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 Beaucoup de vin et de chagrins ...



POMPEII, TERRA DEORUM ₪ :: Auberge Fausta et Lupanar
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Sam 15 Nov - 14:27
Beaucoup de vin et de chagrins ...   




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Une semaine s’était déjà écoulée. Une semaine horrible où il avait eu mille fois l’impression de sombrer encore plus profondément dans le désespoir et la folie. Les jours se succédaient sans qu’il n’y porte la moindre attention.

Depuis une semaine, il s’était coupé du monde des vivants. Il ne voulait voir ni parler à personne. Seule Amrah arrivait à l’approcher, mais rapidement, il la congédiait quand la vieille dame tentait de le ramener à la raison. Enfermer dans ses appartements, il ne tolérait pour seule nourriture qu’un peu de pain et du vin. Beaucoup de vin, des litres entiers et pourtant rien n’arrivait réellement à engourdir le mal. Rien n’arrivait à lui faire oublier sa peine et ce foutu sentiment de culpabilité qui le rongeait. Les quelques instants où il retrouvait des instants de lucidité, la souffrance était si intolérable qu’il se remettait à boire. Son mal était si profond qu’il avait besoin de davantage pour tenter d’oublier. Aussi, il demanda à Demetrius d’aller lui chercher de l’opium. Il lui fallait quelque chose de plus fort que le vin pour chasser les terribles images qui le hantaient. Il voulait oublier. Il voulait s’imaginer que tout ceci n’était qu’un horrible rêve. La réalité était trop dure à accepter. Trop cruelle. Trop intolérable. La triste réalité finirait bien par le rattraper, mais pour le moment il ne voulait qu’oublier. Oublier qu’elle était morte. Oublier que leur enfant était également mort avec elle. Qu’elle n’était plus. Qu’il ne pourrait plus jamais la serrer dans ses bras, humer son doux parfum et caresser sa peau douce. Jamais plus, il ne pourrait entendre son rire cristallin et sa petite voix. Jamais plus, il ne pourrait s’endormir auprès d’elle.

La mort de Julia lui avait brisé le cœur et il avait cru que jamais plus il ne pourrait aimer à nouveau et puis il l’avait retrouvé. Grâce à son amour et sa douceur, il avait repris goût à la vie. Il avait repris espoir. Et puis de nouveau, la mort était venue la chercher. Tout comme Julia elle était partie dans un monde où il ne pouvait être à ses côtés. Bien qu’il ne soit aucunement responsable de ce qui leur était arrivé, il ne cessait de se blâmer et de se tenir pour responsable de la mort des deux femmes. Le seul fait de respirer encore lui était insupportable. Il aurait voulu mourir pour aller les rejoindre. Un glaive dans le cœur et tout serait fini, mais alors qu’il était sur le point de le faire, il revoyait le visage de Vinicia et il reprenait un peu de bon sens. Il ne pouvait l’abandonner. Il avait fait la promesse de veiller sur elle. Il avait promis à Julia de l’aimer et la protéger.

Ne pouvant se faire davantage de mal à lui-même qu’il ne l’avait déjà fait, il décida alors de se venger sur la maison. Cette villa portait malheur. Elle lui avait pourtant apporté de grandes joies, mais aujourd’hui elle ne lui rappelait que de terribles souvenirs qui le faisaient souffrir. Il se mit donc à la détruire morceau par morceau. Lorsqu’il débuta la démolition des murs de la villa,  les esclaves se mirent à avoir peur de leur maître et certains se mirent à fuir dans les champs, mais rien ne le détourna de sa tâche. Jour après jour, il mettait en miettes son passé. Jour après jour, il se détruisait avec l’alcool et la drogue en s’accablant de tout ce qui était arrivé. Il était méconnaissable et même ses plus fidèles esclaves avaient peine à le reconnaître. Cheveux en batailles, barbes longues, vêtements en loques il n’avait pas pris de bain depuis plusieurs jours. Il ressemblait davantage à un clochard qu’a un riche patricien ou un fier général de l’armée romaine. Ne sachant plus quoi faire pour le raisonner, Amrah avait décidé de renvoyer Vinicia dans sa famille à Rome le temps que Marcus retrouve la raison. L’enfant était trop jeune pour assister à ce terrible spectacle d’autodestruction. La pauvre enfant était déjà fortement ébranlée d’avoir assisté à la mort de Tirzah. Son petit cœur avait déjà terriblement souffert de naître sans mère et voilà qu’elle venait de perdre la seule autre femme qui aurait pu la remplacer. Perdre son père serait insupportable aussi Amrah décida qu’il valait mieux l’éloignée pour quelque temps de Pompéi.

Les jours se succédaient et jour après jour la Bella Julia disparaissait du paysage de Pompéi. À coup de masse, Marcus détruisait tout autour de lui. Les murs, les meubles, les objets, les fontaines. Rien ne devait rester de cette maison et de ses souvenirs qu’elle lui rappelait. Il avait vendu les terres environnantes à l’un de ses voisins ainsi que les écuries. Il n’avait gardé que ses chevaux.

Au bout de la seconde semaine et ce après de multiples disputes avec Amrah, il accepta le fait qu’il allait devoir se séparer de la dépouille de sa bien-aimée. Désireux de respecter les croyances de cette dernière, il avait fait appel à Caria qui elle aussi était de confession juive pour organiser sa mise en terre. Il acheta une parcelle de terre en dehors de Pompéi et la fit consacrer par un Rabin et y fit enterrer Tirzah et leur enfant. Alors qu’il ne restait pratiquement plus rien à détruire de la villa, Marcus passait des heures devant le petit amoncellement de roches sous lequel reposait Tirzah. Il ne cessait de revoir dans sa tête le fil des événements qui les avaient conduits jusqu’ici et quand le mal redevenait trop dur à supporter il partait en quête d’alcool et de drogues pour oublier à nouveau. Les jours passaient et il devenait de plus en plus méconnaissable. Après avoir pratiquement vidé ses réserves, Marcus dut se rabattre sur les tavernes de la ville pour éponger sa soif.


