Aelia Pertinax

→ Ce que je pense de Pompéi
Grande, belle, indomptée et insoumise, a l'image des Dieux elle se dresse au pied du mont Vésuve, brulante, dangereuse, intrigante et effrayante. Pompéi est une ville comme nul autre, certainement la seule a pouvoir offrir tous les frissons que je recherches. J'ai le sentiment qu'elle me ressemble, aussi désirable et mortelle que moi. Nous allons bien nous entendre j'en suis sur!

→ Ce que je pense de la politique
C'est mon arène. Comme les gladiateurs foulent les sables brulants pour y verser leur sang je souhaite bien jouer de mon verbe et de mes atouts pour amener a mon père ce qu'il désire. Plus encore qu'une quête, j'espère y trouver un divertissement et des adversaires plaisants.

→ Ce que je pense des jeux
Les jeux sont peut-être le passe-temps préféré de mon père, il doit y trouver le souvenir de ses années dans la légion, mais ils n'ont qu'un seul intérêt pour moi: Les gladiateurs.
Si les combats m’ennuient, a de rares exceptions ou l'enjeu n'est pas qu'une simple estafilade sur un inconnus, c'est surtout le contact brulant de la peau et des muscles de ses sauvages sur ma croupe qui attise en moi un désir particulier. Gageons que mon père n'en soupçonne pas l'existence.

→ Mes souhaits, mes rêves, mes ambitions
Un avenir? J'ai le temps pour cela. Je n'ai qu'une obligation, que je remplis pour l'instant avec succès: Je plais à mon père et suis ses leçons à la lettre.
Je profite du temps qui passe et des jouissances multiples que m'offre la vie. Même les jeux politiques, les intrigues et le complots de mon pater genitus sont un jeu pour moi. Je ne prend que peu de choses au sérieux et le dissimule suffisamment bien pour ne pas inquiéter les ambitions de mon père a mon sujet.

→ Ma pire crainte
La prison, l'esclavagisme, mais comme tout le monde non? Il y'a pourtant une chose que désire les autres filles et qui, pour moi, a trop de chose en commun avec les deux premiers points.
Le mariage. Même si mon père arrivait a trouver un prétendant digne de lui - et je n'ai jamais vue, ni même aimer un homme comme je l'aime lui - je souffrirais de m'unir a un seul quand la vie et mon statut social m'offre tant de mets délicieux a me mettre sous la dent. Je suis et veux rester la femme de mon père, sa fille chérie.

→ Heureusement, les Dieux veillent sur moi.
Les dieux sont puissants, bien sur. Mon père vénère Mars et je ne peux faire moins que suivre l'exemple de l'homme que je considère comme divin. Mais j'ai mes propres aspirations, mes idées, ma personnalité. J'aime a prier Vénus bien sur ou Diane mais aussi Apollon et plus souvent la nuit, ou parfois dans les bras d'un ou d'une amante, j'aime évoquer Proserpine qui m'inspire quand il faut abattre un ennemi.

La litière s’arrête à l'entrée de la cité. Le convois continue vers le domaine de son père mais Aelia souhaite profiter de la vue de Pompéi, comme on déguste une pâtisserie du regard avant de la mettre en bouche.

Elle s'extirpe du véhicule et pose ses pieds nues sur les pavés brulants de la rue principale. Elle frisonne alors que la brulure lui abime la plante des pieds.
Elle porte une stola blanche liserée de bordeaux et ceint d'une cordelette dorée. Le vêtement est si fin qu'on discerne aisément le corps qu'elle recouvre dans les rayons de lumière. Aelia passe sa main dans ses cheveux d'un noir de jais.

→ Elle se souvient de son enfance, en Gaule, son pays natal. La vie à la campagne avec sa pauvre mère. Elle n'a connus son père que plus tard car ce dernier était partie en guerre. Un homme tel que lui ne peut se sustenter de baies et d'eau de rivière; il boit le sang des ennemis de Rome et dévore la chair des vaincus. Et comme Aelia devait lui ressembler!
Il ne lui a pas manqué. Il n'était alors, ni plus ni moins, qu'un inconnus vivant de rapines dans des contrés éloignés. Sa mère lui disait pourtant a quel point elle lui ressemblait.

"Je vois ses yeux, tu me rappelle ton père Aelia. Il avait le même regard."

C'était parfois un compliment, parfois non.

→ Rien ni personne ne pouvait aller contre sa volonté, ce qu'elle ne pouvait avoir par la force elle le prenait par la ruse. Combien de fois sa sœur fut accusée des crimes qu'elle même commettait? Combien de filles du village durent lui passer ses caprices, combien, plus encore, de garçons quand elle atteint l'âge de les intéresser?

L'une de ses nourrices, renvoyée pour avoir injustement punis la petite, l'accusa même d'être un démon incarné dans le corps d'une enfant. La vérité? Elle avait agacé Aelia qui, avec patience, avait déjà élaboré des intrigues pour la faire renvoyer. Fatiguée sa mère avait finis par succomber et lui passer une bonne part de ses caprices, situation qui ne fit que s'aggraver quand son père rentra des combats.

Plus le temps passait et plus la petite fille, et l'adolescente ensuite, comprenait qu'elle n'était pas du même sang que les autres. Ce n'était pas de l'orgueil, ni même de la vanité, c'était un constat basé sur un fait. Elle ressemblait à son père. Et plus elle le découvrait plus elle souhaitait être comme lui.
Elle l'avait érigé au rang de demi-dieu foulant cette terre débarrassé de la bêtise et de la couardise des hommes. Elle se mit a prier Mars pour imiter celui qu'elle adorait comme son seul parent. Elle ne fit pas que l'imiter dans cet aspect de sa vie. Elle apprit, comme lui, et avec aisance, a se débarrasser de ces fardeaux que sont le scrupule et la culpabilité.

