloigne semble lui intimer le rythme lascif de ma puissante main. Pour avoir longtemps été un fin connaisseur du raffinement certain de ce mode de vie, du philosophe grec, je connaissais les écrits à la perfection. Il ne me restait plus qu’à espérer qu’elle n’était pas insensible à cet état de vie afin qu’elle attrape cet instant avant qu’il ne se meure… Comme pour l’encourager, mon regard se porte sur sa gorge dénudée. Au patagium richement brodé à la naissance de ses jeunes seins, je devine que j’ai affaire à une riche matrone. Une mère de famille, la nièce devenait soudain plus intéressante… Alors, le raisin vient s’écraser entre mes dents avides. Un défi à relever que j’acceptais volontiers.
Mes pupilles brillantes cherchent celles de la pompéienne, cachées sous son masque. Je les sens se dérober comme s’ils souhaitaient être à des milles de cet endroit, mais c’est trop tard. J’en ai fait ma proie. Une proie dont je me vanterai à Suspirium dès notre retour au ludus! Quand les iris de mes yeux trouvent enfin celles de la charmante jeune femme, un frisson parcours l’échine de mon cou. Il y avait comme un souvenir de déjà-vu… comme si je connaissais la scène sans pouvoir l’identifier. Pendant, un court moment, une fraction de seconde, un instant fugace les lyres s’estompent. Dans mon esprit, il me semble connaître ce regard brun, il me semble familier comme si un jour il avait pu m’appartenir… Mais les lyres, dans un sensualisme exacerbé, refont surface et le mirage aussi vite qu’il était apparu s’envole. Le regard a disparu et je m’entends ajouter dans cette même quête ; « car il me semble difficile de rivaliser devant celui que tes yeux m’offrent… ».
Sam 11 Avr - 21:08
Re: LA VERITE SOUS LE MASQUE ₪ Ulysse & Vettia
Invité
Ulysse & Vettia
Nous sommes des acteurs qui changeons de masque en fonction du spectacle.
soirée des Oppii, mi-mai 725 AUC
La voix de mon oncle me ramène à la réalité, m’interrompant dans la contemplation du physique quelque peu avantageux du gladiateur qui se tient devant moi. Le masque l’empêche peut-être de voir mes joues rougissantes, et pourtant, je ne peux pas entièrement cacher mon malaise. Prise sur le fait.
« Je… » commence-je à barbouiller avant de me taire.
Il n’y a rien que je puisse dire pour justifier mon comportement. Moi qui aie toujours fait de mon mieux pour rendre Stefanus fier de moi, me comporte comme une vulgaire morue pour les beaux yeux d’un simple gladiateur. Non, correction : il n’est pas un simple gladiateur, ou du moins il ne l’est pas pour moi. L’homme qui a su attirer à plus d’une reprise attirer mon regard se trouve aussi être le symbole vivant de ma plus grande. Je le déteste pour m’avoir éconduite de la sorte, même si cela remonte désormais à bien des années. Et pourtant, comme ce poisson ne peut pas s’empêcher de s’approcher de la lanterne de la baudroie abyssale, je ne puis m’empêcher de poser une fois de plus mon regard sur le beau brun une fois que mon oncle s’est éloigné pour saluer quelques-unes de ses connaissances qui profitent elles aussi de la fameuse soirée des Oppii pour se montrer sous leur meilleur jour.