₪ ₪ ₪


Le soleil était couché depuis plusieurs heures lorsqu’il entra dans l’auberge de Fausta pour commander un grand pichet de vin. Comme à son habitude, il prit une table au fond de la pièce à l’écart des autres clients pour boire son vin sans être dérangé. Concentrer sur ses seuls malheurs, il ne remarqua pas la présence de certains de ses soldats qui le dévisageaient au bout de la pièce pas plus qu’il ne vit son ami Manius Oppius Corvus attabler à quelques pas de lui avec d’autres hommes. Ces derniers jouaient aux dés et l’enthousiasme que dégageait le corbeau était tel qu’il ne faisait pas de doutes que contrairement à Marcus la vie était très belle pour lui en ce moment.  


Spoiler:


Dernière édition par Marcus Vinicius le Dim 30 Nov - 15:23, édité 1 fois
Plebe
Jeu 20 Nov - 19:56
Re: Beaucoup de vin et de chagrins ...   




Manius Oppius Corvus
₪ Arrivée à Pompéi : 15/06/2014
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Manius Oppius Corvus
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Beaucoup de vin et de chagrins...


Auberge Fausta ~ Mai 725 AUC


Une soirée de plus dans cette auberge, et j’y demeure toujours avec autant d’enthousiasme. Mes bourses renferment assez de deniers pour me laisser aller aux pires débauches et cette nuit ne sera marquée que par la démesure, je le jure par Jupiter ! Mes comparses et moi formons certainement le groupe le plus bruyant de la taverne et chaque partie de dés est soldée par des rugissements rauques imprégnés d’alcool. Une nouvelle fois, mes dés pipés m’ont permis de m’octroyer un bon pourboire, de quoi égayer encore plus cette soirée. Rien de tel que de bons amis pour se remplir les poches ! L’affection empêche tout discernement et remplacer de temps à autre mes dés truqués par des normaux m’évite d’éveiller les soupçons. L’alcool aidant, il n’est pas bien difficile de les flouer. Sympathiques et utiles ces collègues avinés et marchands du quartier des Stabies, de véritables amis en somme !

Alors qu’un nouveau lancé « chanceux » me rapporte quelques pièces supplémentaires, mon regard dévie au hasard vers un recoin sombre de l’auberge. Il s’y trouve un homme que je peine à reconnaître tant sa barbe drue et ses traits tirés tranchent avec ce fier légat que j’ai tant fréquenté il y a quelques années de cela. Sans hésitation, poussé certainement par le vin qui m’a désinhibé depuis un moment déjà, je me mets debout en levant mon pichet dans sa direction et je m’écrie :

- Par la verge de Jupiter ! Vinicius ! Depuis combien de temps tes pas ne t’avaient-ils plus menés jusqu’au bordel des crasseux ?

Sans attendre, j’enjambe le banc de notre table pour m’extirper du groupe en veillant bien à récupérer mes dés truqués pour éviter tout risque d’être démasqué par mes camarades.

- Pardonnez-moi, braves citoyens, mais j’ai un vieil ami à voir.

Je traverse l’auberge pour rejoindre le patricien et je m’assieds en face de lui en lui donnant une tape amicale sur l’épaule.

- Par tous les dieux, Vinicius, ça fait plaisir de te voir ! Je croyais ne plus te trouver chez Faustus avant d’avoir traversé le Styx. Qu’est-ce que tu viens faire ici ?

Alors que je suis face à lui, je remarque enfin ses yeux rougis par la fatigue et l’alcool. Je fronce les sourcils imperceptiblement et tente de mieux le distinguer malgré l’obscurité qui plane autour de lui. Plus mes yeux s’y habitue et plus ce que je découvre me sidère. J’ai l’impression de voir Vinicius vieilli de dix ans. Depuis toutes ces années, je crois n’avoir jamais vu le légat avec une telle barbe. Le patricien gardait comme tous ceux de sa caste un intérêt particulier pour son apparence, une résolution qui me semble bien mise à mal aujourd’hui. Ses vêtements sont élimés, décolorés et tâchés par la boue et la poussière. Ses cheveux aussi ont poussé et tout porte à croire qu’il a déserté les thermes depuis bien trop longtemps. Plissant les yeux davantage, j’aperçois son regard étrangement vide et son air absolument détaché. La nuit est déjà avancée et je sens d’ici son odeur d’alcool, signe qu’il n’en est pas à son premier pichet de vin aujourd’hui. Est-il là depuis tout ce temps sans que je l’ai remarqué ou avait-il déjà épongé sa soif avant de venir ici ? Aucune de ces deux possibilités ne me rassure et mes yeux se posent alors sur ses mains pour les trouver toute égratignées. L’arrière de ma tête me picore et je passe une main dans mes cheveux pour dissimuler le soupçon d’inquiétude qui me prend soudainement.

Je n’avais plus vu Marcus ici depuis bien longtemps. Notre amitié est née lors de la mort de sa femme. Après une ou deux rencontres fortuites, nous avions pris l’habitude de nous retrouver chez Faustus pour profiter ensemble du vin et des catins et y oublier nos problèmes. J’y noyais ma honte de mauvais fils et ma jalousie vis-à-vis de Lucanus, il y étouffait son manque d’affection et sa solitude. Je ne compte plus depuis longtemps le nombre de fois où nous sommes partis bras dessus bras dessous pour essayer tant bien que mal d’atteindre nos appartements malgré les gueules de bois mémorables que nous avions ensemble. Et puis, presque du jour au lendemain, il avait déserté l’auberge Fausta. Nos rencontres avaient été évidemment bien moins fréquentes et nous nous sommes quelque peu perdus de vue. On m’avait dit que cela était l’œuvre d’une femme et je ne cherchais pas à en savoir davantage. Après tout, nous n’étions pas du même milieu et il était presque naturel que nos routes se séparent ainsi. Je demeurais fidèle à Faustus et ses putains, sans plus les partager avec le légat qui, je l’imaginais sans amertume, n’avait plus besoin de quelqu’un comme moi pour lui remonter le moral les jours sombres.