→ Lorsqu'elle eue 14 ans Aelia fut en âge d'être mariée.
Comme aujourd'hui encore c’était pour elle une terrible épreuve.
Elle aurait préféré être un garçon.
Elle imaginait qu'elle aurait rendu son père d'autant plus fier d'elle, mais surtout elle aurait eue le loisir de préserver sa liberté de cette tâche qui incombait aux filles des Familles: se lier à un pourceau pour satisfaire ses désirs.
Aelia ne vit jamais la part noble dans cette corvée dont les femmes étaient victimes, celle de lier les familles et de les préserver.

Être mariée ou réduite en esclavage revenait au même. Elle devinait que sa mère, lâche et terrifiée, voulait se débarrasser d'elle.

Quintus ne sut jamais qu'elle était alors cachée derrière la porte de la cave quand il planta sa lame dans la poitrine de sa femme, mais, alors que son âme quittait le corps de sa mère un sourire s'épanouissait sur le visage de l'adolescente.

Son père l'avait sauvé, il avait préservé la famille de cette trahison que fomentait sa pauvre mère, cette traitresse.
Il ne sait pas qu'elle a vue cette scène et elle préserve son secret encore aujourd'hui. Elle lui est redevable pour cela.

Les jours qui suivirent elle porta le deuil comme sa sœur et pleura comme le reste de la famille, attendant la nuit pour se réjouir et prier Proserpine.

→ C'est à cette époque qu'elle fit la connaissance de Caïus Septimus. Un légionnaire qui était revenu au pays en compagnie de son père.
Le jeune homme avait profité de la peine de la famille pour faire sa cours à la jeune fille.
Comment ne pas tomber sous le charme de cet albâtre au corps sculpté par la guerre, le sang et le meurtre? Il passait son temps a lui raconter les campagnes et la compagnie de son père et a déclamer des poèmes à la gloire de sa beauté mortelle; et elle finit par succomber aux paroles de miel et aux caresses doucereuses et brutales.

Il lui pris sa virginité et son cœur et ils devinrent inséparable. Quel idiote! L'idylle ne dura que quelques mois. Elle se gorgea de sa douceur dans les mots et de sa bestialité au lit comme on se gave de miel ou de mets réservés aux dieux lorsqu'on en possède. Mais c'était avant, avant qu'il ne disparaissent sans laisser un mot, sans un au revoir.

Elle se sentit trahis et les nuits devinrent amères et pleines de larmes. Elle pleura longtemps. Il lui fallut toutes ces lunes pour comprendre ces choses essentiels: D'amour elle n'en avait pas plus besoin que de scrupules ou de culpabilités qui sont les excuses des faibles pour mieux pouvoir échouer, et enfin que ce qu'elle avait aimé en Caïus n'était en fait que le reflet de ce qu'elle trouvait déjà dans le regard de son père. Il n'avait été qu'une pâle copie du seul homme de sa vie.

→ Quelques années après cet épisode elle partit avec son père et sa sœur vers Pompéi. Quitter la boue et le chanvre, la puanteur des bouseux pour rejoindre ce joyaux de l'Empire Romain fut la meilleur chose qui arriva à Aelia. Elle s'en réjouissait d'autant plus qu'elle avait toujours su que son destin ne se limitait pas aux enclos des cochons de cette pauvre Gaule. Elle avait une autre route a suivre, une quête à accomplir.

Sa mère lui avait dit un jour: Le pouvoir est affaire d'hommes et en aucun cas une femme ne dois se mêler de cela, pas plus que de la guerre.
C'était encore un signe de sa faiblesse. Les hommes édictent des lois, mais se sont les femmes qui murmurent à leurs oreilles les mots qu'il faut inscrire sur les parchemins.
Les pantins de bois sont difficile a manipuler contrairement à ceux de chair, ces derniers n'ont que deux fils à tirer pour les animer a notre grès, la verge et le cœur.

Aelina n'était pas un homme, bien qu'elle le regretta plus souvent qu'a son tour, mais elle avait déjà les projets qui rendrait son père fière d'elle. Elle avait les moyens de faire progresser l'influence de sa famille et elle ferait ce qu'il faudrait pour apporter sa part d'effort au développement de ce qui tenait le plus a cœur à son géniteur, son nom... leur nom.

Quant à Lucia, si Aelia doute qu'elle partage le même père malgré les dires de Quintus elle n'en éprouve pas moins une grande affection pour cette dernière. C'est une confidente, une amie, comme un animal de compagnie loyal et fidèle. Elle sait que sa sœur partage au moins l'amour de leur Famille et de leur père et, lorsqu'un secret devient trop lourd elle sait que sa grande sœur saura tenir sa langue. Elle est donc, naturellement, une alliée de choix qu'elle n'hésitera pas à défendre, ne serais-ce que parce que son père l'aime aussi, mais pas autant qu'elle même.

Aelia termine son tour d'horizon, son regard caressant l'horizon de tuiles oranges et de murs de chaux. Elle se tourne vers les porteurs et leur ordonne sèchement de se remettre en route avant de remonter dans sa litière. Lucia, à l’intérieur, lui demande pourquoi cette pause mais Aelia ne lui répond pas, elle détourne le sujet, préférant exprimer sa joie d'être enfin arrivée à Pompéi.

LIENS: Quintus Aelius Coclès mon père adoré, le seul homme de ma vie.