Et pourtant, depuis l’intervention de Stefanus, je me sens quelque peu agitée. Si mon oncle a su me reconnaitre malgré le masque, qui d’autre sera en mesure de faire de même ? Bien sûr, mes cousins savent qui je suis, mais de leur part, je ne risque rien de plus qu’un regard désapprobateur de Tiberius, ou même un clin d’œil complice de Corvus, suivi d’une taquinerie qui me ferait en toute probabilité monter le rouge aux joues de honte. Quoique dit comme ça, ce n’est certainement pas quelque chose d’enviable. Mais dans tous les cas, cela serait certainement mieux que la réaction que pourrait avoir mon époux, qui lui aussi connait assez bien mon masque pour ne pas avoir le moindre doute concernant mon identité. Un simple coup d’œil par-dessus mon épaule suffit de me rassurer : Gaius, sans doute à la recherche d’une compagne pour la nuit, est bien trop occupé à admirer les charmes d’une morue aux airs exotiques. Mais voilà ce qui n’est certainement pas étonnant pour lui qui déserte la couche conjugale pour s’allonger avec les catins de Julia Felix : même le poisson qui vit dans l'eau a toujours soif. , et décidément, Gaius ne pouvait pas laisser passer une telle occasion pour admirer les courbes de ces nymphes. Et sans doute que Julia Felix ne tardera pas à l’encourager avec quelque paroles innocente en apparence pour vanter les compétences de sa créature… Après tout, avez-vous jamais entendu la marchande de poisson dire que le maquereau sent mauvais ? Mais pour l’instant, elle semblait engagé dans une conversation avec ce requin de Kaeso Ausonius Faustus, et sans doute était-ce le moment pour moi de rejoindre mon époux pour lui rappeler ma présence, et tenter de lui faire oublier ces esclaves, avant qu’il ne reçoive d’encouragements de la part de la maquerelle… et pourtant, j’hésite. Avec de la discipline et de la patience, on venait à bout de n'importe quel poisson, une fois qu'il avait mordu à l'hameçon. Et pourtant, ce soir, ces deux qualités me font défaut. Pour l’espace de quelques heures, je désire oublier les poids qui pèsent sur mes frêles épaules. Après tout, mon cher époux semble déjà avoir mordu à un tout autre hameçon. Les paroles de mon oncle semblent résonner dans ma tête : ‘N’oublie pas que l'esprit ne vient au poisson que lorsqu'il est pris au filet, alors fais sorte que ce filet soit le tien, et qu’en aucun cas, il ne puisse en échapper.’ Une mission dans laquelle j’ai failli, comme tout le monde peut le voir depuis. Il n’y a qu’à espérer que Gaius regagne ses esprits après une nuit endiablée avec cette égyptienne…
Mais, avant que je ne puisse me décider à agir en une quelconque manière, la voix du gladiateur me coupe dans mes réflexions, attirant une fois de plus mon attention sur lui. Une fois de plus, mon regard se promène sur son corps musclé, pour finalement se plonger dans ses yeux. A ce moment précis, il semble si loin de l’homme qui était parvenu à me faire oublier toute précaution pour le rejoindre au bord du Vésuve. Il avait toujours ce regard qui vous fais sentir à la fois mal à l’aise et extrêmement désirables… mais son attitude avait changé. Si autre fois, il avait semblé presque timide lorsqu’il s’agissait de séduire, il semblait être devenu bien confiant pendant les années qui avaient passé depuis cette après-midi, pensant sans doute qu’avec de petits appâts, on capture de gros poissons. Et vu la confiance qui se lisait sur son visage, il n’est pas difficile de deviner que son charme a dû fonctionner sur bien des femmes, et d’une certaine façon, il fonctionne également sur moi, puisqu’au lieu de lui rappeler sa place avec quelques paroles sèches et de m’éloigner, je reste là à le regarder, et sous mon masque, je me surprends même à sourire à ses paroles. Par amusement ou parce que ses beaux yeux n’ont pas perdu leur effet sur moi ? Pour l’instant, je ne saurais dire, et sans doute faut-il attendre pour pouvoir répondre à cette question…
« Et quel est donc ce spectacle qui saurait captiver l’attention d’un homme habitué à voir des foules en extase ? » réplique-je sur un ton quelque peu coquet.
Peut-être entre-je dans son jeu, mais ce n’est pas pour autant que je me laisserais séduire aussi facilement que toutes ces cervelles d’huître qui dans sont passées sur sa couche. Je joue avec le feu, me comporte d’une manière qu’aucune matrone respectable ne le devrait… mais seul les poissons morts nagent avec le courant, et je ne suis pas morte. Au contraire, je ne me suis pas sentie aussi vivante depuis bien longtemps.
« Quant à ta question… si tu tentais de deviner la réponse ? » continue-je sur ma lancée, tandis qu’un sourire taquin se dessine sur mes lèvres.
Ce jeu dangereux me fait découvrir un côté de moi que je ne connaissais pas auparavant, et que je me surprends à apprécier plus que je ne le devrais.
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Ven 24 Avr - 18:35
Re: LA VERITE SOUS LE MASQUE ₪ Ulysse & Vettia
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Ulysse
« Et quel est donc ce spectacle qui saurait captiver l’attention d’un homme habitué à voir des foules en extase ? »
Ce sera plus simple que je ne le pensais. La pauvre matrone délaissée, semble déjà subjuguée par mon aura… Evidemment, son époux ne pouvait sûrement rivaliser avec ce corps d’Apollon dénudé que je lui offrais, du moins que les Oppii lui offrait. Et comme le poisson voit l'appât et non l’hameçon, je continue dans ma lancée, tout sourire. Suspirium n’avait qu’à bien s’accrocher car c’est un récit sensuel dont je me vanterais sur le chemin du retour.