Pourtant, aujourd’hui, il est bien là face à moi, et j’ai l’impression de le retrouver plus vide que jamais. Certaines rumeurs m’étaient arrivées aux oreilles : on disait qu’il s’était enfermé à la villa Bella Julia depuis son retour de Judée, que des bruits étranges émanaient de cette maison et qu’une folie inexplicable lui faisait détruire les murs de la bâtisse à mains nues. Je suis assez familier des bruits de rue pour ne pas leur donner l’importance que certain leur octroie sans plus réfléchir que cela. Malgré tout, maintenant qu’il se trouve face à moi j’avoue qu’un certain doute m’envahit. Jamais je ne l’ai vu dans un tel état, pas même lors de la mort de sa femme.

Je ne suis pas habitué à endosser ces rôles-là, ceux des amis solides qui prennent même plaisir à offrir leur épaule aux âmes un peu perdues. Pourtant, je ne peux me résoudre à m’enfuir face à Vinicius, même si quelque chose me dit qui la solitude, en cet instant, lui sied plutôt bien. D’un ton plus bas et plus sérieux, je me risque alors à lui murmurer :

- Marcus ?

Je l’appelle ainsi comme pour le ramener à la réalité. Je ne veux pourtant pas le brusquer et j’attends que ses yeux retrouvent une petite étincelle de vie, qu’ils me regardent réellement et qu’ils ne fassent pas que me voir. Je réalise alors que je ne l’ai encore jamais appelé par son praenomen, comme si pour la première fois, j’étais prêt à lui parler en ami sincère et sérieux.

lumos maxima
Dim 30 Nov - 15:26
Re: Beaucoup de vin et de chagrins ...   




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Cette nuit ressemblait à toutes les autres. Froide. Morne. Vide. Plus rien ne l’intéressait. Plus rien n’a d’importance. Il aurait préféré la mort à cette vie sans elle. Il aurait certainement mis fin à ses jours si ce n’était pas un acte de déshonneur pour un soldat comme lui. Mourir à l’extérieur du champ de bataille. Mourir de sa propre main couvrirait sa fille et le reste de sa famille de honte et il ne méritait pas un tel châtiment. Sa petite fille. Si jolie, si innocente avait déjà tellement souffert, il ne pouvait lui faire un tel affront. C’était elle. C’était cet enfant qui le gardait vivant. C’était la promesse qu’il avait faite à Julia qui le maintenait en vie malgré la douleur et le chagrin. Sans cette promesse. Sans Vinicia, il se serait déjà donné la mort pour aller les rejoindre. Alors pour tenter d’oublier sa douleur de vivre, il noyait son chagrin dans le vin. Cette nuit comme toutes celles qui l’avaient précédé depuis ce terrible jour, il ne lui restait que le vin pour le garder en vie, car la vie elle-même le désintéressait.  

À l’extérieur, le vent s’était levé et il faisait claquer les volets de la taverne ce qui le sortit pour un moment de ses rêveries solitaire. Il regarda alors autour de lui pour chercher le serveur des yeux quand il remarqua la présence des autres clients à quelques tables de la sienne. Ceux-ci semblaient occupés par une partie de dés. Jadis, il aurait certainement pris par a cette joute parce qu’il aimait parier, mais ce soir il n’en avait aucune envie. Il regardait les hommes assis à cette table sans vraiment les regarder lorsqu'une voix familière le sortit de ses pensées. Il reconnaissait cette voix. Il reconnaissait cette silhouette singulière. Grande taille, cheveux court en bataille, une voix railleuse et chaude qui ferait fondre toutes les statues de cire tellement il savait charmer ceux qui l’entouraient. Nul doute, il devait s’agir de Manius Oppius Corvus. À la pensée de ce vieil ami de jeux et de beuverie, il eut un léger rictus qui ressemblait à s’y méprendre à un léger sourire. Le premier depuis des lunes. Corvus. Ce beau parleur qui l’avait plus d’une fois plumé avant qu’il ne découvre ses petites combines. Corvus avec qui il avait plus d’une fois vidé des pichets de vin durant toute la nuit avant de se payer quelques femmes pour finir la nuit. Corvus a qui aucune femme ne pouvait dire non. Cet homme était le vice incarné, mais il devait s’avouer que le jeune homme l’amusait. Alors que leur regard se croise, il sait que le jeune homme la reconnut, mais comme plusieurs autres qui ont croisé sa route depuis quelque temps, il semble avoir du mal à croire ce qu’il voit. Il doit certainement avoir l’air bizarre, mais il s’en moque. Il n’a aucune envie pour les vanités et les séances de mise en beauté. Son apparence l’indiffère comme tout le reste d’ailleurs. Il ne cherche pas l’approbation de personnes et encore moins leur compagnie. Alors qu’il tente de se lever pour quitter les lieux pour ne pas avoir à faire la conversation, voilà que Corvus se lève de son siège et lui dit :  

- Par la verge de Jupiter ! Vinicius ! Depuis combien de temps tes pas ne t’avaient-ils plus mené jusqu’au bordel des crasseux?

Sachant qu’il ne peut plus vraiment se dérober, il reprend place sur son tabouret et vide ce qui reste de vin dans son gobelet. Il reconnaît bien son ami à son langage coloré et ses manières disgracieuses. Sans attendre son invitation, il le voit ensuite prendre congé de ses camarades et puis en quelques pas voilà qu’il s’assoit face à lui en lui tapotant gentiment l’épaule. Un geste qui se veut amical certes, mais qui le met mal à l’aise. Il n’a pas besoin qu’on le prenne en pitié. Sachant qu’il n’arrivera pas à se défaire de Corvus avant un moment, il fit un signe au serveur de lui apporter deux pichets et poussa de la main le pichet qui se trouvait déjà sur la table vers son ami. Il reste toujours silencieux et ne le regarde pas. Seul le fond de son gobelet semble l’intéresser réellement.

- Par tous les dieux, Vinicius, ça fait plaisir de te voir ! Je croyais ne plus te trouver chez Faustus avant d’avoir traversé le Styx. Qu’est-ce que tu viens faire ici?

Il sent le regard scrutateur du jeune homme sur lui. Que sait-il de ses malheurs? Quelles sont les rumeurs qui circulent à son sujet dans les bas-fonds de Pompéi? Il n’est pas fou, il sait déjà que des bruits doivent courir dans toute la ville au sujet de ce qui est arrivé chez lui. Nul doute qu’il doit faire le bonheur des harpies et des amateurs de ragots. Depuis qu’il a sauvé la vie de Tirzah de façon héroïque, il ne se passait pas un jour sans qu’on invente des histoires à son sujet alors maintenant qu’elle est morte on doit follement s’amuser de le voir détruire sa maison et sa santé. Il ne serait d’ailleurs pas surpris qu’on ait déjà pris des paris sur le moment où il cédera complètement à la démence et qu’il retourne son glaive contre lui. Peu lui importe. À cet instant, il pense de plus en plus à demander d’être muté ailleurs. Loin de Pompéi. Loin de Rome. Une contrée lointaine et sauvage ou un étranger lui fera l’insigne honneur de lui planter son arme dans le cœur et le délivrer de son mal de vivre. Perdu dans son monde intérieur, il entend alors l’homme devant lui le rappeler dans le monde des vivants.

- Marcus?

Il soulève alors son regard vers le jeune homme assis en face de lui. Son visage semble grave. Jamais avant aujourd’hui, il ne l’avait appelé ainsi. Seuls les membres de sa famille et ses amis proches utilisent son praenomen pour l’interpeller. Alors que le serveur lui rapporte le vin commandé, Marcus remplit son gobelet et celui de Corvus et lui dit simplement de boire. Il n’a pas le cœur à la discussion et puis que pourrait-il lui dire qu’il ne sait pas déjà. Corvus semble avoir compris et il vide son gobelet. Alors qu’il remplit de nouveau son verre, le légat se racla la gorge et lui demanda :

- As-tu déjà aimé? Aimer véritablement une femme au point de vouloir mourir pour vouloir la rejoindre?
Plebe
Lun 15 Déc - 0:08
Re: Beaucoup de vin et de chagrins ...   




Manius Oppius Corvus
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Manius Oppius Corvus
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Beaucoup de vin et de chagrins...


Auberge Fausta ~ Mai 725 AUC


Je n’arrive pas à croire que j’ai en face de moi ce fier légat, ami fidèle et allié inconditionnel du duumvir de la cité, général accompli et respecté de la IVe légion, patricien flamboyant à la richesse aussi opulente que savamment employée dans ses différentes affaires commerciales, homme à femmes au regard non moins ravageur que sa conversation fleurie… Qu’a-t-il bien pu t’arriver, Vinicius, pour que je te retrouve ainsi, plus minable et désespéré que les âmes perdues que l’on ramasse dans les ruelles sombres de Pompéi lorsque la nuit atteint ses heures les plus obscures ?

Alors que je réalise son état, tant physique que mental, je vois son regard, perdu dans le fond de sa coupe comme si ce vin représentait à présent sa seule porte de sortie vers un monde dénué de toute la crasse qui semble désormais l’accabler. Un instant, j’ai l’impression qu’il ne m’entend même pas. J’hésite à insister, j’ai peur de n’être pas à ma place ici, en face de cet homme ravagé. Qui suis-je pour prétendre être cette épaule sur laquelle se reposer ? Maintes personnes dans cette taverne, même dans ma propre famille, n’hésiteraient certainement pas à affirmer que rien de bon ne peut venir de moi, ce corbeau couvert d’opprobre et vicié jusqu’au bout de ses plumes. Pourtant, en cet instant, je me souviens de ces nuits passées avec le légat, de ces heures interminables plongées dans notre vin et nos rires gras imprégnés d’alcool, ces nuit certes dictées par une volonté d’oubli et d’abandon de soi, mais malgré tout teintées de moments que je ne regrette guère. Avec Vinicius, j’ai profité de mon existence dans tous ses excès et ces expériences font pour moi partie de celles qui font se sentir réellement vivant, de celles qui font grandir l’enfant pour faire naître un homme. La plupart n’étaient que des déboires ridicules dictés par la folie de l’instant et l’envie de repousser ses limites. Rien de bien recommandable en somme. Mais qu’est-ce que je les ai aimés, ces moments loin de toute éthique et de toute restriction !

Alors ce soir, à la mémoire de tous ces instants là partagés avec Vinicius, j’ai cette partie de moi qui m’empêche de me dérober. Ce soir, malgré les cris ivres du reste de mes camarades toujours occupés à leurs parties de dés et les rires du reste des clients qui résonnent entre les murs de l’auberge Fausta, il n’y a que Vinicius et moi. Comme cela n’a plus été le cas depuis bien longtemps. Comme cela n’a peut-être jamais été le cas.