« Quant à ta question… si tu tentais de deviner la réponse ? »
Si je tentais de deviner la réponse? Ma lèvre supérieure frémis, je ferais mieux que de le deviner. Je laisse sa taquinerie s’emparer d’elle. J’attends encore quelques instants que son envie interdite s’approche doucement de cette falaise de l’envie avant de l’y précipiter. Derrière mon masque, je me demande si elle m’a reconnu. Moi, Ulysse, le rétiaire. Si elle fait partie de cette foule en extase qui scande mon nom… Le vert continue d’explorer la mer de ses yeux -la poésie ne fait pas partie de mon monde lecteur, seuls les rimes des armes je connais désormais, à l’intelligence avertie je demande donc indulgence-, je continue d’explorer la mer de ses yeux dise-je. Un océan dans lequel je me perdrais volontiers tant il me trouble. Je me demande soudainement, si dans ce port où j’ai grandi les marins eux aussi se perdaient volontiers dans les eaux limpides? Je ne m’étais jamais demandé si ils ressentaient un besoin pressant de prendre la mer… Au milieu du monde, perdu face à l’horizon faisaient-ils preuve de la même confiance, le même sentiment de danger et d’hypnose? « Viens donc par ici Ulysse » semble susurrer la bouche rosée de la sirène. Monstre marin fait femme, je comprenais soudain l’empressement des aurores salées au rivage de mon ancienne vie, comment pêcheur aurait-il pu résister à cet appel? Il me fallait être bien loin du monde marin pour comprendre l’appel mystérieux du grand bleu. Et tandis que mon visage s’est un peu plus penché vers le rivage de son monde, l’écume du monde me réveille de mon songe. Le maléfice est bien essayé. Mais ce n’est pas moi qui tomberait dans ses filets -l’ironie serait belle pour un rétiaire-.
« Je ne vois jamais l’extase des foules, je l’entends. Autrement, je serai me défendre contre ton regard qui me semble bien plus dangereux que le glaive de Remus… »
C’était le genre de phrases niaises dont elles raffolaient. Ce genre de phrase que jamais l’époux ne prononçait dans l’intimité froide de leurs ébats… Des ébats d’ailleurs qui n’en étaient pas. Un taureau et une génisse seuls suffisaient à comprendre le malheur de ces femmes enchainaient à une vie d’ennuis mortels. Mais si on en revient à son regard, je peux te l’avouer à toi lecteur anonyme, ce regard, il me rappelle quelque chose de doux, de chaleureux et de … triste. Une nostalgie lointaine. Un voile du passé qui ne veux pas être soulevé. J’essaie pendant quelques instants quitte à me perdre un peu plus dans mes pensées. Un mirage. Tant pis, que cette relique imaginaire reste donc floue, il était certain qu’elle n’intéresserait pas la matrone…
Mes doigts frôlent ses mains sagement dissimulées contre son corps. Combien de temps encore pourrait-elle les retenir? Son regard était déjà trop brûlant pour que ses mains maternelles et endormies ne rêvent de le suivre… Mes doigts les frôlent pour se poser sur une composition pyramidale de fleurs et de fruits -une composition à la dernière mode d’un goût douteux, mais il en fallait toujours plus pour faire plaisir aux convives-. Agiles, déterminés ils viennent cueillir un raisin, et dans un sourire tout aussi taquin que celui qui danse sur ses lèvres, je viens le placer entre ses lèvres. La belle inconnue devait croquer le plaisir à pleines dents. Autour de nous, les lèvres des hommes étaient coulantes de désir avoué pour les louves de la Félix et leurs yeux, déjà, étaient perdus dans des fantasmes immoraux. Personne ne faisait attention à nous, nous étions seuls au milieu de la foule. Sans en faire autant -car le spectacle n’était pas aussi beau qu’il pouvait y paraître-, elle pouvait s’abandonner sans crainte de ses lèvres taquines à ce spectacle qui semblait la captiver.
« Hélas, je n’ai jamais été bon pour les devinettes et ton regard m’est trop difficile à déchiffrer pour que je puisse répondre à ta question… »
Alors, c’est le moment que j’ai choisi pour la pousser de sa falaise virginale. Peut-être que dans cette mer agitée nous pourrions nous perdre tous les deux…