Ma voix l’appelle doucement pour le faire revenir de ce monde étrange dans lequel il semble se noyer complètement. Ses yeux se détachent du fond de sa coupe pour venir enfin croiser les miens. Je me force pour ne pas laisser paraître mon effroi lorsque je les vois teintés de cette lueur si grave… Je n’ose alors imaginer ce qu’il a dû traverser. L’inquiétude me monte à la gorge mais je garde mon regard fermement ancré dans le sien. Je veux qu’il soit sûr de mon soutien, qu’il sache que je ne l’abandonnerai pas seul dans cette auberge. Je ne sais pas si c’est ce qu’il souhaite, mais je m’imposerais ce soir si cela est nécessaire car je ne me pardonnerais jamais de le laisser dans un tel état sans rien avoir tenté pour lui.

Niger nous apporte deux pichets pleins et, pour la première fois depuis bien longtemps, je le laisse tranquille sans lui lancer la moindre pique qui fait pourtant partie de ma signature en ces lieux. Seulement Vinicius et moi… Cela doit être ainsi. Doucement, le bras faible de Marcus vient quérir un des deux pichets et remplir une nouvelle fois cette terrible coupe toujours si désespérément vide. Je le regarde sans bouger, avide de réponses, de réactions, quelle qu’elles soient. Alors, sa voix que l’alcool a rendue encore plus rauque qu’à son habitude déchire le silence et ce qu’elle prononce m’assomme littéralement. Serait-ce donc cela ? …

Le coup est brutal et me désarçonne quelque peu car je me trouve moi-même comme un des moins qualifiés sur cette terre pour parler d’amour, moi qui ne l’ai pour ainsi dire jamais connu. Mes seuls contacts avec cette douce chimère se sont cantonnés aux chaleurs aussi fausses qu’adorables que l’on trouve dans les bras des catins. Je suis mal à l’aise et ai certainement du mal à le cacher. Le silence retombe quelques secondes car je n’ai pas le droit à l’erreur ce soir et je veux bien choisir mes mots. J’ai l’impression d’être accablé par une étrange responsabilité désormais, comme si une partie ne serait-ce qu’infime de l’avenir du légat reposait sur cette conversation que nous nous apprêtons à avoir. Imitant Marcus, je viens attraper la hanse de mon pichet et, tout en versant mon vin, je lui réponds sur un ton calme :

- Tu sais bien que je ne suis pas un homme connu pour sa tempérance, Marcus. Si tel avait été le cas, je ne crois pas que nous aurions cette conversations aujourd'hui…

J’imagine d’ici le rire mille fois trop propre de Lucanus qui viendrait confirmer mes dires. On me connait pour mon manque de sagesse, mon impulsivité et mon impatience. Si l’amour tel que le content les grands auteurs de notre temps donne vraiment ce genre de désirs insensés, je ne doute pas un seul instant que j’aurais été le premier à y succomber… Mais non, jamais sur cette terre on a réussi à emprisonner mon cœur dans une cage dorée et je suis toujours là, campé sur mes deux jambes face à un homme que l’amour semble avoir brisé.

Je lève mon verre et le vide d’un trait pour me donner le courage de recroiser le regard de Marcus. Je ne peux pas reculer, je ne dois pas reculer. A travers cette question, mon ami vient de m’ouvrir une porte et je ne compte pas la laisser là sans la pousser. Certains bruits à Pompéi ont parlé d’une romance entre Marcus et cette esclave juive qu’il avait sauvé de l’arène en empêchant son exécution. J’étais absent ce jour-là car si les combats de gladiateurs me passionnent, je n’ai jamais été friand des mises à mort et il m’arrive de faire en sorte de les éviter. Jamais je n’ai osé lui demander si ces rumeurs disaient vrai ou non et de toute manière, cet événement a concordé avec le moment où il n’a plus remis les pieds chez Faustus et où nous n’avons ainsi plus eu l’occasion d’avoir ce genre de discussions. Reposant mon verre, je me penche légèrement vers lui pour l’assurer de ma plus totale attention et donner à cette discussion un ton de confidences qui me semble plus qu’indiqué en de telles circonstances. Ma voix garde cette douceur sans être pour autant moins grave et je pose cette question que Vinicius doit certainement attendre mais à laquelle je ne peux malheureusement pas couper.

- Que t’est-il arrivé, Marcus ? … Que s’est-il passé en Judée ?

Ce changement est né avec son retour de voyage et quelque chose l’a changé là-bas. Si je veux pouvoir l’aider, il me faut savoir de quelle blessure Vinicius gardera toujours la cicatrice et ce que la Judée a bien pu faire pour briser un homme tel que lui.


lumos maxima
Dim 12 Avr - 14:37
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Les questions de Corvus résonnèrent pendant un moment dans son esprit. Ne sachant par où commencer son histoire, il vida de nouveau son verre, mais soudain le vin avait un goût aigre et acide dans sa bouche. Il reposa donc son verre sur la table et prit une profonde respiration. Nerveusement, il passa l’une de ses mains dans son visage comme s’il cherchait à reprendre ses esprits embrumés par le trop-plein d’alcool et de chagrin. Ne pouvant se défiler, il fit face à l’homme assis devant lui.

Pouvait-il tout lui dire? Avait-il suffisamment confiance en lui pour lui confier ses tourments et ses peines? Ils se connaissaient peu et ils ne s’étaient jamais véritablement parlé de leurs vies. Leurs relations étaient plutôt superficielles et ils se demandaient s’il ne valait pas mieux en rester là. Il n’avait pas pour habitude de parler de lui avec le premier venu. Pudique, réservé et n’aimant pas se révéler au premier venu, il ne parlait pas aisément de lui, mais surtout, il se demandait s’il pouvait avoir confiance en Corvus. Ce dernier était connu de tous pour avoir peu de moral et une langue bien pendue. À cette pensée, un vieux proverbe qu’il avait appris durant ses études lui revint en mémoire et le fit sourire quelques instants.  

**Pensée de Marcus : « Si je lui confie un secret, tout de suite il a dans la langue un poisson frétillant. »  

Nul doute que Corvus pourrait se faire quelques sous en révélant à tous les raisons de ses tourments. La plèbe était friande de ce genre d’histoires. Elle aimait plus que tout se régaler des malheurs des autres et mieux encore lorsqu’il s’agissait de la chute d’un patricien ou d’une patricienne connue et ayant la faveur des Dieux. Il savait qu’il avait alimenté déjà à plus d’une occasion leurs discussions et leurs amusements. Si par le passé, il était resté insensible à leurs remarques cette fois il se sentait plus frileux à voir sa vie exposé aux yeux de tous. Il devait d’abord penser à sa fille. Il devait la préserver de la honte et du déshonneur.
Alors qu’il sentait le regard insistant de Corvus sur lui, il lui dit :

- La Judée n’a rien à voir avec mon état. J’y suis allé dans un but précis et nous y avons trouvé réponse à nos questions bien que le résultat ne fut pas ce que nous avions espéré. Nous sommes donc revenus à Pompéi puisque Tirzah approchait de son terme. Ce n’est qu’après notre retour que…

Submerger par ses pensées Marcus s’arrêta un instant et ferma les yeux.

Le retour à leur vie normale n’avait pas été facile. Blessée par le rejet de son père, Tirzah éprouvait une grande honte à avoir été reniée par lui. Après s’être aperçu qu’elle était enceinte et amoureuse de Marcus, le père de Tirzah l’avait couvert d’injures pour s’être donné si librement à un Romain. Il l’avait accusée d’être responsable de la mort de son frère et sa sœur. Se sentant trahi par son enfant, l’homme avait tourné définitivement le dos à sa fille et lui avait demandé de partir et de ne plus jamais chercher à le revoir. Dévastée par le chagrin, Tirzah avait passé des jours alitée avant qu’ils ne puissent reprendre la route vers Pompéi. Malheureux de la voir souffrir et ce sachant responsable de ce qui lui arrivait, Marcus avait longuement réfléchi à la possibilité de lui rendre complètement sa liberté et la laisser en Judée avec son père, mais le mal était fait. Il l’aimait, elle l’aimait également et ils allaient bientôt accueillir un enfant. Jamais son père ne reviendrait sur ses paroles. Il lui avait fermé son cœur et lui avait tourné le dos.

Une fois de retour à Pompéi, il avait cru que la jeune femme arriverait à oublier, mais quelque chose dans son regard était mort. Elle n’était plus la même. Ne voulant rien brusquer, il se montra patient avec elle. Veillant sur elle de loin, il lui laissait le temps et l’espace voulu pour qu’elle reprenne goût à leur vie seulement un incident vint tout changer.

Il inspira profondément et ouvrit les yeux de nouveau et lui dit encore :

- Si seulement je m’étais montré plus vigilant. Si seulement j’avais été là. Elle serait encore là. Tout est de ma faute Corvus. C’est moi qui est tuée Tirzah… je suis le seul responsable non seulement de sa mort à elle, mais également de celle de Julia.



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Plebe
Ven 1 Mai - 21:18
Re: Beaucoup de vin et de chagrins ...   




Manius Oppius Corvus
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₪ Âge : 28 ans
₪ Fonction & Métier : Masseur aux thermes

Cogito ergo sum ₪
₪ Citation: C'est la femme qui choisit l'homme qui la choisira.
₪ Moi en quelques mots:
₪ Côté Coeur: j'ai bien trop d'amour pour une seule femme !
Manius Oppius Corvus
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Beaucoup de vin et de chagrins...


Auberge Fausta ~ Mai 725 AUC
Mon regard ne quitte pas ce grand légat que j’ai pourtant déjà connu bien bas autrefois. Aucun homme ne rentre dans la taverne d’Ausonius Faustus sans raison. Ce n’est pas un lieu pour les bontés d’âmes et les enfants choyés. Ici, les blessures et les échecs s’oublient dans le vin âcre et les bras des putes. On n’y retrouve que des hommes brisés et perdus, ayant oublié toute morale et toute tempérance pour apprendre à s’accommoder de la honte et des rejets. Parfois, quelques sanglots se faufilent entre les rires beuglants des ivrognes avant d’être noyés dans l’alcool et de s’estomper calmement pour ne rester qu’un souvenir trouble qui ne revient hanter les esprits qu’au matin, lorsque les hommes d’éveillent, le sang tambourinant dans les tempes et la tête fracassée par leurs frasques nocturnes. Puis, les muscles endoloris et tout le corps engourdi, ils s’en retournent à leur office, tâchant de retrouver le peu de vie qu’ils estiment encore digne d’être vécue, et chaque nouvelle péripétie décide si leurs pas les mèneront de nouveau dans cette même auberge où la débauche a éclaboussé leurs tuniques un soir où leur conscience elle-même s’est retrouvée dans une léthargie trop douce pour leur faire rebrousser chemin. Comme tous ceux-là, Marcus n’a trouvé un jour que le réconfort du vin et des catins pour éponger ses peines. A cette époque, il venait de perdre sa femme, se retrouvait seul avec sa petite Vinicia, et nous avons connu la sympathie naturelle que peuvent avoir deux hommes en quête des mêmes déboires à la même heure. Ah ! Nous en avions vidé des amphores et baisé de ces putains ensemble. La plupart de nos souvenirs sont teintés des pires débauches et de soirées dépourvues de toute raison. Je ne peux certainement pas dire que je les regrette. J’ai vécu avec Vinicius des rires et des lâchers prises qui aujourd’hui encore m’arrache un sourire nostalgique lorsqu’ils me reviennent en mémoire. Mais aujourd’hui, je sais que rien de tout cela ne viendra embellir cette soirée car jamais, je crois, je n’ai connu Marcus dans cet état-là. La mort de sa femme l’avait fait rencontrer de sombres démons. Mais ceux que j’aperçois dans ses yeux ce soir me semblent plus tristes et opaques que de l’encre.

La situation est étrange, pesante. Je me sens comme affublé d’une responsabilité tacite, moi dont la fiabilité est décriée par tout Pompéi. Suis-je à ma place ? Rien ne me permet de le croire. Pourtant, je ne parviens pas à me voir ailleurs qu’ici et, alors que le légat sort enfin du mutisme dans lequel il s’est terré jusque-là, mes sourcils se froncent et je l’écoute sans un mot.

Nul besoin de lui demander plus de détails sur ce qui a bien pu se passer, tout se lit dans ses yeux une seconde avant qu’il ne les ferme et respire profondément. Doucement, j’avale ma salive sans cesser de le regarder. Mais aucun mot ne parvient à se frayer un chemin le long de ma gorge et je suis incapable du moindre geste de compassion pour lui insuffler un peu de courage dont il semble avoir cruellement besoin. Je suis immobile tel une statue de cire, cherchant par tous les moyens à savoir comment un homme moral devrait réagir. Mais, même si plusieurs membres de ma famille se targueraient certainement de pouvoir être ainsi pris en exemple, rien ne me vient et je demeure comme un gamin perdu au milieu d’une histoire de grands. La voix de Vinicius se fait plus tremblante, torturée, et alors, tout s’éclaire enfin.

Tirzah, cette fameuse esclave juive dont tout Pompéi le disait épris… L’histoire de son sauvetage lors de sa condamnation à mort dans l’amphithéâtre était connue d’un bon nombre de Pompéiens et m’était revenue aux oreilles. Les langues de vipères sifflaient leurs racontars de quartiers, tantôt hypothèses fumeuses, tantôt calomnies ingrates, et, parfois, fabulations teintées d’un soupçon de vérité. Jamais je n’avais trop cherché à connaître le fin mot de l’histoire, plus occupé à regretter mon camarade de beuverie avec lequel j’avais malgré tout passé plusieurs nuits en tout point inoubliables. Mais aujourd’hui, il semblerait que la vie veule rattraper mon ancien manque d’intérêt car c’est maintenant la vie de Marcus qui me revient d’elle-même. Et cette dernière semble plus noire qu’elle ne l’a jamais été, même du temps de la mort de sa femme, Julia.

Les mots sortent difficilement de la gorge de mon ami et sont aussi coupants que des lames. Tant de souffrance dans chaque syllabe, tant de regrets dans chaque souvenir. J’avais craint une telle horreur, une tragédie de ce type, capable de briser un homme. Et, alors que ses phrases traversent la barrière de ses lèvres, je me retiens de grimacer car toutes mes peurs se matérialisent alors. Que puis-je faire face à cela ? Quel homme pourrait agir pour panser de telles blessures ? Je ne suis qu’un corbeau par deux fois trop amateur de paris, du vin et des femmes, je ne suis qu’un fils à moitié renié par sa famille pour tous les déshonneurs qu’il lui apporte, qu’un homme de peu de morale, cupide et assassin… Que fais-je donc face à ce légat détruit, à cet amant maudit deux fois étant parvenu à reconstruire sa vie après la mort de son épouse pour mieux de la faire détruire par la suite. Quelle épaule pourrais-je lui donner, moi, mauvais fils, mauvais frère, mauvais amant ?

Un instant, je baisse les yeux, essayant par tous les moyens de trouver un encouragement quelconque à lui dire. Mais rien ne me vient et je reste désespérément muet alors que Marcus continue difficilement. Le regard perdu dans le pourpre de ma coupe de vin, je cherche à me raccrocher à quelque chose, n’importe quoi, pour m’insuffler un peu de douceur, un peu d’assurance, tout ce dont un homme comme Marcus peut avoir besoin en un tel instant. La seule image que m’envoie mon esprit est alors le visage de ma sœur. Musca et son regard tendre, ses paroles caressantes et son soutien toujours présent, toujours sincère, sans lequel j’aurais certainement plongé bien plus bas que je le suis déjà. Et dans ses deux yeux avenants, je crois trouver ces mots qui me manquent, ces conseils avisés qu’elle saurait certainement avancer, elle qui m’a tant de fois tiré d’un mauvais pas. Alors que Vinicius s’enfonce dans les ténèbres, comme moi bien avant lui, je me remémore les mots aimants de ma sœur et toutes ces attentions qui m’ont réchauffé le cœur lorsque la honte et la rancœur m’empêchaient tout discernement. Et quand j’entends toute la culpabilité de Marcus l’étrangler, je retrouve enfin l’usage de mes mots et la force de relever le regard.

- Hé, hé, Marcus, qu’est-ce que tu racontes ? De quoi tu parles ?

Je ne sais rien de sa vie, trop peu pour comprendre toute l’étendue de ce dont il s’accuse. Le seul responsable de leur mort… Marcus a bien des défauts mais les différences sont aussi ténues que capitales. Il est un débauché, pas un pervers. Un anticonformiste, pas un provocateur. Un militaire, pas un meurtrier. Je sais les erreurs qu’il a pu faire, toutes les critiques plus ou moins légitimes qu’ont pu lui faire ses opposants. Mais jamais je ne pourrai imaginer ce légat responsable d’un acte aussi barbare, aussi affreux. En quoi pourrait-il donc être responsable de la mort de ces deux femmes, des deux qui ont apporté un peu de douceur dans sa vie loin d’être simple ?

- Je ne sais pas ce qui a bien pu se passer Marcus mais… Je sais qu’il y a des choses que seuls les dieux sont à mêmes de comprendre alors que nous baignons dans notre ignorance et tout ce que nous pouvons faire, c’est maudire le monde à la recherche de réponse que personne ne pourra jamais nous apporter. Je ne sais pas ce qui te ronge ainsi Marcus mais tu n’es pas un tueur. Je ne te connais qu’au travers de toutes ces soirées que nous avons passées ensemble, mais je te connais assez pour affirmer cela. Ne reste pas sur cette seule réponse parce qu’elle est la seule que nous pouvons comprendre. Ne t’inflige pas ça…

Mes yeux cherchent son regard fuyant alors que le chagrin semble tout obscurcir autour de lui. Je me sens, malgré tous mes efforts, impuissant face à sa souffrance et ne sais pas si mes mots ont une quelconque résonnance en lui. Nerveusement, ma main droite se serre autour de ma cuisse et j’attends qu’il accepte de parler de nouveau. Ce silence me met mal à l’aise et les pensées de Marcus me sont terriblement hermétiques. Je suis familier des ténèbres, Pulchra et Lucanus me le rappellent bien assez souvent. Mais ce soir, même pour moi, les ombres paraissent bien plus terrifiantes.

lumos maxima
Mer 24 Juin - 14:22
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Beaucoup de vin et de chagrins...


Auberge Fausta ~ Mai 725 AUC

Je ne me souvenais plus depuis quand j’étais dans cette auberge ni combien de verre, j’y avais bu seulement vu mon état cela devait être un nombre considérable. Et pourtant, au point ou j’en étais j’aurais bien pu boire l’équivalent de toute la mer cela n’aurait rien changé. Quelle image déplorable je donnais à ce pauvre Corvus. Il devait certainement croire que j’avais perdu tout honneur pour me donner ainsi en spectacle devant tout Pompéi. Et il avait bien raison de le penser puisque j’avais perdu depuis longtemps tout mon honneur et ma fierté. J’étais brisé. Une fois de plus. En mettant le corps de Tirzah en terre et en tuant Demetrius, j’avais également laissé une partie de mon âme. À cet instant, ce qui restait de moi ne valait guère mieux que n’importe quel homme qui se trouvait dans cette taverne. Il n’y avait plus de légat, ni de patricien affreusement riche. Seulement un homme brisé. Un homme impuissant devant la mort d’un être cher à son cœur. Comme j’étais pitoyable. En d’autres temps, j’aurais été le premier à me juger et me traiter de tous les noms. Quelle honte, j’étais pour les miens.

Il fait affreusement chaud dans cette taverne et le fait d’avoir un peu parler rend ma gorge sèche ou n’est-ce qu’une illusion. Sans doute que je cherche une autre raison pour remplir mon verre pour me donner un peu de courage pour poursuivre mon histoire. Comment lui dire, par où commencer? À présent tout me semble si loin et si proche à la fois. Face à mon désarroi, Corvus semble stoïque ne sachant pas s’il doit me plaindre ou m’encourager à poursuivre mon récit. Il connaît déjà une partie de mon histoire, mais ce que je suis sur le point de lui dire n’est guère glorieux. Comment avoué à quelqu’un qu’on est responsable de la mort de sa femme et de son enfant?

Il n’y a pas de mots faciles pour le dire et pour l’expliquer et bien qu’il me soit douloureux de l’évoquer, je me dois de le faire pour mon salut. Pendant un instant, un rictus s’affiche sur mes lèvres à l’idée que Corvus ne sera certainement pas le dernier à me questionner sur le sujet. Déjà, toute la ville devait se régaler de rumeurs à mon sujet. Ma vie dissolue, mes abus et mon amour du vin avait plus d’une fois fait la joie des commères seulement cette fois je me serais bien passé d’être le sujet de conversation à la mode.
Alors que je tente de lui expliquer ce qui me vaut mon air lugubre et la démolition de mon foyer, voilà que le visage de mon interlocuteur s’éclaire et qu’il essaie de me ramener à la raison.  

- Hé, hé, Marcus, qu’est-ce que tu racontes? De quoi tu parles?

Apparemment, il ne semble pas comprendre ce que j’essaie de lui dire. C’est pourtant si simple. Je les ai tués. C’est moi qui suis responsable de tout ce qui est arrivé. Comme j’aimerais pouvoir tout effacer. Revenir en arrière et tout recommencer, mais je sais que c’est impossible. Alors que mon ami essaie tant bien que mal de m’apaiser, je l’écoute à peine. Mon esprit est si loin. Mon cœur si souffrant que je ne veux rien entendre. Je voudrais crier ma rage à la terre entière et alors que Corvus se tait enfin, je lui dis :

- Ce que je te dis est la stricte vérité Manius. C’est moi qui suis responsable de leur mort. C’est moi qui suis le seul responsable de tout ce malheur et rien de ce que je pourrais faire ou dire ne pourra réparer mes erreurs. Il est trop tard. Beaucoup trop tard. Comme j’ai été idiot et naïf de croire que je pouvais avoir une confiance aveugle en cette… abomination !

Les mots et les injures se bousculaient dans mon esprit pour décrire Demetrius. Aucun mot n’était digne de lui. Jamais de ma vie je n’avais autant haï une personne que lui et les dieux étaient témoins que je lui avais fait chèrement payer ses crimes. À cette idée, un sourire s’affiche sur mes lèvres et je vidai ma coupe. Et fit signe à l’aubergiste de venir nous servir de nouveau du vin. La soirée était encore jeune et j’avais encore soif.

- Je l’ai tué Corvus ! Je l’ai fait souffrir. Il n’y a rien que je ne lui ai pas fait subir. Lorsque j’en ai eu terminé avec lui, il ne restait plus rien. Je l’ai tué, démoli, anéanti tout comme j’ai détruit ma maison pour effacer toute trace de lui, mais le mal qu’il a fait est toujours présent. La douleur ne me quitte jamais parce que je sais que c’est moi qui suis responsable de toutes ces horreurs. Comment ai-je pu être aussi aveugle dis-moi?
lumos maxima
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